Si la première réaction du président de la Conférence des évêques de France a été « l’horreur », à l’annonce des nouveaux témoignages publiés cette semaine contre l’abbé Pierre, il réclame désormais l’ouverture d’une enquête.
Lundi 13 janvier, neuf nouvelles accusations de violences sexuelles, dont le viol d’un petit garçon, ont été révélées dans le troisième rapport commandé par Emmaüs sur le passé de l’abbé Pierre. Au total, 33 témoignages ont été recueillis et 57 victimes potentielles identifiées. Ce vendredi, l’Église a décidé de hausser le ton. Au micro de CMRMgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, annonce que l’Église demande officiellement l’ouverture d’une information judiciaire.
Un rapport pour enquêter sur de « possibles non-dénonciations »
Selon Mgr Éric de Moulins-Beaufort, le parquet dispose de moyens dont l’Église et Emmaüs ne disposent pas. C’est pourquoi un rapport écrit a été transmis mardi à la justice. «Je considère qu’il faut aller au fond de la vérité. C’est pour ça que j’ai sollicité, j’ai rédigé un rapport au procureur de Paris pour lui demander d’envisager l’ouverture d’une enquête sur l’abbé Pierre (…) afin qu’on puisse enquêter sur d’éventuelles autres victimes, complices et non-dénonciations”, explique-t-il sur le plateau deApolline Matince vendredi 17 janvier.
Une décision motivée également par l’arrivée cette semaine de nouveaux témoignages contre l’abbé Pierre, qui s’ajoutent à la longue liste déjà connue jusque-là. « On pense à ces victimes qui racontent des choses terribles. A chaque rapport nous franchissons un seuil dans la découverte de ce qu’était capable de faire l’abbé Pierre et du genre de système qu’il semble avoir bâti », déplore Mgr Éric de Moulins-Beaufort. Il avoue : « C’est très difficile de parler, ça n’apporte pas de soulagement immédiat. Raconter ce que l’on vit, c’est le revivre. L’un des défis de notre société est de créer des lieux d’écoute.
-« L’abbé Pierre échappe aux mesures que nous prenons »
Il a également tenu à rappeler ce vendredi que les agissements de l’abbé Pierre faisaient l’objet de premiers soupçons, il y a déjà 70 ans. « Dans les années 55-57, nous avons commencé à connaître des choses sur le comportement sexuel de l’abbé Pierre. Il s’inquiétait beaucoup. Mes lointains prédécesseurs ont essayé de faire des choses, nous avons essayé de limiter ses interventions, nous avons essayé de prévenir les autorités de ne pas le mettre en évidence, nous l’envoyons dans une clinique en Suisse parce que nous pensons pouvoir le guérir”, explique-t-il sur RMC. « Mais l’abbé Pierre échappe aux mesures que nous prenons », concède-t-il.
Alors, tous les griefs peuvent-ils être formulés contre l’Église ? « Il est frappant à propos de l’abbé Pierre que tant de biographes et de cinéastes se soient intéressés à lui sans qu’aucune victime ne se sente autorisée à parler », a remarqué Mgr Éric de Moulins-Beaufort ce vendredi. A l’heure actuelle, la Conférence des évêques de France n’a pas reçu de réponse de la justice française concernant son dernier rapport.