La Croix : Le format de « conclave », annoncée par François Bayrou pour que les représentants patronaux et syndicaux renégocient la réforme des retraites, a-t-elle une chance d’aboutir ?
Cyril Chabanier: Le plus important n’est pas le format mais que cette question de la réforme des retraites soit remise sur la table, que l’on redonne la main aux partenaires sociaux et surtout que tous les sujets soient négociables, y compris le retrait du cadre juridique. âge de départ à 64 ans.
Ensuite, c’est vrai que je préfère des négociations assez serrées et intensives. Quand on négocie, il peut souvent s’écouler deux mois et demi entre chaque rencontre et il faut à chaque fois recommencer depuis le début… Quand ils sont plus proches, on avance plus vite. Donc cette forme de conclave, très intensive, peut permettre de ne pas revenir en arrière à chaque réunion. Mais le plus important sera de réussir et de réussir. Cela nous intéresse tous.
Quels seront les sujets les plus compliqués ?
CC : Ce ne sera pas une simple négociation, mais je pense que sur un sujet comme la pénibilité, et après en avoir discuté y compris avec les employeurs, des évolutions sont possibles. Nous sommes tous d’accord qu’il y a un travail à faire sur l’usure professionnelle, la pénibilité, mais aussi sur l’égalité femmes-hommes. On peut même améliorer les choses sur les carrières longues. En fait, le principal point de friction entre les organisations patronales et syndicales sera la question du financement.
François Bayrou met en avant la question du coût des retraites publiques : les fameux « 30 milliards d’euros » qu’il mettait en avant comme haut-commissaire au plan. Est-ce que cela jouera un rôle dans la négociation ?
-CC : C’est une question centrale. Mais nous nous retrouverons d’abord pour trouver un accord interprofessionnel : par définition, cela concerne donc le secteur privé. Si l’on nous demande de trouver un accord en vue d’un système plus juste pour lequel nous devons réaliser entre 10 et 15 milliards d’économies, ce qui était le cadre de la réforme précédente, je pense que nous pouvons obtenir quelque chose.
Or, si l’on nous demande de réaliser 45 milliards d’économies dans le secteur privé pour financer le déficit des retraites publiques, cela ne sert à rien d’entamer des négociations car il n’y a aucune chance d’aboutir.
Il faut donc laisser la responsabilité de chacun : aux partenaires sociaux de traiter la question des salariés du privé, et à l’État de voir ce qu’il est possible de négocier pour ses agents. Pour cela, il y a un ministre de la fonction publique et des syndicats de la fonction publique. Par ailleurs, si on ouvre le dossier des retraites publiques, alors il faudra aussi ouvrir le dossier du régime spécial.
Faut-il aller jusqu’à revoir, comme l’a suggéré le président du Medef Patrick Martin, l’ensemble du financement de la protection sociale ?
CC : Je préfère être prudent sur ce point car il s’agit souvent de regarder qui paie quoi : «Revoir notre système de protection sociale» signifie souvent le réviser à la baisse. Mais je n’ai aucun problème à l’optimiser. La plupart du temps, on envisage un système avant de changer de direction : telle mesure doit financer telle décision et, au final, l’argent prélevé va ailleurs. C’est ce qui doit être revu et, sur ce point, je suis ouvert à la discussion.