Le 1est Janvier 2025, les véhicules non classés et classés Crit’Air 3, 4 et 5 seront interdits de circulation dans 4 grandes métropoles (Paris, Lyon, Grenoble et Montpellier). Selon les données officielles, près de 850 000 véhicules particuliers seront concernés par cette interdiction dans ces quatre métropoles. Si l’on prend en compte leur zone de chalandise, cette interdiction concernera plus de 2 millions de véhicules.
Même si les ZFE ont été dénoncées comme injustes socialement et territorialement, certaines métropoles œuvrent à leur mise en place même si elles sont loin d’avoir fait leurs preuves dans la lutte contre la pollution de l’air.
En 2020, l’ADEME, le cabinet d’études Rincent AIR, a réalisé un bilan du ZFE-m en Europe. Sur son site, ce dernier a noté que « plus de vingt ans après le lancement du premier ZFE-m, la majorité des dispositifs mis en œuvre en Europe ont un effet limité sur les concentrations de NO2 et particules fines à l’échelle locale ».
En France, les améliorations observées ces dernières années en matière de pollution de l’air n’ont rien à voir avec les ZFE-m qui sont actuellement toutes virtuelles. Pour l’essentiel, ces améliorations, en ce qui concerne le transport routier, résultent de la mise en œuvre, au fil des années, de normes EURO de plus en plus restrictives. Une nouvelle étape aurait pu être franchie avec la norme EURO 7 mais celle-ci, adoptée en avril 2024 par le Conseil de l’Union européenne, modifie marginalement la norme EURO 6. La France et Bruno Le Maire notamment étaient à l’avant-garde de cette lutte contre une nouvelle norme plus restrictive.
Pour justifier leur mise en œuvre, les partisans du ZFE-m invoquent l’argument de 47 000 décès prématurés dus à la pollution atmosphérique. Ils oublient de préciser que, selon Santé Publique France, 40 000 de ces décès prématurés sont dus à l’exposition aux particules fines (PM2,5)et 7 000 à l’exposition au NO2. Si le transport routier est le principal émetteur d’émissions de NOx2jusqu’à 47%[1]c’est loin d’être le cas en ce qui concerne les particules fines (10 %). Or, les ZFE-m n’ont quasiment aucun impact sur les particules fines dans la mesure où les véhicules électriques et SUV thermiques (47% des immatriculations en 2023 !), du fait de leur poids, émettent presque autant de particules fines que les véhicules thermiques depuis la généralisation du filtre à particules sur les véhicules diesel. En termes d’émissions de particules fines PM2,5les principaux émetteurs sont le secteur résidentiel (68 %) et l’industrie (16 %).
L’argument de l’efficacité du ZFE-m dans la lutte contre la pollution de l’air ne tient donc pas. En effet, leur seul objectif est d’accélérer le renouvellement naturel du parc automobile mais non de réduire la part modale de la voiture dans les transports. Dans l’évaluation évoquée précédemment, l’ADEME a constaté que partout la mise en place d’une ZFE-m n’avait pas d’impact significatif sur la réduction du nombre de véhicules en circulation.
Déjà, la plupart des médias se font l’écho des inquiétudes des automobilistes visés par les interdictions qui entreront en vigueur le 1est Janvier 2025. Mesure-t-on les violences qui sont commises contre la personne dont le véhicule n’est plus autorisé à entrer dans la métropole dans laquelle elle vit, travaille ou voyage pour diverses raisons (santé, éducation, formation, culture, etc.) ?
Mais on nous dit que ces automobilistes étaient au courant de cette interdiction depuis des années et auraient donc dû l’anticiper. En changeant de véhicule ? Mais l’achat d’un véhicule électrique est hors de portée pour la grande majorité des ménages. Et acheter un nouveau véhicule thermique devient de plus en plus difficile pour une grande partie de la population. Le prix moyen d’un véhicule neuf est passé de 26 000 € en 2018 à un peu plus de 36 000 € en 2023. Il n’est donc pas surprenant que les trois quarts des ménages optent pour des véhicules d’occasion. , principalement avec des moteurs diesel, dont l’âge moyen est passé de 9,7 ans en 2020 à 10,7 ans en 2023.
L’assistance au changement de véhicule peut-elle être la solution ? La réponse est non. Outre le fait, comme l’a reconnu l’ancien ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, qu’en 2023 seul un quart des aides a bénéficié aux plus modestes, cela laisse une charge trop lourde pour la très grande majorité des foyers. Et cela n’est pas près de s’améliorer dans la mesure où deux décrets (février et décembre) de 2024 ont réduit toutes les aides. Sans parler du projet de budget 2025 avorté qui prévoyait de réduire le montant des aides (bail social, prime à la conversion, bonus écologique) de 1,5 milliard d’euros à 1 milliard.
Parler aujourd’hui de la production en France d’une voiture électrique abordable et de mesures comme un prêt à taux zéro ou une prime à la conversion de 10 000 euros, c’est éviter le problème qui va se poser. impacter des centaines de milliers, voire des millions d’automobilistes à court ou moyen terme : celui de l’interdiction de circuler sur leurs véhicules. Dans les 43 territoires ZFE et vigilance, un quart des véhicules sont des véhicules non classés ou Crit’air 3, 4 et 5, soit 2 968 000 véhicules. Si l’on accordait une prime de 10 000 € à tous ces automobilistes pour changer de véhicule, cela coûterait 29,68 milliards d’euros au budget de l’État !
Ne pensez-vous pas que ces milliards d’euros devraient plutôt servir à développer des mobilités alternatives moins polluantes que la voiture, qu’elle soit thermique ou électrique ? Et il est temps d’arrêter d’obliger les gens à changer de véhicule ?
Les ZFE-m sont une impasse, il faut les abandonner et affirmer clairement que la seule solution pour réduire la part modale de la voiture en ville et améliorer la qualité de l’air est de donner les transports en commun comme premier choix de mobilité (train, bus , métro, tramway) et les modes de transports doux (marche, vélo).
[1]Source CITEPA – Avril 2024