BLa chute d’Ashar al-Assad ne s’est pas produite avec fracas mais avec un gémissement. Le dictateur syrien aurait fui son domicile à la suite d’une avancée éclair menée par une coalition de rebelles antigouvernementaux. Dimanche matin, il avait disparu, laissant les groupes armés comme acteurs politiques dominants du pays. Un sentiment anti-Assad a déferlé à travers la Syrie, se manifestant par des manifestations à la fois de célébration et de défi. La question est maintenant de savoir si cette énergie déchaînée – brutalement réprimée par la peur et le contrôle autoritaire – deviendra une force unificatrice dans la construction d’une nouvelle nation ou, plutôt, un précurseur de divisions plus profondes.
La chute de la maison Assad, qui dirige la Syrie depuis plus d’un demi-siècle, devrait être un avertissement pour les régimes dictatoriaux. Le départ de M. Assad souligne une vérité plus large : les sociétés ne peuvent pas tolérer indéfiniment les abus systémiques, tels que la propagande d’État, la corruption et la violence. Le poisson pourrit de la tête aux pieds. L’État syrien de M. Assad s’est effondré de l’intérieur, après avoir passé plus d’une décennie à poursuivre un règne de terreur qui n’a fait qu’alimenter les troubles qu’il cherchait à réprimer. L’effondrement du régime soulève des questions pressantes sur l’avenir de la Syrie. Avec des institutions faibles et une société civile fragile, le risque de désintégration est grand.
Les perspectives de la Syrie dépendent à la fois des forces internes et externes, et notamment d’Abou Mohammed al-Jolani, le chef de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), une ancienne branche d’Al-Qaida devenue une faction islamiste modérée. Crédité du renversement de M. Assad, M. Jolani a piloté le changement stratégique du djihadisme vers la libération nationale. En 2021, il a déclaré qu’il n’avait pas l’intention de faire la guerre à l’Occident et, depuis cinq ans, il a supervisé un gouvernement semi-technocratique dans la province d’Idlib pour 3 millions d’habitants sous protection turque. HTS a évité les interprétations extrêmes de la charia, mais reste désigné comme groupe terroriste. Les critiques disent qu’il est corrompu et intolérant à l’égard de la dissidence. Cependant, les efforts de M. Jolani envers les tribus, les minorités et ses anciens ennemis ont renforcé sa légitimité nationale, tandis que même Moscou – autrefois protecteur de M. Assad – pourrait s’engager à sécuriser ses bases militaires.
M. Jolani s’appuie sur des alliés, notamment sur les milices soutenues par la Turquie, collectivement appelées Armée nationale syrienne, qui a une réputation de voyou. Réélu sur la promesse de rapatrier 3 millions de réfugiés, le président turc Recep Tayyip Erdoğan aspire à la stabilité en Syrie, mais craint que les régions kurdes soutenues par les États-Unis en Syrie ne suscitent des revendications d’autonomie dans leur pays. Israël considère un Damas dirigé par les islamistes comme une menace, mais trouve du réconfort dans l’incapacité du Hezbollah à défendre le régime d’Assad, car il donne la priorité à la défense de ses bases libanaises. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, grâce à leurs ressources financières, pourraient aider à la reconstruction de la Syrie, mais leur soutien passé à M. Assad complique leur rôle. Il est encourageant de constater que les dirigeants arabes ont déclaré qu’ils chercheraient à éviter de relancer une guerre civile vieille de 13 ans après les négociations au Qatar.
La Syrie ne sera plus jamais la même. Les Syriens ordinaires ont enduré des horreurs inimaginables sous le régime d’Assad. Mais ils ont écrit ce chapitre de l’histoire. Leur liberté retrouvée est assombrie par la tâche ardue de reconstruire les vies et les infrastructures. L’espoir commun d’éviter les vendettas violentes doit guider les efforts vers un règlement juste. Le peuple syrien a souvent été abandonné. En ce moment d’espoir fragile, le monde ne doit pas les décevoir une nouvelle fois. Un effort international concerté en faveur de la stabilité politique, de la réconciliation et de la reconstruction est essentiel pour garantir que leurs sacrifices conduisent à une paix durable.