Et si la censure gouvernementale amplifiait les tensions entre socialistes et rebelles au sein du Nouveau Front populaire (NFP) à l’Assemblée nationale ? Car, paradoxalement, si les deux partenaires se sont alliés aux écologistes et aux communistes pour faire tomber Michel Barnier, l’alliance de circonstance née lors des dernières élections législatives est en train d’échouer. Une image, mercredi soir, au Palais Bourbon, a frappé les esprits. Celle de Jean-Luc Mélenchon, au balcon de l’Assemblée, restant pour écouter Marine Le Pen s’exprimer depuis l’estrade mais disparaissant juste avant que le président du groupe socialiste, Boris Vallaud, ne prenne la parole.
Occasion de tenter de « faire bouger le faisceau » à gauche, Gabriel Attal, pour le groupe macroniste, n’a pas laissé passer l’occasion. « Jean-Luc Mélenchon écoutait religieusement Marine Le Pen. Il la respecte plus que toi ! Qu’est-ce que tu attends ! », a crié le président du groupe Ensemble pour la République aux socialistes, les exhortant à se libérer des Insoumis.
« L’espace n’est pas de centre gauche »
Fin novembre, Boris Vallaud a avancé une issue : proposer à tous les présidents de groupe de l’Assemblée et du Sénat – ceux de l’arc Républicain (de LR à LFI) – de poser la question de la non-censure. Une tentative aussitôt écrasée par Jean-Luc Mélenchon, sur le réseau social X, y voyant la transformation du PFN en un nouveau socle commun. « Sans LFI », a tranché le patron des Insoumis.
Mercredi, Vallaud a récidivé en appelant à la nomination d’un Premier ministre certes de gauche mais avec une Assemblée trouvant des compromis texte par texte, grâce à un accord de non-censure, sans recours au 49.3. Une initiative qui, si elle peut éventuellement contribuer à rapprocher macronistes et socialistes, se fera, encore une fois, sans LFI.
« La France insoumise a élargi le bloc de gauche. Si vous voulez gagner une élection nationale dans ce pays, la place n’est pas au centre-gauche”, rappelle le député et coordinateur de LFI, Manuel Bompard. Car contrairement au PS, le parti d’extrême gauche, qui reste sur la ligne mélenchonienne « tout le programme, rien que le programme », est désormais entièrement orienté vers un seul objectif : pousser Emmanuel Macron à la démission. Les Insoumis se préparent déjà à une élection présidentielle anticipée. Début janvier, ils achèveront la mise à jour du programme 2022 et des contacts seront pris avec des banquiers et des imprimeurs. Au cas où.
« Parlementarisme »
“On voit ce qui se passe au Parti socialiste, on n’est pas aveugle”, renchérit la députée LFI de Rennes Marie Mesmeur. Mais le chemin que compte emprunter Boris Vallaud n’est pas audible. Les électeurs qui ont voté pour le NFP ont également voté pour un programme. Et la volonté de rompre avec les politiques actuelles a trouvé un écho. Nous avons donc besoin d’un programme disruptif. » Elle y voit aussi davantage un agenda individuel qu’une véritable initiative de groupe.
Un congrès PS doit, en effet, se tenir dans les prochains mois, à la veille des élections municipales cruciales de 2026. Notamment dans des métropoles comme Rennes, Brest ou Nantes. Un congrès qui verra s’affronter les partisans d’une ligne prônant l’alliance avec LFI, menée par Olivier Faure, et ceux poussant à l’autonomie des sociaux-démocrates, comme Bernard Cazeneuve et Carole Delga. Sans oublier François Hollande, qui siège désormais à l’Assemblée et dont l’ambition présidentielle ne fait guère de doute.
Dans ce contexte, si elle admet que des frictions existent entre membres du PS, Mélanie Thomin souhaite d’abord conserver la meute formée par son groupe lors de la censure. « Les députés socialistes étaient extrêmement solidaires dans leur posture et dans leurs messages », souligne le parlementaire finistérien. Et, tout comme Boris Vallaud, le porte-parole du groupe à l’Assemblée estime que des majorités texte par texte peuvent être trouvées. C’est déjà le cas sur certains sujets. « On a les moyens de le faire, c’est ce qu’on appelle le parlementarisme. » Reste à savoir si cette ligne résistera à la crise politique majeure initiée par la censure.
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