A cette hauteur, le monde est paisible. L’air y est pur. Les cumulonimbus, s’éloignant vers Montmartre, dévoilent le bleu du ciel. Une mouette crie en remontant la Seine. Au pas rapide de Philippe Jost, l’homme qui dirige l’établissement public Rebâtir Notre-Dame, nous avons traversé les échafaudages qui entourent la cathédrale, traversé les combles, parcouru l’impressionnante charpente entièrement reconstruite, pour enfin gravir l’étroite spirale qui mène à le cœur même de la flèche. Là, depuis notre belvédère solitaire, le regard embrasse la valeur du travail accompli. A nos pieds, Paris s’étale, bruyant et familier.
« Ce n’est pas la plus grande cathédrale de France, mais elle a historiquement joué un rôle majeur dans la manière dont elles ont été construites, dans leur taille. Nous avons créé des techniques et des systèmes à Notre-Dame, qui seront ensuite utilisés partout. C’est un témoignage unique du moment de transformation des cadres »dit Philippe Jost en passant son bras sur l’étendue de la toiture : 1 000 rectangles de plomb au-dessus de la nef, 50 kilos chacun, 1 000 autres pour le chœur, et pour les soutenir cette incroyable « forêt », comme on l’appelle. ici le cadre. « C’est stable, c’est aéré, ça vieillit admirablement. Cela a duré huit cents ans. Si nous avons reconstruit à l’identique, c’est parce que c’était la solution pour une pérennité à long terme. L’ingéniosité de ces bâtisseurs était extraordinaire. »
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Le polytechnicien, ancien directeur général adjoint de l’armement, fouille son téléphone. « Ah, voilà. » 15 avril 2019. Au moment où, comme des milliers de Parisiens, il apprend que la cathédrale brûle, le tout jeune retraité se jette dans le métro et court sur les quais pour constater l’inimaginable. Sur l’écran, on voit les flammes danser à travers la rosace du pignon nord. “Je pensais que c’était perdu, que tout brûlait à l’intérieur de Notre-Dameil se souvient. Mais, en réalité, ces rosaces se trouvent au-dessus de la voûte. Et cela, sauf au croisement du transept et à quelques endroits, a tenu. Malgré les flammes, malgré la chaleur, la majeure partie de ce qui se trouvait dans la cathédrale a été préservée. La bataille finale a eu lieu au beffroi nord : si les cloches s’étaient détachées, alors, oui, cela aurait pu très mal se terminer. Comme vous le savez, le pire a été évité. »
Chacun se souvient où il se trouvait ce jour-là et cette nuit qui a enveloppé Paris. Quand, le lendemain, le Président de la République annonce : « Nous reconstruirons la cathédrale Notre-Dame encore plus belle et je souhaite que cela soit achevé d’ici cinq ans »personne ne le croira. Pas même Claudia Ferrazzi, sa conseillère culturelle de l’époque, à qui il chargeait de réaliser, au pied levé et le doigt mouillé, une estimation de la durée d’un projet. « à distance humaine » – comprenez : chacun doit pouvoir imaginer qu’il reverra la cathédrale debout de son vivant. La conseillère sort les dossiers de restauration en cours, les devis, les barèmes, le mètre carré multiplié par complexité, elle appelle trois architectes, prend conseil. Cinq ans plus tard, nous voilà en train de discuter depuis une ouverture de la flèche découverte en contemplant Paris.
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