Pour contrer le Black Friday et ses effets néfastes, notamment sur l’environnement, plusieurs mouvements réclament une révision de nos habitudes de consommation. « No Purchase Day », « Green Friday », ou encore « Local Friday »… Ces opérations souvent méconnues rappellent le lien entre surconsommation et préservation de la planète.
Après des débuts timides, l’opération commerciale Black Friday, venue des Etats-Unis, s’est imposée depuis 2014 en France comme un moment important de consommation. L’événement, initialement prévu uniquement le quatrième vendredi de novembre, s’étend même sur plusieurs jours.
Chaque année, de nombreuses marques proposent des réductions, comme ce sera encore le cas ce vendredi 29 novembre 2024. De quoi susciter un enthousiasme logique, en période d’inflation. « Les différentes enquêtes réalisées sur le sujet estiment qu’entre 55 % et 80 % des Français envisagent de participer à cette opération, rappelle Franck Lehuede, spécialiste des tendances de consommation au Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie). C’est le début des achats de Noël, donc il y a cette envie de commencer ses achats à un moment où il y a des promotions. S’ajoute également le contexte d’inflation importante depuis trois ans. développe ce directeur d’études et de recherche.
Pourtant, nombreux sont ceux qui dénoncent les effets négatifs de cette opération commerciale d’envergure. En encourageant la surconsommation, le Black Friday peut entraîner du gaspillage et avoir un impact néfaste sur l’environnement. Les impacts sociaux sont également dénoncés, en privilégiant des produits de mauvaise qualité fabriqués dans des conditions qui posent question. « Pour l’électroménager et l’informatique, ce type de journée contribue à un renouvellement et un remplacement plus rapide des produits » donne l’exemple de Franck Lehuede. D’autant que les promotions ne sont pas toujours aussi intéressantes qu’annoncées.
Plusieurs opérations proposent donc des initiatives ce vendredi 29 novembre pour contrer le Black Friday.
Lire aussi : Les commerçants indépendants déplorent « les effets délétères » du Black Friday
1. « Green Friday » : acheter moins mais mieux
Le « Green Friday », mouvement anti-Black Friday lancé depuis 2017, vise par exemple à « sensibiliser les Français à une consommation plus responsable ». Comme l’explique Thibaut Ringo, directeur général de la marque Altermundi et co-fondateur de ce mouvement : « On estime que le Black Friday aura un impact énorme sur la planète. La surconsommation utilise trop de ressources limitées et cela a également un impact social sur les personnes qui fabriquent ces produits. »
Alors le vendredi vert arrive promouvoir d’autres modes de consommation : « Achetez moins, achetez mieux, réparez, réutilisez et reconditionnez. » Des événements et ateliers (sur la mode éthique, sur le 0 déchet, sur la cosmétique solide, etc.) seront donc organisés dans plusieurs magasins pour « sensibiliser de manière positive sans culpabiliser ». Et plus généralement, faire réfléchir sur nos modes de consommation, en encourageant par exemple l’achat de seconde main. « On dit qu’acheter un T-shirt à 5 €, qui dure deux mois, n’a aucun sens, alors qu’un produit qui coûte 30 €, mais qui dure beaucoup plus longtemps, avec de bonnes conditions de travail et dans le respect de l’environnement, est plus intéressant. , même pour le pouvoir d’achat », poursuit Thibaut Ringo.
2. Une campagne pour « se poser les bonnes questions avant d’acheter »
Une campagne de mobilisation de l’Ademe (Agence de la transition écologique) et du ministère de la Transition écologique a même été lancée cette année pour inciter à l’action. « les bonnes questions avant d’acheter ».
« Cette campagne, diffusée du 7 novembre au 4 décembre, encourage les individus à envisager différentes alternatives à l’achat de nouveaux produits. » explique l’Ademe, qui met en place des spots vidéo et des publicités en ligne.
« En réalité, consommer durable coûte bien souvent moins cher. Comme je n’achète que des objets d’occasion, mes factures ont baissé »témoigne Cécile Désaunay, directrice des études aux Futuribles et auteure du livre La société de déconsommation.
3. « Local Friday » met l’accent sur l’importance du local
Des opérations sont organisées cette année pour promouvoir les commerces locaux, avec une journée baptisée « Vendredi local ». La ville de Bruxelles met par exemple en œuvre cette initiative en 2024 tout au long de la semaine du Black Friday, pour mettre en avant les commerces locaux. Une opération dédiée à « un shopping responsable, qui offre la possibilité de soutenir l’économie locale tout en profitant de bons plans ». Une trentaine de magasins de la capitale belge y participent cette année.
Ce terme « Vendredi local » est également utilisé en France, comme à Caen, où un magasin Biocoop propose de reverser l’intégralité de la marge commerciale générée par la vente de produits locaux à des producteurs normands d’herbes aromatiques et médicinales.
4. « Make Friday Green Again » : les marques acceptent de ne pas participer
Comme chaque année, plusieurs marques et commerces choisissent de ne pas participer au Black Friday, dans un objectif de consommation plus responsable.
C’est le sens de la campagne « Make Friday Green Again », où les marques s’engagent à ne pas faire de Black Friday et à communiquer sur des pratiques de consommation plus bénéfiques pour l’environnement. Plusieurs centaines de marques comptent parmi les participants, comme Faguo (le fondateur du collectif), la marque bretonne À l’Aise Breizh, ou encore la marque de couches Joone. « L’objectif premier de Make Friday Green Again est d’inciter à une consommation plus raisonnée : faire le point sur ce que l’on a dans nos placards et faire des achats lorsqu’il s’agit de répondre à un réel besoin. » peut-on lire sur le site internet de cette opération.
5. Le défi d’un « No Purchase Day »
Ce type d’opération, encore plus radical, existe depuis plusieurs années : « Buy Nothing Day ». Le principe est simple : et si au lieu de profiter des bons plans du Black Friday, vous profitiez de cette journée pour réexaminer votre rapport à la consommation en ne réalisant aucun achat ? Cette opération a été créée dans les années 1990 au Canada.
Au-delà du Black Friday, ce mouvement du « Buy Nothing » est un véritable phénomène aux Etats-Unis. Sur les réseaux sociaux, plusieurs influenceurs racontent leurs expériences de n’avoir acheté aucun vêtement ou objet de décoration pendant une période donnée (un mois, un an, etc.) dans le cadre du « No buy challenge ». “J’ai réalisé que j’avais déjà beaucoup de vêtements”racontez-le à plusieurs personnes sur TikTok qui ont vécu cette expérience, dans des vidéos souvent virales.
Quel est l’impact de ce type d’opération ?
Ces différentes opérations visent toutes à faire réfléchir sur nos modes de consommation. Mais leurs impacts semblent limités. « Les pratiques promouvant une forme de sobriété sont encore marginales, comparées à la consommation frénétique et parfois irréfléchie du Black Friday »avait déjà prévenu en 2017 Vincent Chabault, sociologue de la consommation, dans un article pour Ouest de la France. Sept ans plus tard, la situation ne semble pas avoir réellement changé. « Ces campagnes restent embryonnaires » reconnaît Franck Lehuede, du Crédoc.
Même si la prise de conscience à ce sujet s’est accrue, et qu’une immense majorité de Français se déclare opposée à la surconsommation, « il y a encore un décalage entre ces paroles et ces pratiques », constate, de son côté, Cécile Désaunay, tout en rappelant que la consommation globale augmente, mais moins vite qu’avant : « Les ventes de vêtements sont par exemple en forte baisse. »
Mais rien n’est vraiment fait pour éviter de pousser les gens à consommer à outrance. “Nous restons bombardés de publicités qui nous incitent à consommer et qui rappellent ces réductions”se souvient Franck Lehuede. D’où l’importance des solutions politiques pour ne pas faire en sorte que ce sujet repose uniquement sur les individus. “Nous sommes tous un peu coincés dans cette société de consommation, de la même manière qu’il peut être difficile de vivre sans voiture”, explains Cécile Désaunay. Il faut donc aider les consommateurs »ajoute-t-elle, citant l’exemple du bonus-malus qui a été voté en France sur l’habillement des mode rapide. D’autant que les idées ne manquent pas : meilleure régulation de la publicité, TVA réduite pour les produits vertueux ou encore meilleur encadrement du Black Friday…