Joe Biden a relancé les efforts diplomatiques pour parvenir à une trêve à Gaza dans l’espoir de tirer parti de la dynamique générée par le cessez-le-feu récemment convenu au Liban.
Il existe cependant des doutes quant à l’existence d’un tel élan en dehors de l’administration Biden, qui souhaite profiter de ses dernières semaines pour sauver des restes d’honneur diplomatique après les 14 mois sanglants au Moyen-Orient.
Le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré mercredi que le président avait ordonné à ses envoyés de contacter la Turquie, le Qatar, l’Égypte « et d’autres acteurs de la région » pour relancer les négociations régionales sur Gaza, 18 jours après que le Qatar se soit publiquement retiré de son rôle de médiateur sur la bande de Gaza. au motif que ni Israël ni le Hamas n’étaient sérieux quant à la conclusion d’un accord.
Rien ne prouve que l’une ou l’autre des parties ait changé de position à la suite de l’accord avec le Liban. Au contraire, le cessez-le-feu au Liban rend sans doute moins probable la conclusion d’un accord à Gaza – où le nombre de morts est désormais supérieur à 44 000 – pour des raisons de politique intérieure en Israël. Les faucons d’extrême droite qui ont résisté à une trêve à la frontière nord vont probablement redoubler d’insistance en faveur d’une « victoire totale » à Gaza.
Mardi, une frappe aérienne israélienne a tué au moins 13 Palestiniens et blessé des dizaines de familles qui s’étaient réfugiées dans une école de la ville de Gaza, et sept autres ont été tués par le bombardement d’une maison voisine dans le même quartier. Pour l’instant, l’agonie de Gaza semble vouée à se poursuivre.
Le Hamas a déclaré mercredi qu’il était prêt à un accord basé sur les conditions convenues précédemment, qui sont le retrait israélien, le retour des personnes déplacées vers le nord de Gaza et l’échange de détenus palestiniens contre des otages israéliens détenus par le Hamas.
Benjamin Netanyahu a déjà bloqué les progrès vers un accord « otages contre paix » en insistant pour que les forces israéliennes maintiennent le contrôle du « corridor de Philadelphie », une zone tampon à l’intérieur de la frontière entre Gaza et l’Égypte. Les Forces de défense israéliennes (FDI) semblent quant à elles concentrées sur le fait de vider le nord de Gaza de sa population palestinienne, sur fond de soupçons croissants selon lesquels le gouvernement d’extrême droite de Netanyahu a l’intention d’occuper le territoire de façon permanente.
Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a déclaré plus tôt cette semaine qu’Israël devrait occuper la bande de Gaza et réduire de moitié sa population palestinienne en « encourageant l’émigration volontaire ».
« Nous pouvons et devons conquérir la bande de Gaza. Nous ne devrions pas avoir peur de ce mot », a déclaré Smotrich lors d’un événement lundi soir. A peu près au même moment, le ministre de l’Agriculture, Avi Dichter, déclarait à un groupe de correspondants étrangers que la coalition restait concentrée sur une « victoire décisive » à Gaza.
« Sommes-nous au début de la fin ? Certainement pas. Nous avons encore beaucoup à faire », a déclaré Dichter, selon Reuters.
C’est la différence essentielle entre un cessez-le-feu au Liban et un cessez-le-feu à Gaza : l’extrême droite israélienne représentée dans la coalition gouvernementale a des projets annexionnistes pour Gaza, qu’elle n’a pas au Liban. Le ministre de la Sécurité, Itamar Ben-Gvir, a critiqué le cessez-le-feu libanais, mais la droite n’était pas prête à faire tomber la coalition. Il a cependant menacé de renverser Netanyahu en cas d’accord de cessez-le-feu avec le Hamas.
Le Premier ministre a toutes les raisons de croire ses partenaires de coalition sur ce point. Il leur a promis une « victoire totale » et, ayant trouvé un compromis au Liban contre leur gré, il a encore moins de marge de manœuvre à Gaza. Il serait difficile de maintenir la coalition actuelle unie face aux images télévisées de détenus palestiniens libérés brandissant des pancartes de victoire, ou de Mohammed Sinwar (frère de Yahya, le défunt leader du Hamas) sortant des décombres de Gaza célébrant la survie du groupe.
Pour les dirigeants restants du Hamas, la capacité de prouver qu’ils sont en vie, démontrant que le mouvement a survécu à 14 mois d’une guerre déclenchée par le Hamas, est un élément essentiel de tout pourparler de cessez-le-feu. Ils n’ont rien d’autre à perdre.
Entre-temps, Netanyahu s’appuie de plus en plus sur son statut de leader en temps de guerre pour empêcher les poursuites engagées pour diverses accusations de corruption. Son équipe juridique a demandé le report de sa comparution à la barre des accusés, prévue lundi prochain, au motif qu’il est trop occupé à diriger l’effort de guerre.
Netanyahu fait face à des accusations de corruption, de fraude et d’abus de confiance dans trois affaires distinctes, et doit rester en fonction pour avoir les meilleures chances d’éviter la prison.
Un état de guerre persistant est son meilleur argument contre des élections anticipées avant la fin du mandat de la Knesset en octobre 2026, et sans guerre au Liban, il dépend encore plus de la poursuite de la guerre à Gaza. Dans le même temps, la trêve dans le nord libère des soldats et des munitions pour une utilisation dans la bande côtière déjà dévastée.
Deux développements se profilent à l’horizon qui pourraient briser cette logique impitoyable. La première est la perspective d’une guerre plus grande. La première justification présentée par Netanyahu pour le cessez-le-feu au Liban était de « se concentrer sur la menace iranienne », mais il a refusé de clarifier ce que cela signifiait.
Netanyahu a clairement indiqué au cours de ses nombreuses années de mandat qu’il considérait le programme nucléaire iranien comme une menace existentielle pour Israël, et il souhaite que son héritage soit celui du dirigeant qui a neutralisé cette menace. Cela déclencherait un conflit qui éviterait à la guerre de Gaza de fournir ses références martiales et son alibi pour éviter les audiences.
Le deuxième développement crucial est le retour imminent de Donald Trump, qui a clairement fait savoir à Netanyahu qu’il souhaitait que les combats soient terminés d’ici son retour dans le Bureau Ovale le 20 janvier. Cette exigence place Netanyahu face à un dilemme potentiel, obligé de choisir entre son principal patron sur la scène mondiale et ses partenaires de coalition.
C’est un dilemme auquel Netanyahu tentera d’échapper dans les semaines à venir. Une issue pour lui pourrait être d’intensifier le barrage impitoyable sur Gaza pour apaiser l’extrême droite, de sorte que la paix qu’il offre à Trump soit le silence du cimetière.