Quatre ans de prison avec mandat de dépôt. Lorsque la sentence de Joseph C. a été annoncée, les accusés et leurs avocats ont sans doute compris le chemin qu’allaient prendre les réquisitions. Il est en effet le seul à comparaître pour agression sexuelle et à risquer 7 ans de prison contre 20 ans pour les 50 autres accusés. La suite du discours de Jean-François Mayet et de Laure Chabaud était dans la même veine. Aucune peine requise en dessous de 10 ans et jusqu’à 17 ans pour les coaccusés, peine maximale pour Dominique Pelicot, 20 ans.
« L’épée de l’opinion publique dans le dos »
Tout cela alors que les profils étudiés hier étaient principalement ceux d’individus accusés de viol, dont un seul est en détention provisoire. “Le parquet réclamé avec le sabre de l’opinion publique dans son dos», a déclaré lors d’une suspension le bâtonnier, Patrick Gontard, avocat de l’un des prévenus. Une vision partagée par le bâtonnier, Louis-Alain Lemaire, qui assiste quatre prévenus : «Exiger 10 ans pour certains individus dont le parquet a reconnu qu’il n’y avait eu aucun acte de pénétration, dont la plupart n’ont jamais été condamnés, tous parfaitement insérés, jugeons-nous par l’opinion publique, et nous ne pouvons, pour notre défense, accepter cela. Et je suis très inquiet de la suite. C’est absolument ahurissant.»
“Pas le projet mais la conscience de l’acte”
Les représentants du ministère public ont bien entendu motivé leurs conclusions. Revenant sur des faits extrêmement graves, qui sont par ailleurs documentés et qui ont permis d’aller au-delà du mot pour mot traditionnel. Face à la crudité des scènes diffusées au public, ils ont estimé qu’il fallait frapper fort. Et le manque de reconnaissance des faits semble aussi avoir pesé lourdement sur nombre d’acteurs. Historiquement, ce procès extraordinaire à bien des égards pourrait aussi être celui de remettre en cause l’ampleur des peines qui prévalent habituellement dans les affaires de viol. C’est en tout cas sans doute la vision du parquet, qui continuera aujourd’hui dans le même sens pour les trente prévenus suivants, dont certains sont venus jusqu’à six fois et reconnaissent avoir violé Gisèle Pelicot. Hier matin, les avocats généraux ont également dû écarter certains arguments. Avec d’abord celle de l’absence d’intention invoquée par nombre d’accusés. “C’est au moment de l’acte qu’il faut se placer pour examiner l’intentiona rappelé Laure Chabaud. Ils n’avaient pas le projet mais la conscience de l’acte. Actes sexuels par contrainte, violence, menace ou surprise, donc sans consentement.« Et dire qu’ils pensaient que la victime était consentante ne peut plus être une défense audible pour le procureur général : »En 2024 on ne peut plus considérer que parce qu’elle n’a rien dit elle était d’accord, c’est une façon de penser d’un autre âge que notre loi ne valide plus. Il n’y avait rien d’ambiguïté ni dans le contexte ni dans l’attitude de Gisèle Pelicot qui pouvait laisser croire qu’elle était d’accord.“
Le procureur général a également écarté l’argument d’une éventuelle influence psychologique ou chimique du principal accusé sur les autres impliqués : «Un soi-disant scénario n’est pas plus fort que le libre arbitre. Chacun avait le choix de partir si cela ne lui convenait pas, chacun choisissait de rester pour poursuivre son objectif de satisfaction personnelle.»