« Il faut lui couper le pied pour le faire arrêter »… Nadal, (presque) plus fort que la douleur

« Il faut lui couper le pied pour le faire arrêter »… Nadal, (presque) plus fort que la douleur
« Il faut lui couper le pied pour le faire arrêter »… Nadal, (presque) plus fort que la douleur

Nadal et le tennis appartiennent définitivement au passé après la défaite de l’Espagne mardi en quarts de finale de la Coupe Davis. A cette occasion, 20 Minutes publie une série d’articles sur la légende du tennis aux 22 titres du Grand Chelem. Aujourd’hui, parlons du rapport de l’Espagnol à la douleur.

Alors que la carrière de Rafael Nadal est désormais derrière lui, on se demande ce qu’on pourrait offrir dans de telles circonstances à celui qui a déjà tout, et tout gagné. Pour rester dans notre veine humoristique, loin de la statue d’acier héroïque (et relativement laide) que lui réservait le tournoi de Roland-Garros, on opterait pour un bon vieux jeu du Docteur Maboule. Car qui mieux que l’Espagnol pour incarner ce bonhomme rafistolé de partout, dont chaque partie du corps rappelle un souvenir de blessure ou de douleur chronique, comme un bonhomme à fourrure se remémorait chaque bataille en énumérant ses cicatrices ?

S’il y a une chose qui différencie Nadal de ses deux célèbres adversaires, Roger Federer et Novak Djokovic, c’est bien celle-là. Rarement un athlète d’un tel niveau aura connu autant de problèmes physiques et de souffrances tout au long de sa carrière. Depuis sa première blessure au pied en 2003, qui lui a coûté une première défaite à Roland cette année-là, jusqu’à ses abdominaux douloureux et grinçants en mars dernier, l’Espagnol n’a jamais été épargné par ce corps mis à rude épreuve, il faut le dire, mis à rude épreuve. depuis plus de deux décennies.

“C’est un gars dur.”

Physiothérapeute de la Fédération française de tennis, Christophe Ceccaldi a souvent croisé l’animal dans les couloirs et sur les tables de massage de Roland-Garros. Il est donc bien placé pour nous confirmer que « sur l’échelle de tolérance à la douleur, Rafael Nadal n’est pas trop mal (rires) ! « . Serrer les dents et défier tous les pronostics est l’un des leitmotivs de sa vie d’athlète.

« Dès le début, tout le monde disait qu’avec son jeu, il ne tiendrait pas trois ans, qu’il allait exploser en vol. Vingt ans plus tard, il est toujours là et il compte 22 tournois du Grand Chelem, applaudit le kiné. C’était une bête physique qui courait partout, peu importe la douleur. En fait, lorsqu’il participe à un tournoi, rien ne l’arrête. Il faut vraiment lui couper le pied pour qu’il n’y aille pas. » Et encore…

Outre les abdominaux, les genoux, les hanches ou les coudes (liste non exhaustive), touchés ici et là depuis le début des années 2000, Nadal a fini par admettre qu’il souffrait du syndrome de Müller-Weiss, une maladie rare qui comprime l’os naviculaire, au-dessus du pied, et conduit à une ostéonécrose spontanée (essentiellement la mort) de l’os. Une maladie contre laquelle on ne peut rien faire, sauf en opérant, qui aurait alors sonné le glas de sa vie de sportif.

“C’est un joueur dur jusqu’au bout et qui s’est toujours entraîné de cette façon, qui a accepté des doses de travail assez folles pour le commun des mortels”, rappelle Lionel Roux, consultant pour beIN Sports, diffuseur de la Coupe Davis cette année. semaine. Je pense que quand on se construit comme ça, on a forcément un rapport différent à la souffrance. Lorsque vous vous entraînez aussi durement, aussi fort, vous avez cette capacité à accepter plus facilement les blessures et la douleur. »

Le « cas Nadal » fait parler les chirurgiens

Dans le milieu chirurgical, on a même appris qu’on parlait du « cas Nadal ». C’est ce que nous raconte le docteur Nicolas Baudrier, chirurgien orthopédiste à la clinique Nollet, dans le 17e arrondissement de Paris, qui voit un à deux cas de Müller-Weiss par an. « On en parle régulièrement entre nous, on se demande comment il fait pour jouer avec cette maladie. Un gars qui a ça et qui joue à ce niveau est fou. Il doit avoir un esprit phénoménal. Personne d’autre que lui ne pourrait jouer avec une telle pathologie», juge Nicolas Baudrier.

Ce n’est pas anodin si l’on ne trouve aucune autre trace d’un sportif de haut niveau souffrant du même syndrome. Comme l’a déclaré le Dr Angel Ruiz-Cotorro, le médecin personnel de Nadal qui connaît mieux le pied du Majorquin que le sien, « il s’agit d’un cas unique au monde, il ne se produit généralement pas chez les athlètes de haut niveau car il ne leur permet pas de pratiquer leurs disciplines respectives comme ils le souhaitent. »

« « Je fais souvent des comparaisons avec les danseurs professionnels. Quand j’opère le pied d’une danseuse, je sais qu’elle ne ressentira rien parce qu’elle a tellement l’habitude de vivre avec cette souffrance… Nadal, c’est pareil, acquiesce Nicolas Baudrier. Ses récepteurs de douleur ne sont pas ceux du commun des mortels. » »

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Autre indicateur d’une mentalité de béton armé : Nadal fait partie de ces gens têtus qui n’abandonnent jamais lors d’un match pour presque n’importe quelle raison. « Je me souviens de sa finale (perdue) en 2014 contre Wawrinka à l’Open d’Australie. Il a beaucoup souffert du dos mais il a tenu à aller jusqu’au bout”, rembobine François Thomazeau, co-auteur du livre Nadal, le plus grand de tous les tempspublié aux éditions En Exergue. Idem dix ans plus tôt, au tout début de sa carrière, lors d’un match contre Richard Gasquet, raconté par ce dernier dans L’équipe il y a quelque temps.

« Rafa incarnait déjà parfaitement celui qui n’abandonne jamais, même lorsqu’il souffre énormément. Au début du troisième tour, il commence à souffrir d’une fracture de fatigue au pied qui va l’éloigner du circuit pendant quelques semaines, et lui faire manquer son premier Roland-Garros. Mais il s’était surpassé dans la douleur pour m’éliminer, avant de se retirer pour le lendemain. »

« Rafa fera-t-il un gentil vieil homme ? »

Il n’en reste pas moins que si le ruminant de Manacor n’est pas un enfant, cette persévérance a souvent trouvé dans la science un allié précieux pour atténuer, voire oublier, la douleur. Nadal a beaucoup eu recours aux infiltrations pour pouvoir continuer à jouer. Après sa 14e victoire à Roland, en 2022, il avouera en fin de tournoi avoir enchaîné comme nous les tirs de fin de soirée. « Il va toujours le plus loin possible, à tous les niveaux, y compris médical, mais toujours dans les règles », abonde le kiné de la FFT.

Au point d’hypothéquer, pour la gloire du palmarès, ses années d’après-retraite ? « Rafa fera-t-il un gentil vieil homme ? demande François Thomazeau. Avec toutes les infiltrations qu’il a subies, on pourrait se demander. Comme nous aimons tous Rafa et que c’est un gars formidable, nous espérons pour lui qu’il n’a pas fait l’idiot et que tout ira bien. » Une fois les débardeurs rangés au placard, on peut prédire sans trop de risque de se tromper que le garçon devrait (enfin) jouer au billard. «Après une telle opération, les personnes atteintes de Müller-Weiss peuvent dire adieu à la course à pied ou au tennis. Mais il pourra quand même jouer au golf », rassure le Dr Baudrier. Alors, on se voit au prochain Augusta Masters, Rafa ?

 
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