(New York) Le 9 novembre 2016, au lendemain de la première victoire électorale de Donald Trump, Teresa Shook, une grand-mère originaire d’Hawaï, a canalisé sa colère et sa frustration en invitant quelques dizaines d’amis sur Facebook à l’accompagner à Washington en janvier pour protester contre l’investiture de ce nouveau président, accusé de misogynie et de xénophobie par ses détracteurs.
L’invitation s’est répandue comme une traînée de poudre sur Internet et a donné lieu à la Marche des femmes, la plus grande manifestation de l’histoire américaine, le 21 janvier 2017. Ce jour-là, entre 3 et 5 millions de personnes sont descendues dans les rues de plusieurs villes, dont plus d’un million à Washington. Des manifestations de solidarité ont également eu lieu dans plusieurs autres pays.
C’est le début de ce qu’on appelle « la résistance », un mouvement lancé par des démocrates progressistes qui finit par rassembler indépendants et républicains modérés. Lors des élections de mi-mandat de 2018, ces dernières contribueraient à une « vague bleue » qui devrait permettre aux démocrates de réaliser un gain net de 41 sièges à la Chambre des représentants et d’y retrouver la majorité.
Avant d’en arriver là, « la résistance », accompagnée d’un hashtag sur les réseaux sociaux, s’était mobilisée notamment pour aider les musulmans visés par la politique migratoire du nouveau président, pour protéger la loi santé de Barack Obama et convaincre un nombre record de femmes de se présenter aux élections.
Au lendemain d’une deuxième victoire électorale de Donald Trump, la résistance 2.0 se profile-t-elle à l’horizon ? Selon certains titres, un tel scénario est douteux.
«La #Résistance est vaine», titrait le site d’information Puck. « La résistance ne viendra pas vous sauver. Elle se déconnecte», a argumenté Politico, un site concurrent. “Trump continue de troller alors que la “résistance” s’estompe”, a déclaré le Journal de Wall Street au-dessus d’un article d’opinion signé par Peggy Noonan.
2016 et 2024, deux réalités
Une chose est sûre : la réaction des démocrates au verdict électoral de 2024 est très différente de celle de 2016. Même si la première victoire de Donald Trump a surpris tout le monde, ou presque, elle n’a pas été aussi incontestable que la seconde.
En fait, le promoteur immobilier a perdu le vote populaire de 2 points de pourcentage. Et il avait bénéficié de l’aide non seulement de la Russie, qui avait orchestré le piratage et la diffusion des emails du Parti démocrate, mais aussi du directeur du FBI, James Comey, qui avait relancé l’enquête sur les emails d’Hillary Clinton. 11 jours avant les élections.
En 2024, Donald Trump n’a pas seulement remporté le vote populaire. Il a également gagné des voix parmi les électeurs longtemps conquis par les démocrates – et pour lesquels ils disent se battre – à savoir les hommes noirs de la classe ouvrière et les Latinos.
Depuis le 5 novembre, une grande partie des médias et des commentaires politiques se sont donc concentrés sur les carences du Parti démocrate plutôt que sur la nécessité d’organiser la « résistance 2.0 ».
Cette victoire de Donald Trump et les récriminations démocrates qui l’ont accompagnée ont poussé de nombreux électeurs de Kamala Harris à débrancher, comme le rapporte Politico. MSNBC, l’une des chaînes préférées des démocrates, a vu son audience chuter de moitié dans les jours qui ont suivi la défaite du vice-président.
D’autres ont décidé de migrer de X, la plateforme d’Elon Musk, vers Bluesky, préférant se réfugier sous un ciel bleu où la politique n’est pas (encore) un sport de contact.
Un soupçon d’espoir ?
Mais la résistance s’organise, malgré les gros titres qui prétendent le contraire. Deux jours après l’élection de Donald Trump, 137 000 personnes ont participé à une conférence téléphonique sur Zoom organisée par le groupe Indivisible, fondé en réaction au verdict électoral de 2016, et le Working Families Party. Quelque 8 000 personnes se sont engagées à organiser des rencontres locales.
“Je pensais que tout le monde s’était déconnecté”, a déclaré l’animateur Chris Hayes lors d’un récent épisode de AVECpodson émission de podcast.
“C’est ce que je pensais aussi”, a rétorqué son invitée, Anna Galland, ancienne directrice de MoveOn Civic Action, qui participait à la réunion du Zoom. « Nous avons émis des hypothèses sur ce qui pourrait se passer après les élections. Et jusqu’à présent, je suis très agréablement surpris. »
Idem pour Amanda Litman, cofondatrice de Run for Something, autre groupe né après l’élection de 2016, qui recrute et forme de jeunes candidats progressistes. Depuis le vote du 5 novembre, plus de 8 000 personnes ont contacté son organisation pour exprimer leur intérêt à se présenter aux élections, soit plus de la moitié du nombre de personnes qui l’ont fait pendant toute l’année 2017.
De leur côté, Ezra Levin et Leah Greenberg, du groupe Indivisible, ont mis à jour le guide qu’ils ont publié en 2016 pour guider les efforts des citoyens américains souhaitant bloquer le programme de Donald Trump.
Dans le nouveau guide, le couple reconnaît d’emblée que le retour de Donald Trump n’augure rien de bon. Mais il refuse de désespérer.
«Trump veut gouverner comme un dictateur, mais il dispose de la plus petite majorité possible à la Chambre des représentants et d’un programme très impopulaire. Gagner une élection avec 49,9% des voix [de ceux qui ont voté] cela ne fait pas de lui un dictateur à vie et ne fait pas du Projet 25 la loi du pays », ont écrit les deux hommes.
Et d’ajouter : « Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas quoi faire. Nous devrons apprendre et expérimenter au fur et à mesure. »
En attendant, une manifestation baptisée People’s March est prévue à Washington le 18 janvier, deux jours avant l’investiture de Donald Trump. L’événement donnera peut-être une idée de la résistance à attendre du 47.e Monsieur le Président, s’il y a de la résistance.
Question d’un lecteur
« Que se passerait-il si Donald Trump mourait avant la passation du pouvoir le 20 janvier ? », demande Guy Bédard.
Répondre
Le vingtième amendement à la Constitution, ratifié le 23 janvier 1933, règle la question en une phrase : « Si, à la date fixée pour l’investiture du Président, le Président élu est décédé, le Vice-Président élu devient Président. »