Dans les Cévennes, 122 hectares de panneaux solaires seront installés dans une zone protégée

Plateau du Roujanel (Lozère), report

Des pins sylvestres alignés comme des soldats poussent sur le sol rocailleux. Entre les pistes DFCI (protection incendie) et balai, les panneaux en plastique orange fluo ont poussé comme des champignons. Les cueilleurs de cèpes et de girolles franchissent ces balises qui délimitent les cinq futures zones où seront installés des panneaux solaires. L’État a autorisé, par arrêté du 30 juillet, la construction d’une centrale solaire au sol d’une superficie totale de 122 hectares (241 758 modules au total) sur les communes de Prévéchés (260 habitants) et Pied-de- -Borne (186 habitants).

Ainsi, le plateau de Roujanel sera en partie couvert par la plus grande centrale solaire d’Occitanie (129 MWc, soit la consommation électrique de 80 000 personnes). Les gorges du Chassezac, rivière de cette vallée, ont également été transformées, cette fois pour la construction de cinq barrages hydroélectriques (d’une puissance de 197 mégawatts-crête (MWc), soit la consommation de 162 000 personnes). Une zone industrielle est sur le point d’être créée sur ce territoire rural et peu peuplé, inscrit au « tampon de zone » de « Propriété de l’UNESCO » des Causses et des Cévennes, sous « paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen ».

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« Pourquoi ici ? Il y a suffisamment de supermarchés [sur les toits desquels mettre des panneaux solaires] pour ne pas avoir à détruire la forêt », raconte ce passionné de randonnée.
© Estelle Pereira / Reporterre

35 hectares de forêt couverts

Ayant pris connaissance de l’existence du projet, le conseil scientifique du Bien de l’Unesco s’en est emparé en 2019. Son avis consultatif conseillait aux élus locaux de limiter les installations solaires au sol. « à des zones déjà artificialisées sans valeur patrimoniale ». Quant au Conseil national de protection de la nature (CNPN), il a pointé, dans son avis de novembre 2023, un projet en « incohérence avec la politique de l’État en matière de préservation des puits de carbone, de restauration des milieux et de maintien du bon état de conservation des espèces protégées ».

Selon l’étude d’impact, le projet couvrira des landes, des prairies humides, et nécessitera la destruction de 35 hectares de forêts. Des clôtures de 2 mètres de haut clôtureront l’infrastructure construite par EDF Les énergies renouvelables et la société AJM Énergie. La centrale solaire de Roujanel nécessitera la construction de 27 stations de conversion, une station de livraison de 280 m2ainsi que 33 km de pistes.

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Une centrale solaire au sol, ici à Verneuil dans la Nièvre.
© Jeff Pachoud / AFP

Malgré ces effets paysagers, le projet n’a pas suscité une fervente opposition de la part des habitants, hormis quelques avis négatifs lors de l’enquête publique. Guillaume (prénom modifié à sa demande), habitant du Pied-de-Borne, s’indigne : « On peut cesser de considérer la nature comme un potentiel économique, mais comme un sujet sensible et vital. Il y a suffisamment d’espace sur les toits des supermarchés. »

Des élus locaux enthousiastes

Contrairement à d’autres éleveurs, le maire de Prévéchés, Olivier Maurin, à la tête d’un élevage de 1 200 moutons, ne voit pas le projet comme une menace pour le pastoralisme. « Dès le départ, j’ai posé des conditions pour que les moutons puissent paître sous les panneaux et que les promoteurs financent la construction d’une ferme pour installer de nouveaux éleveurs. J’ai accepté ce projet car c’est un gain pour l’agriculture »assure-t-il.

Dans le cadre de la lutte contre les incendies, les élus locaux y ont également vu un moyen de financer de nouvelles routes. DFCI et des réservoirs d’eau aux dépens des compagnies d’énergie dans un contexte de baisse des financements publics. « Si nos communautés croient que, demain, elles pourront survivre financièrement avec le soutien de l’État, elles se trompent. »soutient Olivier Maurin. Sans compter les avantages fiscaux annoncés dans l’enquête publique à 620 000 euros par an, ainsi que le loyer, de 140 000 euros annuels, qui ira directement dans les caisses des deux communes.

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Au fil des pistes DFCI (protection incendie), les zones qui seront déboisées ont été délimitées.
© Estelle Pereira / Reporterre

Du côté de l’Unesco, le projet a suscité de nombreux débats, rapporte Ségolène Dubois, directrice de la convention interministérielle des Causses et des Cévennes, un établissement public chargé de la gestion du bien de l’Unesco. « Le projet n’est pas situé au cœur du bien de l’Unesco qui fait 3 000 km2, mais dans une « zone tampon ». Et il est défendu par des élus locaux qui contribuent également à maintenir vivantes les traditions de l’agropastoralisme qui ont permis au territoire d’être inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2011. »

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Ayant pour mission d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables, le préfet de Lozère, Philippe Castanet, envisage un tel projet, « concentré en un seul endroit »préférable à la dispersion. « Cela fera certainement un coin moins beau, mais il n’y aura pas d’autre projet comme celui-ci ailleurs »assure-t-il. Quant aux enjeux de préservation de la biodiversité, il répond : « La priorité est de sortir du carbone et de notre dépendance aux énergies fossiles. »

 
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