Outre les vols commerciaux, la police des frontières utilise parfois un avion à réaction pour procéder à des éloignements forcés. « Cash Investigation » a enquêté sur le coût de ces opérations et le profil des étrangers rentrés.
Pour refouler les étrangers en situation irrégulière, les autorités françaises réservent le plus souvent des places sur les lignes commerciales par avion, train ou bateau. Les retours par vols commerciaux représentent 80 % des éloignements forcés. Mais la police des frontières (PAF) peut aussi affréter un avion beaucoup plus petit, un Beechcraft, pour expulser certains migrants. En 2023, la France a procédé au total à 11 722 éloignements forcés.
L’équipe « Cash Investigation » a enquêté sur ces signalements plutôt discrets à bord de ce jet loué par la PAF. Les journalistes ont obtenu l’immatriculation du Beechcraft et ont suivi tous ses voyages, grâce à une application qui permet de retracer les mouvements des avions. Ils ont pu filmer une de ses interventions à Orléans.
Lorsque l’avion atterrit sur le tarmac de l’aéroport, seuls des policiers sont à bord. Les migrants en attente de départ quitteront bientôt le terminal sous bonne escorte. Et là, on assiste à une opération… « de dissimulation de l’opération » : au lieu de les cacher dans leur fourgon pour les emmener jusqu’au jet, les policiers les font marcher… derrière le véhicule. Pour cacher le regard des journalistes de « Cash » ?
L’avion avait été spécialement affrété, avec à son bord dix policiers, pour renvoyer cinq migrants. Mais vers quel pays les ramenons-nous ? L’avion se dirige vers Vienne, en Autriche. Pourquoi alors renvoyer les étrangers en situation irrégulière chez nos voisins européens ? « Cash Investigation » a interrogé un policier, membre actif de l’unité nationale d’escorte, de soutien et d’intervention, chargée du retour des migrants. “Il pourrait s’agir de ‘réadmissions à Dublin’…”, il explique.
« Réadmissions à Dublin » ? Le « Règlement Dublin », qui concerne les demandeurs d’asile, a été signé à Dublin en 2003 par les États membres de l’Union européenne. Lorsqu’un migrant entre dans un pays de l’UE, sa demande d’asile doit être traitée par le pays dans lequel il est arrivé. Si entre-temps le migrant se rend dans un autre pays, il a la possibilité de le renvoyer vers le pays où la demande d’asile a été déposée. C’est l’occasion, pour le pays qui le renvoie, d’augmenter son nombre d’expulsions forcées.
Le policier interrogé par « Cash » poursuit : « Vous savez, on ne vous parle que de chiffres. Nous devons montrer que nous sommes performants au niveau européen. Il faut ramener des chiffres, il faut faire des expulsions ! » En France, le nombre de « dublinés » est loin d’être anecdotique. En 2023, 2 739 demandeurs d’asile ont été refoulés depuis le territoire français dans le cadre d’une procédure Dublin, soit 23 % des éloignements forcés.
Avion, équipage, police… combien coûtent ces opérations à la France ? L’État verse à la compagnie aérienne Chalair un peu plus de 2 millions d’euros par an pour la mise à disposition permanente de l’avion et sa maintenance technique. La journaliste Marie Maurice a calculé que cela correspondait, en 2023, à 10 700 euros par journée de vol effectuée. A quoi s’ajoutent le carburant, le salaire des pilotes et celui des accompagnateurs, dont le nombre dépend du nombre de migrants refoulés…
Extrait de « À qui profite l’immigration ? », un document de Marie Maurice à voir dans « Cash Investigation » le 14 novembre 2024.
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