La décision d’équiper la police municipale de Bordeaux en armes à feu fait beaucoup de bruit. En annonçant ce mardi 12 novembre la création d’une brigade de soutien et de sécurité, composée d’une cinquantaine de membres équipés de pistolets semi-automatiques, le maire Pierre Hurmic a déclenché une petite tempête médiatique dont l’intensité et la direction diffèrent. selon que vous soyez dans ou hors des boulevards. Il est ici cité comme modèle de pragmatisme par les opposants de droite dans les grandes villes de gauche.
« Volte-face en matière de sécurité »
Bordeaux se démarque des dernières grandes villes de gauche (Paris, Lille, Rennes, Grenoble, Nantes) qui s’opposent à l’armement meurtrier de leur police. Les éditorialistes des grandes radios nationales (France Inter, Europe 1) ont évoqué la décision, certes inédite, d’un maire écologiste. Elle est considérée comme une « volte-face sécuritaire », ou « la confrontation d’un principe, d’une idéologie, avec la réalité ». L’édile bordelais a également reconnu ce changement d’orientation, qui intervient après celui lié au déploiement de caméras de vidéoprotection : “Une décision qui ne serait pas forcément celle que j’aurais prise au début de mon mandat”, explique-t-il. Le maire accepte son revirement, invoquant un contexte sécuritaire « dégradé ».
La décision prive l’opposition d’un argument qu’elle a utilisé librement mais suscite un certain malaise à gauche
Logiquement, à l’intérieur des boulevards, les opposants de droite et du centre sont moins élogieux. L’annonce les prive d’un argument qu’ils ont utilisé à maintes reprises. “Dans un “à la fois” chancelant, Pierre Hurmic n’arme qu’une partie de la police municipale, et ne répond toujours pas au problème de leur sous-effectif criant dans nos quartiers”, fustige Thomas Cazenave (Renaissance). Renouveau Bordeaux réclame l’armement de tous les policiers municipaux, une augmentation des effectifs, la fin de l’extinction de l’éclairage public la nuit : “Des années d’inaction, des mois d’atermoiements, pour une décision de salut, mais qui reste insuffisante”, juge Aziz Skalli. Les macronistes déplorent « que le sujet de la sécurité soit systématiquement traité de manière superficielle et en chambre par Pierre Hurmic ».
« La transparence doit être faite »
Nicolas Florian, l’ancien maire LR, qui défend l’armement depuis la dernière campagne, souffle le chaud et le froid : « L’armement est un signal fort pour pouvoir recruter de nouveaux effectifs, et en termes de posture, d’image, cela montre que la Ville est habilité à s’intéresser à la question de la sécurité et de la protection des biens et des personnes. » Mais Bordeaux Ensemble, son groupe, regrette aussi que ce sujet n’ait pas fait l’objet d’un débat au conseil municipal, ni d’un référendum, alors que l’idée avait été lancée. « Contrairement aux déclarations de Pierre Hurmic pour minimiser la hausse de la délinquance à Bordeaux, la situation est-elle si dégradée pour justifier ce revirement ? Sur ce sujet aussi, la transparence doit être de mise. »
A gauche, la décision suscite un certain malaise. Seul le groupe socialiste s’est risqué à réagir. Sur un fil : « Nous croyons aux bienfaits de la sécurité où chaque acteur doit avoir un rôle défini. L’efficacité passe par la proximité et la prévention, plus que par la répression, où la prolifération, voire l’usage d’armes meurtrières, est limitée. […] Nous serons plus attentifs et exigeants que jamais sur les modalités de mise en œuvre des armes létales, et sur le plan de renforcement dans son ensemble », expliquent les six élus majoritaires.
« Loin de la gauche »
C’est à gauche de la majorité municipale que les réactions sont les plus virulentes : « La gauche bordelaise est fidèle à ses dénégations », estime Philippe Poutou. Après le refus de réquisitionner les logements vides pour les gens à la rue, après avoir laissé disparaître les bureaux de poste, après le refus d’implanter des dispensaires dans les quartiers, voici maintenant cette décision d’armer la police municipale. Cela va dans le sens de politiques répressives, sécuritaires et antisociales. Cette « gauche » glisse un peu plus vers une idéologie de droite et réactionnaire. »
Myriam Eckert, du collectif Bordeaux en luttes, tempête : « Hurmic fait Macron, il a son 49,3. Sur un sujet aussi controversé et aussi grave, il ignore toute démocratie. Il n’y a jamais eu de débat en conseil, pas de référendum… Pierre Hurmic adhère idéologiquement à l’armement. Nous sommes loin de la gauche. Notre ville répond aux problèmes de violence et de pauvreté par les armes ! Quand on a une arme, elle finit par être utile. Ce jour-là, le maire et sa majorité auront du sang sur les mains. »