automobile, chimie, aéronautique… Quels secteurs sont particulièrement concernés ?

automobile, chimie, aéronautique… Quels secteurs sont particulièrement concernés ?
automobile, chimie, aéronautique… Quels secteurs sont particulièrement concernés ?

«Nous sommes au début d’une violente effusion de sang industrielle.» Dans une interview avec La TribuneDimanche 10 novembre, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, n’a pas mâché ses mots pour décrire ce qui se passe dans l’économie française. « On estime que plus de 150 000 emplois vont disparaître, probablement davantage. » et ça “dans tous les secteurs”a précisé le syndicaliste. Après Michelin, les plans sociaux risquent de se multiplier dans les usines françaises, a prévenu samedi le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, sur Inter.

Pour Sophie Binet, cela “saignement” est dû à “stratégie” entreprises de « toujours augmenter les marges » et de « distribuer toujours plus de bénéfices aux actionnaires ». Pour le ministre de l’Économie, Antoine Armand, c’est lié à « une situation internationale extraordinairement exigeante avec le coût des matières premières, la question de l’énergie » et « pratiques commerciales agressives de la part de nombreux pays ». Les industries automobile et chimique seront particulièrement touchées, mais pas seulement. Franceinfo fait le tour des secteurs concernés.

L’industrie automobile à l’avant-garde de la concurrence asiatique

Le groupe Michelin a été le premier à ébranler le secteur en France en annonçant, le 5 novembre, la fermeture, avant 2026, des sites de Cholet (Maine-et-Loire) et de Vannes (Morbihan), qui représentent au total 1.254 employés. Le géant français cite la concurrence asiatique sur les pneumatiques pour camionnettes et poids lourds, spécialités de ces deux usines, mais aussi « détérioration de la compétitivité de l’Europe ». « L’engagement de Michelin est que personne ne soit laissé sans solution »a rappelé Marc Ferracci sur France Inter, critiquant toutefois la manière dont l’annonce a été faite par l’équipementier.

Au-delà de Michelin, c’est l’ensemble du secteur qui est touché par la baisse des ventes sur le continent, la concurrence chinoise à bas coûts et la lenteur de l’électrification. Comme l’a souligné le patron de la CGT, « il y a un effet domino tout au long de la chaîne de sous-traitance ». A Châteauroux (Indre), les salariés du sous-traitant automobile GMD craignent pour leur avenir, rapporte France 3 Centre Val de Loire. Le groupe est l’un des plus grands équipementiers automobiles français avec 5 259 salariés dans le monde à fin 2023, dont 1 825 en France. Elle réalise un chiffre d’affaires de près d’un milliard d’euros mais est plombée par ses dettes. Sa vente à une structure du milliardaire Pierre-Edouard Stérin est en discussion.

Les usines françaises du constructeur Stellantis seront quant à elles déterminées sur leur sort à la mi-novembre, lorsqu’elles recevront leur plan de production triennal. Certains ont déjà réduit leurs effectifs, comme fin octobre à Rennes (250 postes d’intérim supprimés) ou début janvier à Mulhouse (600).

La France n’est pas la seule concernée. En Allemagne, l’équipementier automobile Schaeffler a annoncé mardi la suppression de 4.700 emplois en Europe, ainsi que la fermeture de deux sites. Et après les plans sociaux des plus grands équipementiers Bosch, ZF et Continental, le groupe Volkswagen menace à son tour de fermer trois usines et de supprimer des dizaines de milliers d’emplois.

Le problème doit être abordé à l’échelle continentale, estime le ministre de l’Industrie. « La protection commerciale contre les véhicules chinois doit être conçue au niveau européen »a argumenté Marc Ferracci, évoquant « un bonus écologique à l’échelle européenne » ou un « emprunt européen commun » financer « mécanismes de soutien » au secteur.

La chimie victime des coûts énergétiques

Le secteur de la chimie, particulièrement sensible aux coûts de l’énergie, a pour sa part déclaré, mi-octobre, craindre de perdre « 15 000 emplois » sur 200 000 en trois ans. Déjà, un millier de suppressions d’emplois ont eu lieu ces derniers mois chez Solvay, Syensqo, Weylchem ​​​​Lamotte, en plus des 670 prévus par le groupe pétrochimique ExxonMobil à Port-Jérôme, en Normandie. En région Auvergne-Rhône-Alpes, la faillite de Vencorex, sur la plateforme chimique de Pont-de-Claix (Isère), met « près de 5 000 emplois en jeu » dans d’autres secteurs industriels qu’approvisionne le groupe, estime la CGT.

Là aussi, le décrochage est perceptible dans toute l’Europe. L’industrie chimique allemande, la plus grande du monde, paie les conséquences de la perte du gaz russe bon marché. Unilever, Evonik, BASF ont également annoncé des réductions d’effectifs.

L’industrie spatiale en difficulté face à SpaceX

Mi-octobre, les salariés de la branche défense et espace d’Airbus, qui fabrique notamment des satellites et compte 35 000 salariés, ont été informés par email d’une “réduction du nombre de postes jusqu’à 2.500” en 2026. L’entreprise a expliqué que dans le secteur spatial, « des charges financières importantes ont été enregistrées en 2023 et 2024 ». Le ministre de l’Industrie a assuré qu’il veillerait à ce qu’il n’y ait pas de licenciements, les salariés étant reclassés dans d’autres entités d’Airbus.

La branche spatiale du groupe français est soumise à la concurrence américaine, plus particulièrement celle de SpaceX et de son patron Elon Musk, qui dispose d’une technologie très en avance sur l’Europe pour la conquête spatiale. Les commandes sont donc en baisse pour les satellites de télécommunications européens. Thales, l’un des leaders européens du secteur, a annoncé en mars un plan de redéploiement au sein du groupe de 1.300 postes de sa branche spatiale Thales Alenia Space, dont 1.000 en France.

En mars, Philippe Baptiste, président du Cnes, l’agence spatiale française, a averti que « L’industrie spatiale européenne est aujourd’hui en danger » parce qu’elle ne va pas “pas assez vite” et « n’a pas réussi à prendre le virage vers l’industrialisation ».

La grande distribution, un secteur en mutation qui paie le prix de l’inflation

Le coup est tombé le même jour que l’annonce de Michelin : après plusieurs années difficiles, le distributeur Auchan a annoncé mardi qu’il prévoyait de supprimer 2.389 emplois en France sur 54.000 que compte le pays, notamment à travers la fermeture d’une dizaine de magasins. «C’est catastrophique. Cela va laisser de très nombreux employés et familles en difficulté. C’est choquant, scandaleux.»» s’est plaint auprès de l’AFP Franck Martineau, délégué syndical FO Auchan Retail. La direction espère limiter le nombre de licenciements, à travers un accompagnement des salariés concernés, des formations de reconversion, des congés de reclassement et un plan de départs volontaires.

Si la situation du groupe est particulière, avec des coûts de fonctionnement supérieurs à ceux de ses concurrents, ses difficultés illustrent les évolutions du secteur de la grande distribution. Le sociologue Jean Viard pointe du doigt franceinfo “l’inflation”la concurrence des chaînes de hard discount comme Lidl et Aldi, et « un nouvel entrant majeur, le e-commerce ».

« La grande pandémie a poussé tout le monde à commander en ligne, ce qui coûte des emplois dans les supermarchés. »

Jean Viard, sociologist

sur franceinfo

Loin derrière le leader incontesté, E.Leclerc, les plus fragiles n’ont pas résisté. Le groupe Casino a ainsi cédé la quasi-totalité de ses supermarchés et hypermarchés à plusieurs concurrents, notamment Auchan, Intermarché et Carrefour. Recentrée autour des marques Monoprix, Franprix, Vival et Petit Casino, le groupe ne réalise désormais plus qu’un chiffre d’affaires annuel de 9 milliards d’euros, soit environ six fois moins que Leclerc. Un plan de sauvegarde de l’emploi est en cours et pourrait concerner plus de 3 000 postes. Quant à Cora, rachetée par Carrefour, 340 postes sont menacés avec la fermeture du siège en Seine-et-Marne.

 
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