Qu’est-ce qui différencie cette campagne de celles de 2016 et 2020 dans l’esprit des Américains ?
Je pense que la principale différence réside dans l’attitude des électeurs. Les femmes sont extrêmement en colère et motivées. Ils étaient déjà très en colère après 2016, lorsque le candidat ayant obtenu le plus de voix n’est pas devenu président. L’année 2020 a été un immense soulagement. Biden était l’adulte dont nous avions besoin après les quatre années précédentes, mais personne n’était vraiment enthousiaste. Nous avons vu une certaine colère refaire surface lors des élections de mi-mandat de 2022, mais maintenant les conséquences de la décision Dobbs [décision de la Cour suprême, du 24 juin 2022, par laquelle elle statue que la Constitution ne confère pas de droit à l’avortement, ndlr] sont clairs. C’est ce qui différencie 2024 de toutes les élections précédentes : les femmes ont perdu leurs droits. L’un des candidats à la présidentielle se vante de les avoir enlevés et promet de nous en enlever encore davantage. Si Kamala gagne largement, ce sera parce que les sondeurs et les analystes auront sous-estimé la colère des femmes.
En tant qu’expatrié vivant à Nice, vous sentez-vous plus éloigné de la politique américaine, ou la distance agit-elle comme une loupe braquée sur votre pays d’origine ?
J’essaie de prendre mes distances, ayant vécu plus de vingt ans loin de mon pays. Mais j’ai travaillé en politique, mes amis travaillent en politique et j’adore ça, donc je ne peux pas vraiment m’en détacher. Je pense que les Américains ne réalisent pas à quelle vitesse la situation peut se détériorer. Les signes avant-coureurs sont là, et une partie substantielle de l’électorat américain est d’accord avec un candidat qui promeut ouvertement une idéologie fasciste et des oligarques milliardaires qui cherchent ouvertement à influencer la campagne. Je ne suis pas optimiste.
Percevez-vous un intérêt de la population française pour cette élection et son résultat ?
J’habite à Nice, la « Floride de la France », je choisis donc de ne pas aborder le sujet politique avec mes voisins. Mais je me demande souvent quelle aurait été mon expérience d’immigrée en France si je n’avais pas été une femme blanche.