Au nom de cet article, la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a jugé « financièrement inadmissibles » les amendements du RN visant à ressusciter sa proposition d’abrogation de la réforme des retraites.
C’est une arme redoutée lors des débats parlementaires. Dessiné à de nombreuses reprises pour encadrer les échanges entre élus, notamment lors des discussions sur le budget, l’article 40 de la Constitution est revenu sur le devant de la scène cette semaine. Mercredi, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée, en a profité mercredi pour annihiler les amendements du RN visant à rétablir l’article clé de sa proposition d’abroger le passage de l’âge légal de départ à 64 ans. , retiré en commission.
Résultat, le RN et son adjoint Thomas Ménage, rapporteur du texte, n’avaient qu’une coquille quasiment vide à présenter jeudi à l’ouverture de leur “niche” dans l’hémicycle. Ce n’est pas la première fois que la titulaire du perchoir utilise cet article : en juin 2023, elle avait pris exactement la même décision contre une proposition du groupe indépendant Liot, qui visait déjà à abroger la réforme des retraites. Contrairement à ceux du RN, les députés Liot ont alors décidé de retirer leur texte, vidé de sa substance, pour ne pas perdre de temps inutilement. Mais comment fonctionne cet article ?
Lire aussi
Assemblée : le projet de loi du RN pour abroger la réforme des retraites mort-née
Que dit l’article 40 ?
Inchangé depuis 1958, l’article 40 prévoit que les propositions et amendements ne sont pas recevables s’ils aboutissent à un “diminution des ressources publiques” ou “la création ou l’aggravation d’une charge publique”. Sous-entendu, s’ils grèvent les finances de l’Etat et des collectivités locales. Dans le cas des amendements RN, Yaël Braun-Pivet a estimé que le coût de l’abrogation de la réforme des retraites, estimé en dizaines de milliards d’euros, aurait des conséquences vertigineuses pour l’économie française.
L’utilisation du pluriel dans « ressources publiques » et le singulier dans « charge publique » a toute son importance. Dans le premier cas, le pluriel autorise un système de “jauge” : une perte de revenu peut être compensée par un autre revenu. L’indemnisation doit être crédible, réelle et bénéficier à l’organisation qui subit la perte. « Il n’est par exemple pas possible de compenser une perte de ressources subie par l’État par une augmentation des impôts perçus par les collectivités locales »précise le site officiel de l’Assemblée nationale.
Il est admis que le gage est la création d’un nouvel impôt. En fait, les parlementaires ont l’habitude de proposer des taxes sur le tabac pour se protéger de l’article 40. On parle même de « engagement en faveur du tabac ». « L’assiette et le rendement des accises sur le tabac sont suffisamment larges pour garantir la crédibilité et la faisabilité de la compensation »explique Lisa Thomas-Darbois, directrice des études françaises à l’Institut Montaigne, dans une chronique. Lors des débats parlementaires, le gouvernement peut choisir de « lever l’engagement »c’est-à-dire abandonner l’indemnisation.
Quant au singulier dans « charge publique »elle a pour effet d’interdire tout système de compensation. Un amendement ou une proposition qui entraîne une dépense n’est pas recevable. Mais la règle est plus souple pour les crédits ouverts par les lois de finances puisque la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) autorise les parlementaires à effectuer des mouvements entre les programmes d’une même mission sans augmenter le montant total des crédits de celle-ci. Et au-delà de l’article 40, toute modification doit également respecter les dispositions organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Des lois actuellement en discussion dans l’hémicycle.
À quelle fréquence est-il utilisé ?
Le recours à l’article 40 pour les propositions législatives est plutôt rare. Depuis 2009, dix-huit seulement ont été « jugé totalement ou partiellement irrecevable en vertu de l’article 40 »a affirmé Jean-René Cazeneuve, député et ancien rapporteur général du Budget à l’Assemblée nationale, dans un article publié dans Le monde. Cependant, c’est beaucoup plus courant pour les amendements. Entre 2017 et 2022, plus de 27 000 personnes ont été déclarées irrecevables au titre de l’article 40, selon un rapport d’information d’Éric Woerth, ancien président de la commission des Finances.
Qui peut l’utiliser ?
C’est l’article 89 du règlement de l’Assemblée nationale qui fixe les modalités d’application de l’article 40. Avant leur dépôt, la recevabilité financière des propositions législatives est étudiée par une délégation du Bureau de l’Assemblée. Pour les amendements déposés en commission, l’application de l’article 40 incombe au président de la commission concernée. En séance, c’est à la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, de décider. En commission comme en séance, Éric Coquerel, président de la commission des finances, peut être consulté en cas de doute.
Si un projet de loi ou un amendement est déposé après avoir été jugé recevable, le gouvernement et les députés peuvent s’opposer à l’article 40. « à tout moment de la procédure législative ». La recevabilité financière est alors réexaminée, et c’est au président de la commission des finances de trancher.