Diffusé dimanche 12 janvier à 20h50, le film Abbé Pierre : cinquante ans d’impunité rassemble les lourds éléments d’accusation qui pèsent sur le défunt fondateur d’Emmaüs.
Les statues sont déboulonnées. Son visage disparaît peu à peu. Un nom qui incarnait un comportement exemplaire dans le langage populaire est devenu synonyme d’agression sexuelle et d’abus de pouvoir. Dans deux rapports publiés en juillet et septembre, 24 femmes accusent Abbé Pierre de baisers forcés, masturbations, fellations sans consentement, survenus entre 1950 et 2000. Dans un film diffusé dimanche à 20h50, BFMTV rassemble le dossier.
Plusieurs témoignages que l’on y entend sont déjà parus dans la presse. Celui par exemple de Pascale qui raconte comment un appel à l’aide adressé au fondateur d’Emmaüs en 1993 l’a amené à tomber dans son piège. « Je porte cette culpabilité de ne pas avoir parlé »dit-elle, précisant qu’elle craignait de ne pas être crue. Elle pensait qu’elle était seule dans sa situation.
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Une jeunesse tourmentée
Jacques Maritain, théologien français de renom, faisait le point sur le caractère problématique de l’abbé en 1955, alors qu’il était chargé d’organiser son séjour à New York. Il y a eu suffisamment de plaintes selon lesquelles le voyage avait été écourté. Maritain décrit alors un « très gravement malade ». Ce voyage en Amérique du Nord a conduit la hiérarchie catholique à imposer le repos forcé au prêtre dans un hôpital psychiatrique en Suisse. Officiellement, pour une hernie discale.
Le fondateur d’Emmaüs sera chaperonné toute sa vie, ou presque, afin de canaliser ses excès sexuels, probablement nés dans l’enfance. Le mondeavant BFMTV, a exhumé des lettres de sa jeunesse qui mettent en scène sa personnalité compliquée, en proie à des pulsions et à des souffrances intimes. L’abbé Pierre, de son vrai nom Henry Grouès, a également affirmé avoir subi une agression sexuelle.
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« Combien de jeunes filles ont été agressées sexuellement ? Je me demande et ça me fait mal »souffle la journaliste Esther Romero, qui affirme avoir été victime des agressions de l’ancien résistant lors d’un entretien en 1988.
Figure intouchable
A ces multiples témoignages, BFMTV en ajoute un nouveau. Une ancienne secrétaire qui a longtemps travaillé pour Emmaüs se souvient ici d’attouchements et de tentatives du curé de « l’amadouer ». « J’ai l’impression que le sujet a été perçu comme un appendice, un accessoire »» ajoute-t-elle pour expliquer l’indifférence que suscitait alors son sort.
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Durant sa vie, l’homme religieux a parlé de son appétit sexuel, prenant soin de dissimuler son caractère violent. Des demi-confidences qui ont peut-être contribué à brouiller les pistes. Mais comment expliquer plus généralement ces cinquante années d’impunité, pour reprendre le titre du documentaire ?
Cela apporte plusieurs éléments de réponse. La primauté accordée par ses proches à son riche combat en faveur des pauvres, le sentiment partagé par la hiérarchie qu’il allait guérir ou encore la grande place qu’il avait prise dans la société. L’abbé Pierre, décédé en 2007, était devenu difficilement critiquable.