Van Gogh toujours présent dans son ancien asile psychiatrique

(Saint-Rémy-de-Provence) « Il arrive dans ce parc le 8 mai 1889. Le 9, il peint deux tableaux, dont les célèbres Iris » : psychiatre de la « maison de santé » où Vincent Van Gogh était interné Provence, Jean-Marc Boulon fait revivre le peintre tourmenté auprès des touristes et des patients.

Stéphane ORJOLLET

Agence France-Presse

Les hauts murs de cet ancien monastère d’architecture romane à Saint-Rémy-de-Provence (sud-est de la France), dont certaines parties remontent au XIee siècle et qui fut transformée en hôpital pour « fous » en 1807, abrite encore une clinique psychiatrique, « Saint-Paul », aujourd’hui réservée aux femmes pour de courts séjours.

Mais une aile du bâtiment est ouverte aux visiteurs et 80 000 personnes par an viennent admirer « en vrai » les décors de certains des tableaux les plus célèbres du peintre hollandais (1853-1890), dans les jardins où il peignit, en Outre les « Iris », les amandiers en fleurs, les oliviers ou les contreforts des Alpilles toutes proches.

PHOTO NICOLAS TUCAT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Van Gogh y fut interné pendant 53 semaines, jusqu’au 16 mai 1890. Il arrivait d’Arles, à une trentaine de kilomètres de là, où il vivait depuis un peu plus d’un an, mais où son état mental s’était dégradé avec le temps. de crises, dont celle au cours de laquelle il s’est coupé une partie de l’oreille. Exaspéré par son comportement, son quartier arlésien a même lancé une pétition réclamant son éloignement ou son internement…

« Une force incroyable »

“Délire aigu avec hallucinations de la vue et de l’ouïe”, écrivait le médecin-chef, Théophile Peyron, lors de son internement au centre de santé de Saint-Paul. “Des crises favorisées par les excès alcooliques”, a souligné le docteur Félix Rey, de l’hôpital d’Arles, dont Vincent a peint le portrait. Pour le Dr Boulon, « cela ressemble sans doute aujourd’hui à un trouble bipolaire ».

A Saint-Paul, « ce fut pour Vincent une période de grande souffrance initiale, puis de guérison et de bien-être. On peut l’observer dans son travail, qui est d’une force incroyable”, analyse le praticien.

Une œuvre abondante également, avec 143 peintures et plus de 150 dessins réalisés lors de ce séjour.

Une énergie créatrice que le Docteur Boulon s’efforce d’encourager chez les patients actuels, avec le développement depuis 1995 d’ateliers d’art-thérapie à destination des patients et anciens patients.

Sylvie Fayolle, 56 ans, hospitalisée dix semaines en 2010 pour amnésie et dépression, revient encore régulièrement, dans la grande salle où une demi-douzaine d’anciens patients peignent ou sculptent, avec l’aide d’un “art-thérapeute”.

PHOTO NICOLAS TUCAT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Elle aime se retrouver dans cet « atelier qui sent Van Gogh », installé près de l’ancienne salle capitulaire du monastère. Ce processus créatif « est comme une renaissance », sourit-elle. Et « Van Gogh est un deuxième papa ».

” Très touchante ”

« Sans penser qu’ils seront des Van Gogh, c’est un jeu de rôle d’identification. Et ça dans la vie, être créatif et reconnu quand on pense qu’on ne vaut plus rien, c’est-à-dire la revalorisation narcissique et la restitution du lien social, c’est fondamental”, explique le médecin. Boulon.

Les œuvres des patients sont ainsi exposées, mais aussi vendues à 50 % du prix revenant à l’artiste, dans le centre culturel installé dans la partie des bâtiments ouverte aux visiteurs, autour du cloître. Un hommage au souhait exprimé par Vincent, dans une lettre à son frère Théo, de fonder une « association » d’artistes dans le sud de la France pour « garantir la possibilité d’existence et le travail de ses membres ».

Les visiteurs peuvent également voir une reconstitution de la pièce occupée par Van Gogh, basée sur ses descriptions dans ses lettres. Et plusieurs pièces supplémentaires viennent d’ouvrir au public, couvrant 500 mètres carrés au total : reconstitutions d’un dortoir, de la cuisine, du cabinet du médecin-chef ou de la mère supérieure, ainsi qu’une salle de contention, avec camisole de force d’époque.

Une visite qui attire les touristes, à l’image de Killeen Doherty Rhodes, un Américain de 63 ans : “Voir la pièce où il a travaillé et réalisé tous ses chefs-d’œuvre est très touchant.”

En l’état, ajoute-t-elle, « nous continuons cette histoire pour les personnes qui se trouvent ici dans des situations similaires à la sienne et qui obtiennent de l’aide ».

 
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