Qu’est-ce qui caractérise les résidences personnelles des architectes bruxellois ? – .

Qu’est-ce qui caractérise les résidences personnelles des architectes bruxellois ? – .
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1. Une définition très précise

D’après ce que comprend l’étude, une maison d’architecte est un “maison conçue par un architecte avec l’intention d’en faire sa résidence personnelle.” Il peut s’agir d’un architecte ou, avant 1939, d’une personne reconnue comme telle. Leur production peut être une nouvelle maison ou une transformation importante d’un bâtiment. Bien que l’étude exclue les immeubles de placement, elle inclut des maisons dans lesquelles les architectes n’ont peut-être jamais vécu en raison de changements dans leur situation financière ou personnelle. Mais, globalement, la durée d’occupation d’une maison par son architecte est « normale » : une moyenne d’une vingtaine d’années, jusqu’à 61 ans pour le panel étudié. En fait, la plupart des architectes ont conçu leur maison entre 25 et 35 ans, mais beaucoup ne l’ont fait qu’à la fin de la quarantaine ; ce qui pousse l’âge moyen auquel ils conçoivent leur propre résidence à 36 ans.

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Afin de mieux comprendre « la diversité et la complexité inhérentes au paysage architectural bruxellois »les chercheurs ont élargi le champ d’étude en englobant non seulement « des cas emblématiques et archétypaux mais aussi des exemples moins connus, apparemment ordinaires, dont la valeur patrimoniale est moins évidente. » Soit “des joyaux bien documentés et d’autres moins connus.” Ce qui donne la saveur et l’originalité de l’étude (lire l’entretien avec Stephanie Van de Voorde, ci-contre).

« C’est pour eux une excellente opportunité de développer leurs activités, soit en attirant de nouveaux clients pour des commandes individuelles, soit en participant directement à l’urbanisation en tant qu’architectes-entrepreneurs. »

2. Localisation chronologique : toujours plus en périphérie

Sans surprise, les premières maisons d’architecte recensées sont situées au cœur de la capitale, dans le Pentagone, les alentours étant encore à l’époque des villages ruraux. Au fil du temps, ils ont suivi le mouvement d’urbanisation des banlieues. « En 1888, Hyppolite Jaumot fut le premier à enregistrer sa maison personnelle à l’extérieur du Pentagone, à Schaerbeek. Le premier à répondre à la croissance démographique spectaculaire du capital stimulée par la deuxième révolution industrielle. D’autres suivront. « C’est pour eux une excellente opportunité de développer leurs activités, soit en attirant de nouveaux clients pour des commandes individuelles, soit en participant directement à l’urbanisation en tant qu’architectes-entrepreneurs. » De quoi souligner la popularité de certains quartiers : le quartier des Squares et les abords de l’avenue Louise à la fin du XIXème siècle ; les parties sud d’Uccle et les parties nord de Laeken, « zones périurbaines calmes » des années 1920 ; et, pour les plus aventureux, les zones les moins urbanisées et offrant des terrains plus vastes, Uccle nord et Watermael-Boitsfort. A partir des années 1960, les architectes s’installent de plus en plus en périphérie, vers Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse ou Tervueren, et quittent le domaine d’études.

Gustave Strauven a construit sa propre maison sur un terrain en forme de coude entre la rue Luther et la rue Calvin dans le quartier des Squares. C’était en 1902. ©Linsy Raaffels

3. Des tracés insolites pour des configurations non conventionnelles

A Bruxelles, la majorité des parcelles sont rectangulaires avec une façade de cinq à sept mètres. Ce n’est cependant pas le terrain sur lequel de nombreux architectes (plus de 20 % du panel) construiront leur maison. Question d’accessibilité financière, mais aussi de “défi” et désir de montrer leur créativité et leur savoir-faire. Ici c’est un terrain triangulaire ; là, d’une parcelle irrégulière ou encombrée de prescriptions étranges comme l’imposition d’une façade arrière… aveugle.

4. Atelier ou bureau d’architecture : le télétravail avant l’heure

Qui dit maison d’architecte dit aussi bureau. Presque tous les architectes ont, à un moment ou à un autre de leur carrière, intégré leur activité professionnelle dans leur maison. Au moins, à partir de 1900, une salle pour travailler le soir et le week-end. Le plus souvent, un bureau officiel pour travailler et recevoir des clients, au rez-de-chaussée de la maison ou dans un immeuble attenant. Mais, dans plus de 70 % des cas identifiés avec des plans, il s’agissait « des bureaux plus spacieux, partagés avec des collègues »avec salon, archives, maquettes, voire salle d’attente. « Avec ou sans entrée indépendante, occupant souvent un demi-étage à un étage et demi de la maison. »

Au Cinquantenaire, des appartements à 4 000 euros/m² et des maisons à 3 800 euros/m², mais aussi des prix en légère baisse

5. Les architectes devancent souvent les tendances

Les conclusions de l’étude mettent en évidence le caractère innovant des architectes. Leurs maisons sont en effet significatives dans leur choix d’emplacement ou de localisation «nécessitant une articulation ingénieuse», dans l’intégration des espaces de vie et de travail, dans les matériaux ou encore dans l’apport de leur réseau professionnel, éléments analysés dans l’étude mais non présentés dans l’article de Brussels Studies. Et ce, même si les chercheurs ont combiné des maisons emblématiques et des maisons apparemment ordinaires.


3 questions à Stephanie Van de Voorde, ingénieur-architecte, professeur à la VUB

1. En quoi l’étude de Linsy Raaffels que vous avez supervisée vous semble-t-elle originale ?

D’abord parce que c’est sans précédent : rien de comparable n’avait été fait à Bruxelles. Ensuite parce que dès les premières explorations, il est apparu que de nombreux architectes, connus et inconnus, avaient créé des maisons très intéressantes, dans des emplacements nouveaux, voire avant-gardistes, sur des parcelles complexes et difficiles. Troisièmement, je dirais que l’étude est originale car derrière les chiffres, il y a de vraies histoires. Comme celle de Victor Taelemans qui, sur une période assez courte au tournant du siècle, créa pas moins de cinq maisons dans lesquelles il vécut ! Ou celle de Victor Horta qui, au tournant du siècle, fit construire, avec sa première maison, l’un des chefs-d’œuvre de l’Art nouveau (aujourd’hui le Musée Horta), mais qui, en 1919, acquit et rénova une demeure néoclassique de l’avenue Louise, dans le style Art Déco.

2. Certaines découvertes vous ont-elles surpris ?

Disons que par rapport à d’autres études similaires réalisées à l’étranger, celle-ci met clairement en avant les spécificités de son marché, Bruxelles en l’occurrence. A la fin du XIXe siècle, Bruxelles se caractérise par une forte croissance démographique et donc un grand besoin de logements. De nombreux architectes y ont vu une opportunité d’attirer de nouveaux clients en utilisant leur propre maison comme carte de visite. Ils s’installent souvent dans de nouvelles zones d’aménagement urbain, comme par exemple le quartier des Squares, où 28 maisons d’architecte ont été construites en à peine dix ans.

3. Cette étude pourrait-elle avoir une suite ?

De nombreux sujets méritent une attention approfondie comme le dynamisme et l’expertise des réseaux d’artisans, d’artistes et d’entrepreneurs entourant les architectes, les stimulant, les encourageant à innover ; ou l’importance et la place d’une maison personnelle dans le travail d’un architecte ; ou la relation entre les lieux de travail et le lieu de résidence ; ou les matériaux utilisés. A cet égard, un exemple frappant est donné par l’architecte Volckrick. Pour son bureau, il a choisi des matériaux uniques comme l’asphalte pour le sol et la phragmite (roseau commun, NDLR) pour le plafond. Cet usage unique est l’une des raisons qui ont justifié la protection de sa maison. C’est un cas que j’affectionne particulièrement et que j’ai depuis intégré dans mes cours. Il faut dire qu’il n’existe à Bruxelles que quelques maisons protégées d’après-guerre, signées Jacques Dupuis ou Willy Van Der Meeren, et donc désormais, Volckrick.

 
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