le musée d’Orsay raconte les débuts de l’épopée impressionniste il y a 150 ans

le musée d’Orsay raconte les débuts de l’épopée impressionniste il y a 150 ans
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J’avais envoyé un truc fait au Havre, depuis ma fenêtre. Du soleil dans la brume et quelques mâts de navires… On m’a demandé le titre du catalogue, ça ne pouvait vraiment pas passer pour une vue du Havre, j’ai répondu : mettez “Impression”” expliquait-il, à la fin du XIXèmee siècle, Claude Monet (1840-1926). « Un truc fait au Havre » ? « Du sol à la brume » ? Aujourd’hui, l’un des tableaux les plus célèbres est : « Impression du soleil levant », peint en 1872 ou 1873 – la date est encore controversée.

Cette merveilleuse anecdote montre bien comment, dans les années 1870, un mouvement fut inventé par tâtonnements et improvisations, sans aucune conscience de son poids futur dans l’histoire de l’art.

Son acte de naissance fut une exposition en 1874, qui eut peu de succès et ruina ses organisateurs. Elle rassemble une trentaine d’artistes dont la plupart sont tombés dans l’oubli. Mais il y a encore Claude Monet, Auguste Renoir, Edgar Degas, Berthe Morisot, Camille Pissarro, Alfred Sisley, Paul Cézanne….

Ils ne le savent pas encore, mais une école est née, et même une révolution de vision.

130 tableaux

Cent cinquante ans plus tard, le musée d’Orsay raconte en détail la genèse de cette exposition désormais mythique, et à travers elle, l’apparition fragile d’une avant-garde. 130 œuvres sont rassemblées, souvent magnifiques, parfois mondialement connues. « Boulevard des Capucines », « Impression soleil levant » de Monet, « Le Berceau » ou « La Lecture » de Berthe Morisot, « La Danseuse », « La Parisienne », « Bal du moulin de la Galette », « La Loge » d’Auguste Renoir, autant de leçons de style.

Au-delà de cette beauté picturale, le musée d’Orsay nous transporte, grâce à de nombreux documents, au cœur de ces années-là, dans le Paris blessé des débuts de la Troisième République. Une ville meurtrie après la défaite face à la Prusse en 1870, et marquée par l’impact de la Commune.


« Impression, soleil levant » de Claude Monet (1872 ou 1873) – « Impression, soleil levant » de Claude Monet (1872 ou 1873) a donné son nom au mouvement appelé impressionnisme.

Musée Marmottan Monet/Atelier Christian Baraja SLB

La capitale est en reconstruction, comme en témoignent plusieurs photos. Sur le plan artistique, l’organisme qui fait et défait les réputations reste le Salon officiel de peinture, un événement d’État présentant des milliers d’œuvres sélectionnées par le département des Beaux-Arts.

Un groupe de jeunes peintres veut s’affranchir de ce circuit institutionnel. Ils se connaissent plus ou moins, sont amis ou non, ont travaillé ensemble ou non… Leur réseau est fluctuant, informel. Tout le monde a soif d’indépendance. Mais tout le monde n’est pas, contrairement aux idées reçues, anti-Salon, plusieurs y ont exposé.

« Insensé »

Ils ont fondé une société anonyme, recherché des soutiens financiers, formé un collectif, dirions-nous aujourd’hui, c’est aussi pour cela que leur approche est si innovante. Il leur faut un lieu : ce sera l’ancien et immense atelier du photographe Nadar, boulevard des Capucines.

Ils forment un collectif, dirions-nous aujourd’hui, c’est aussi pour ça que leur démarche est si innovante

Leur exposition est ouverte le 15 avril 1874 pour deux mois. Le critique d’art, Louis Leroy, décrit, dans le quotidien « Le Charivari », le 25 avril 1874, sa visite chez un ami consterné par ce qu’il voit sur les tableaux. « Jambes dégonflées », « égratignures de palette sans queue ni tête »… « Il pensait que les verres de ses lunettes étaient devenus brouillés », écrit le journaliste. Il trouve dans ses yeux un mot peu flatteur pour qualifier cette étrange génération de peintres : ce sont des « impressionnistes ». En d’autres termes, des atouts en matière de flou. L’art change. L’émotion détrône la précision, la capture de l’instant prime sur le réalisme de la description.


« La Danseuse », Auguste Renoir (1874). Le peintre a participé à cette exposition de 1874 avec Renoir participant avec six toiles et un pastel, dont cette ballerine.

Galerie nationale d’art, Washington

Un nouveau monde

Le mot a le mérite d’identifier un groupe hétérogène. Bien sûr, il y en a quelques-uns qui dominent. La touche rapide, les tons clairs, le choix de sujets modernes et quotidiens. « Mais entre un Degas attaché au dessin, un Pissarro peignant en extérieur… les différences sont considérables. Le cœur de l’impressionnisme tel que nous l’entendons aujourd’hui serait Monet, Renoir et Morisot. Notre exposition montre que cette étiquette, comme souvent, a une sorte de convention, et des contours changeants » souligne Sylvie Patry, commissaire.

L’émotion détrône la précision, la capture de l’instant prime sur le réalisme de la description

Cette première de 1874 fut un échec. La société est liquidée. Mais le groupe continue d’exposer en 1876, puis 1877, avec le soutien décisif d’un galeriste, Paul Durand-Ruel. Et petit à petit… « Ce qui s’est passé en 1874, c’est avant tout l’apparition de la première avant-garde, résume Sylvie Patry, et sur le plan pictural mais aussi politique et social, l’avènement d’un monde nouveau ».

« Paris 1874, inventer l’impressionnisme », jusqu’au 14 juillet, au musée d’Orsay, tous les jours sauf le lundi, de 9h30 à 18h (21h45 le jeudi). Tarif : 16 €, qui donne également accès à l’exposition immersive « Une soirée chez les impressionnistes », en réalité virtuelle.

 
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