Ils sont en short, malgré la température ambiante de -3°C, avec des tatouages sur les bras et une touche d’accent américain. Les cinq hommes viennent d’entrer dans un bar à bière, après quelques emplettes au petit marché de Noël de Rzeszow. Que font-ils dans cette ville de 200 000 habitants du sud de la Pologne, située à une heure de la frontière ukrainienne ? Les camarades coupent court à toute discussion… A une table voisine, un homme arbore une casquette « Make America great Again », slogan du président élu américain Donald Trump. Il préfère également éviter toute question.
Dix mille soldats américains seraient présents dans cette zone, affirment les médias locaux. Où sont-ils ? La plupart des habitants le savent, mais personne ne veut en parler. Dans ce restaurant ouvert bien avant 2022, la présence des « Yankees » est très appréciée. «Ils aiment ce que nous proposons»confie Patrick, le jeune propriétaire des lieux, le sourire aux lèvres.
Aide militaire à Kyiv
« Êtes-vous un soldat ? »» demande un chauffeur de taxi avant de nous conduire vers la base militaire. Au bord de la route, des clôtures installées il y a près de deux ans dissimulent les pistes et les entrepôts de la base. Lorsque la guerre en Ukraine a éclaté en février 2022, le 82e La division aéroportée américaine fut la première à débarquer ses colis en Pologne. Plus précisément à l’aéroport international de Rzeszow-Jasionka, à vingt minutes en voiture de la ville du même nom. Rzeszow est devenu un carrefour stratégique pour l’aide à l’Ukraine. C’est ici, sous la protection des soldats américains, que transite l’essentiel de l’aide militaire occidentale à Kiev. Le matériel est transporté par avion, puis acheminé par train ou par camion vers l’Ukraine.
A une heure de là, dans la commune de Mielec, les langues se délient encore. Depuis le départ de la 101e division aéroportée de l’armée américaine en avril 2023, un vent de nostalgie règne sur cette ville de 60 000 habitants. Les militaires ont été stationnés pendant près d’un an à l’aéroport local, aux côtés de l’avionneur américain Sikorsky.
“Nous les aimions beaucoup, nous sommes tristes qu’ils aient déménagé”regrette une habitante, Lucyna Rybak. Ce professeur d’anglais se souvient : « Ils dépensaient beaucoup dans les magasins. » Les clubs de gymnastique étaient également très appréciés des militaires, obligeant les jeunes de Mielec à sauter leur tour.
A la messe tous les dimanches
« Un jour, dans mon jardin, j’ai été dérangé par un bruit assourdissant : un hélicoptère d’assaut américain, le CH-47 Chinook, qui venait de décoller de la base »se souvient Lucyna Rybak. Même si la présence de soldats américains lui rappelait constamment la proximité du conflit ukrainien, elle se sentait en sécurité grâce à eux.
Prêtre depuis cinq ans et anglophone, Piotr Turek a été nommé, à la demande des autorités américaines et polonaises, à la paroisse de Chorzelow en 2022, à la périphérie de Mielec, pour y exercer les fonctions d’aumônier militaire. « J’ai encore des contacts avec certains militaires depuis qu’ils ont quitté notre ville. Ils me disent qu’ils se sentaient mieux en Pologne qu’en Allemagne (là où ils ont été redéployés, NDLR). » Certains soldats américains assistaient à la messe tous les dimanches, se souvient-il, avec aussi une pointe de nostalgie. « Les paroissiens me demandent souvent s’ils reviendront un jour. »