La présentation du budget, qui ne convient pas à une majorité de députés, pourrait mettre un terme à l’expérience Barnier à Matignon. Même Emmanuel Macron fait la prédiction, selon Le Parisien.
Michel Barnier pourrait bien retrouver les pistes de ski de Savoie plus tôt que prévu. Le Premier ministre, qui déclare régulièrement aux médias avoir accepté sa nomination sans nourrir aucune ambition personnelle, pourrait renoncer à son tablier avant la fin de l’année. Pour quoi ? Car l’adoption du budget 2025, sur lequel il travaille activement avec son gouvernement depuis son arrivée à Matignon, ne trouve pas de consensus parmi les parlementaires. D’ailleurs, selon les informations du Parisien, même Emmanuel Macron confie en coulisses que le « gouvernement va tomber », misant sur la censure du RN, « plus tôt qu’on ne le pense ». Une information officiellement démentie par l’Elysée, mais qui fait courir le bruit que le président prépare déjà l’après-Barnier.
Il faut dire que c’est assez clair pour tout le monde : Marine Le Pen vise désormais à faire tomber le gouvernement sur la présentation du budget. Le président des députés RN, interviewé sur RTL le 20 novembre, avait posé des impératifs à Michel Barnier, exigeant de manière assez vague que le « pouvoir d’achat des Français soit préservé ». Ce lundi 25 novembre, l’étau s’est resserré. Marine Le Pen s’est entretenue dans la matinée avec le chef du gouvernement et elle ne semble avoir obtenu aucune garantie : « Michel Barnier m’a semblé à la fois courtois et ferme dans ses positions. J’ai répété les lignes rouges du RN», a-t-elle dit, considérant comme très probable l’hypothèse que le RN voterait la motion de censure en cas de recours au 49.3. “Nous verrons si nos paroles ont gagné du terrain, mais rien n’est moins sûr”, a-t-elle déclaré.
La menace est désormais concrète, d’autant que la position de tous les partis du NFP – y compris le PS – est unanime : avec une motion votée par le RN, l’Assemblée est arithmétiquement en mesure de faire tomber Michel Barnier.
La présidente des députés RN sait désormais qu’elle est au centre du jeu. Mais ses revendications sont très nombreuses : « Faire appel aux entreprises et aux retraités est inacceptable, […] l’augmentation de 6 milliards qu’il prévoit sur le prix de l’électricité est inacceptable pour nous», a-t-elle déclaré. Et ses revendications peuvent donner des sueurs froides au gouvernement : le moindre impact sur le pouvoir d’achat des Français serait considéré comme une ligne rouge. Compte tenu des 40 milliards d’économies – dont les mesures sur le remboursement de la santé – et des quelque 20 milliards d’impôts présentés par le Ministres de Bercy, cela ne semble faire aucun doute. que le pouvoir d’achat des Français sera atteint. «C’est une ligne rouge. Et si cette ligne rouge est effectivement franchie, eh bien nous voterons la censure », a insisté Marine Le Pen.
M. Barnier a confirmé mi-novembre dans les colonnes de Ouest-France qu’il demanderait “probablement” des comptes à son gouvernement en recourant à l’article 49.3 de la Constitution, qui permettrait l’adoption du budget sans vote au Parlement. « Le problème n’est pas celui du 49.3. Le problème est de savoir ce qu’il y aura dans le budget. M. Barnier respectera-t-il l’engagement qu’il a pris pour que les groupes « puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ? » a demandé Marine Le Pen le 20 novembre.
Quelle victoire pour Marine Le Pen ?
Le Premier ministre peut-il encore convaincre Marine Le Pen dans les prochains jours ? Pour ce faire, il faudrait lui proposer des engagements et des mesures qu’elle pourrait présenter comme une victoire politique. “Il a l’embarras du choix”, explique à Politico un partisan politique de Michel Banier, qui qualifie le contre-budget de “très raisonnable et crypté” du RN. Selon les informations de BFMTV, l’extrême droite tranchera lors du vote du budget en Commission paritaire (CMP), qui tentera de réunir députés et sénateurs après le 12 décembre.
Reste que Marine Le Pen peut décider de l’avenir politique du locataire de Matignon, mais aussi de la manière dont s’écriront les prochains chapitres du feuilleton politique. Les ministres de Michel Barnier ont désormais les yeux rivés sur l’heure : il est probable que le Premier ministre mettra fin au débat, anticipant un blocage, en utilisant l’article 49.3, sans doute à l’issue des discussions au CMP. Et puis il n’aura plus le contrôle.
Si le RN provoque la chute du gouvernement, il satisfera très probablement de nombreux électeurs et militants de son parti, dont beaucoup ne comprennent pas le soutien tacite du RN à Michel Barnier. La crise politique provoquée pourrait aussi servir les intérêts de Marine Le Pen, qui changerait de priorités politiques au moment où sa condamnation pour détournement de fonds publics est attendue début janvier.
20h29 – “Tant que j’ai la même capacité qu’il y a 50 ans, je serai là”
« Pourquoi voulez-vous que je démissionne ? » a rétorqué Michel Barnier ce mardi soir sur le plateau de 20 heures de TF1 alors que les tensions autour du budget s’accentuent, laissant entrevoir la possibilité d’une censure gouvernementale. « Cela va bien au-delà de ma propre condition », a poursuivi le Premier ministre, ajoutant : « J’ai un certain âge dont je ne me souviens pas, j’ai la même capacité d’enthousiasme que de m’indigner lors de ma première élection. Tant que j’aurai la même capacité qu’il y a 50 ans, je serai là.
Plus tôt, le Premier ministre avait concédé que « le moment est très grave » puisque c’est « le budget de la nation qui est en cause », tout en assurant ne pas être surpris par la situation. “Pendant ce temps [de négociations du budget, ndlr.]à Paris, dans un microcosme, on fait des petites phrases. Ils feraient mieux de consacrer leur énergie aux Français plutôt que de se soucier de leur avenir », a-t-il argumenté. En cas de censure, « il faudra reprendre les discussions, il y aura une tempête assez sérieuse sur les marchés financiers. Nous empruntons déjà très haut », a-t-il également prévenu.
18:16 – Emmanuel Macron denies the comments reported by Le Parisien.
« L’Élysée dément que de tels propos rapportés ici entre guillemets aient été tenus. Le gouvernement est à l’œuvre et le pays a besoin de stabilité”, ont écrit les services de la Présidence de la République dans un communiqué ce mardi. Ce document envoyé à la presse ajoute que « le président de la République n’est pas un commentateur de l’actualité ». Le Parisien maintient néanmoins ses informations, indique le rédacteur en chef, assurant que plusieurs témoins ont corroboré les allégations rapportées.
16h45 – « Le gouvernement va tomber », a confié Emmanuel Macron à son entourage
Selon les informations du Parisien, le chef de l’Etat a fait quelques confidences à des parlementaires et anciens ministres lundi soir dans les jardins de l’Elysée, après une cérémonie de décorations. « Le gouvernement va tomber. Elle (Marine Le Pen) va le censurer à un moment donné et plus tôt qu’on ne le pense », a clairement déclaré le président à certains invités, comme l’ont rapporté plusieurs témoins au Parisien. L’analyse est partagée par plusieurs ténors de la macronie, dont un ministre toujours en place. « Nous allons être censurés. Pourquoi un parti démagogique ne censurerait-il pas un budget d’effort ? » anticipe ainsi un membre du gouvernement actuel.