Pour se conformer aux exigences européennes, Meta a introduit un abonnement payant sans publicité pour Facebook et Instagram. Mais cette formule protège-t-elle davantage la vie privée des utilisateurs ? Une enquête RTS montre que, même sans publicité, la collecte de données personnelles reste tout aussi répandue.
En Suisse, les utilisateurs passent en moyenne 2 heures 27 minutes par jour sur les réseaux sociaux. Meta, maison mère de Facebook et Instagram, profite de cette fréquentation pour affiner sa connaissance de chacun d’eux.
La RTS a testé pendant plusieurs semaines la différence entre comptes gratuits et payants à partir de deux profils de chaque type, avec l’aide d’étudiants. Résultat : la collecte de données reste très poussée dans les deux cas, comme le résume Nicholas Xiao-Lin Hutin, participant à l’expérimentation, mardi à 19h30 : « Au fur et à mesure, j’ai vu qu’il y avait des contenus ciblés en fonction de ce que j’aimais. et apprécié. »
Aidé par des experts, les étudiants ont accédé aux données enregistrées par Meta, notamment le nom, la géolocalisation, les numéros de contact et l’historique des activités. Annella Prudente Pessina témoigne : « On ne comprend rien, c’est une série de chiffres, de lettres, des sortes de liens », décrit-elle. Le tout est clairement conçu pour les systèmes informatiques, pas pour les utilisateurs, précise Tommaso Venturini, chercheur au CNRS : « Ce sont des données faites pour qu’un ordinateur puisse les lire et pas tellement pour qu’une personne puisse les lire. “
Une collection omniprésente et étendue
L’analyse révèle des informations précises, telles que les lieux visités, les vidéos visionnées ou encore les numéros de téléphone des contacts, jusqu’aux détails des vacances des utilisateurs. Loin de se limiter aux données de base, Meta semble tout collecter, explique Tommaso Venturini : « On a vraiment l’impression que la stratégie qu’ils suivent est de collecter le plus possible pour faire différents types de traitements que nous ne connaissons pas. .»
Cette collection ne se limite pas aux plateformes elles-mêmes ; en surfant sur d’autres sites équipés des fameux « pixels » de suivi de Meta, les informations ne cessent de s’accumuler. François Charlet, avocat en droit des technologies, précise : « Tant que Meta dispose d’un petit pixel, d’un petit fichier qui se trouve sur le site internet en question, ce sont des éléments qui permettent à Facebook de récolter des informations sur un service qui, en fait, n’appartient pas à Facebook. pour lui du tout. Ainsi, même en dehors des réseaux sociaux, l’empreinte numérique de chaque utilisateur reste étroitement surveillée.
Données pour la publicité et l’IA
La question reste alors de savoir pourquoi Meta continue de collecter les mêmes données pour ses abonnés payants. Selon Yaniv Benhamou, avocat et professeur de droit du numérique, cela pourrait bien servir aux projets d’intelligence artificielle du géant américain : « Toutes ces informations permettent de créer un double numérique chez Facebook. Ces mêmes données peuvent servir d’entraînement à l’intelligence « Si l’on prend l’exemple de Meta AI, les outils conversationnels vont s’appuyer sur les conversations de l’internaute pour tenter d’optimiser et de fluidifier les conversations », explique-t-il.
Précédemment fixé à 12 francs suisses par mois, l’abonnement garantissant une navigation sans publicité va baisser de 40% à partir de mercredi, selon une annonce de la multinationale en réaction aux injonctions de l’Union européenne. Un abonnement moins cher donc, mais qui permettra selon toute vraisemblance toujours à Meta de collecter et d’utiliser les informations personnelles des utilisateurs.
Reportage TV : Charlotte Onfroy-Barrier
Adaptation web : Tristan Hertig