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Quel est le risque d’un retour du choléra à Mayotte après le passage du cyclone Chido ?

Au printemps dernier, l’île a été frappée par une épidémie de choléra, dont le dernier cas a été enregistré à la mi-juillet. Mais les dégâts causés par le cyclone nécessitent une plus grande vigilance.

Un système de santé exsangue, un accès à l’eau potable rendu encore plus difficile et un réseau d’eaux usées dégradé… C’est bien connu : parmi les nombreux malheurs que les catastrophes naturelles entraînent, il y a la facilité de propagation des microbes. Si le bilan humain n’est pas encore connu à ce stade, le risque de développement de maladies à Mayotte suite aux ravages du cyclone Chido est pris au sérieux. L’île vient en effet de sortir d’une épidémie de choléra qui, entre mars et juillet, a touché plus de 200 personnes et causé la mort d’au moins cinq personnes. Quel est le risque qu’une telle épidémie reprenne ? Réponses avec deux spécialistes.

« Evidemment le dernier cas connu remonte à juillet, celui de la bactérie (à l’origine du choléra, ndlr) depuis il ne semble plus circuler sur l’île »rapporte le professeur François-Xavier Weill, médecin et directeur du Centre national de référence du choléra à l’Institut Pasteur. « Si la maladie n’est pas réimportée, il n’y aura pas d’épidémie. Une théorie suggérait que la bactérie pourrait persister longtemps dans l’environnement, mais toutes les données récentes soutiennent le rôle de l’homme dans la transmission du choléra. »explique. Autrement dit, l’environnement ne joue un rôle qu’en phase épidémique, lorsqu’il est contaminé par les excréments des patients.

Si la maladie n’est pas réimportée, il n’y aura pas d’épidémie.

Professeur François-Xavier Weill, médecin et directeur du Centre national de référence du choléra à l’Institut Pasteur

En mars dernier, la bactérie incriminée est arrivée à Mayotte en provenance de citoyens d’une autre île des Comores, qui fin janvier 2024 avait été touchée par des personnes venant de Tanzanie. Ce pays et 11 autres pays d’Afrique de l’Est sont confrontés depuis plus d’un an à une grave épidémie de choléra (plus de 240 000 cas et 4 000 décès depuis début 2023).

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« A ma connaissance, il n’y a plus de cas de choléra à Anjouan, l’île de l’archipel des Comores la plus proche de Mayotte et d’où l’on arrive par la mer. Il y en aurait plutôt à Mohéli, une île un peu plus éloignée. »indique de son côté le professeur Renaud Piarroux, chef de service de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, spécialiste des épidémies. Selon lui, le risque de choléra à Mayotte est donc pour l’instant limité, mais la vigilance reste de mise. « Il n’y a pas d’épidémie de choléra s’il n’y a pas de malades, on ne part pas de rien »insiste.

Une souche résistante aux antibiotiques

Selon le professeur Weill, le « seul risque » ce serait ça « la maladie est à nouveau importée et le système de santé n’identifie pas rapidement les premiers cas ». Chaque patient excrète des millions de bactéries dans les eaux usées, qui peuvent rapidement se transformer en tache d’huile. La maladie, en effet, se transmet par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par les excréments de personnes malades. Ne pas savoir comment localiser rapidement les premiers patients peut rapidement rendre la situation hors de contrôle. Mais ce scénario semble peu probable à ce stade. « D’une part parce que les autorités sanitaires ont réussi à contrôler efficacement l’épidémie au printemps dernier et d’autre part parce que le laboratoire du centre hospitalier de Mayotte, qui analyse les échantillons, est de grande qualité et a été relativement épargné par le cyclone, selon mon avis collègues présents sur place »explique le scientifique.

Avec son équipe de l’Institut Pasteur, le professeur Weill a découvert que la souche du choléra circulant à Mayotte au printemps dernier était très résistante à deux des trois classes d’antibiotiques habituellement utilisés contre le choléra. « Cette souche est apparue au Yémen en 2018, avant d’atteindre le Liban en 2022. Elle se propage désormais à travers l’Afrique de l’Est. »indique le médecin. Même si cette nouvelle fonctionnalité ne constitue pas un problème immédiat, elle fait craindre des difficultés futures. « Le traitement des patients repose principalement sur la réhydratation. Surtout, les antibiotiques raccourcissent la durée des symptômes et donc leur contagiosité. Sans l’utilisation d’antibiotiques efficaces, le risque de propagation de la maladie augmente.précise le professeur Weill.

Des conditions favorables à la propagation des maladies

Outre le risque de choléra, le cyclone crée des conditions favorables au développement d’autres maladies. « Compte tenu de la situation, l’accès à l’eau sera encore plus dégradé et la population boira l’eau qu’elle trouvera. Si vous êtes en présence d’eau contaminée par des agents pathogènes, il existe un risque de fièvre typhoïde ou d’épidémie de diarrhée due à des bactéries telles que E. coliconnu pour provoquer les touristes »explique le professeur Renaud Piarroux. Avant le passage du cyclone, Mayotte souffrait déjà de graves problèmes d’accès à l’eau potable, avec près d’un tiers des ménages dépourvus d’eau courante, selon les données de l’Insee.

Lundi, la ministre de la Santé sortante, Geneviève Darrieussecq, a déclaré qu’il fallait mettre en place un « surveillance rigoureuse de la santé » détecter possible « maladies contagieuses résultant de la consommation d’eau polluée ou d’aliments avariés »même si aujourd’hui il n’y a pas d’épidémie « pas à l’ordre du jour ».

 
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