Jeudi 13 avril 1989, à une dizaine de kilomètres de Dax, un corps en partie démembré, qui a laissé une trace sanglante sur une centaine de mètres, est découvert par un conducteur de train de marchandises. La victime, totalement méconnaissable, est décédée récemment après une chute d’un train. Ce matin-là, seul l’express Hendaye-Paris passait par ici.
« Les professionnels de la SNCF sont malheureusement habitués soit à ce que des personnes soient heurtées volontairement, soit à ce que des personnes sautent du train en marche. A ce moment-là, la première intuition fut celle du suicide. Mais la découverte en aval, 5 km plus loin, d’éléments d’identité change complètement la donne. La ballerine, les papiers d’identité, n’auraient pas pu rester attachés au train et se perdre quelques kilomètres plus loin, explique Me Thierry Sagardoytho, avocat au barreau de Pau et auteur du livre Affaires classées en Béarn et au Pays Basque, édité par Sud-Ouest. On est donc plutôt dans l’hypothèse où cette femme a été délibérément éjectée du train, et surtout que son meurtrier essayait de se débarrasser des choses comme pour effacer les traces du crime.
Un chéquier au nom d’un certain Jeanne Agosta, 26 ans, résidant à Rouen, est retrouvé, ainsi que son billet de train. Elle voyageait en deuxième classe, dans le voiture 68, à la place 35. Elle était venue passer les vacances de Pâques chez ses parents, sur la côte basque, avant de se rendre à Rouen retrouver son fiancé.
Du sang dans les toilettes
Le pathologiste chargé d’examiner le corps indique que la jeune femme a été battue avant de mourir et a été clairement violée. Les gendarmes parviennent à monter à bord de l’express Hendaye-Paris, dont l’arrivée est prévue à 15h57. Les deux sacs de voyage de Jeanne Agosta sont retrouvés. La voiture 68 est examinée. Des traces de sang et quelques cheveux ont été retrouvés sur les flancs du wagon ainsi que dans les toilettes. Des indices qui étayent la théorie d’une attaque.
A bord, les enquêteurs interrogent les passagers. Certains parlent du comportement inquiétant d’un jeune salarié qui poussait un chariot chargé de boissons, de sandwichs et de bonbons. Un autre passager a constaté que ce même employé avait des marques d’égratignures sur les bras. L’individu est identifié comme Nicolas D., 21 ans, Étudiant en deuxième année de médecine travaillant occasionnellement pour la société Servirail.
Les gendarmes l’interrogent, puis perquisitionnent son domicile. « Dans le panier à linge, il y a les sous-vêtements et la chemise qu’il portait le jour du drame. Et il y a du sang. Dès lors, son histoire change. Il raconte qu’il a suivi cette inconnue jusqu’aux toilettes, qu’elle lui a fait un sourire qu’il a pris comme une invitation. Une relation sexuelle furtive aurait suivi et elle aurait menacé de la dénoncer, raconte Me Thierry Sagardoytho. C’est là, dit-il, que la bagarre a éclaté.
Quai de train vivant
Lundi 17 avril 1989, quatre jours après le décès de Jeanne Agosta, Nicolas D. est accusé de viol et d’homicide volontaire. Interrogé à nouveau, il abandonne la thèse d’un flirt tragique puis avoue avoir repéré la jeune femme qu’il suivait jusqu’aux toilettes. Il a déverrouillé la porte des toilettes avec son laissez-passer. La passagère a crié, puis a été frappée au visage et sur le corps avant d’être violée. Il nie toutefois avoir éjecté la jeune femme du train.
Une version qui change, jeudi 6 juin 1991, lorsque Nicolas D., 23 ans, comparaît devant la cour d’assises des Landes, à Mont-de-Marsan. L’accusé, qui continue de fournir des versions contradictoires, finit par admettre pour la première fois avoir agressé, violé et défenestré l’étudiante dans le train Hendaye-Paris alors qu’elle était encore en vie. Jusque-là, il affirmait que Jeanne Agosta s’était jetée sur les rails. Après deux jours de procès, Nicolas D. est condamné à la réclusion à perpétuité assortie d’une peine de vingt ans de sûreté.
En septembre 2015, vingt-six ans après la mort de Jeanne AgostaNicolas D., qui s’est suicidé, est réinséré dans la société. Il dirige aujourd’hui une librairie renommée dans l’ouest de la France.
Invités de « Hour of Crime »
– Me Thierry Sagardoytho, avocat au barreau de Pau et auteur du livre Affaires classées en Béarn et au Pays Basque, édité par Sud-Ouest.
– M. Alain Sallefranque, avocat au barreau de Dax et avocat de Nicolas D.
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