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ÉDITORIAL. La mort a un prix, chers disparus

Tout le monde ne peut pas être enterré comme Khéops, dans l’un des plus grands monuments jamais construits par l’homme. Personne ne voudrait finir comme Mozart, jeté dans la fosse commune du cimetière Sankt Marx à Vienne. Mais qu’elle soit princière ou prolétarienne, la mort est aussi une question d’argent. Car on peut toujours attendre un peu avant de remplacer la berline familiale. Vous pouvez également décaler de quelques mois l’achat d’un nouvel écran grand format. Mais la Mort est celle qui choisit quand et où passer. Et paiement.

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Alors évidemment, il y a de la douleur, de la révolte, du chagrin et des larmes des proches. Presque toujours. Paperasses et factures ? Toujours. Et c’est souvent cela qui ajoute au désarroi, c’est cet océan de formalités qui déferle sur ceux qui restent, et qui doivent sortir leur portefeuille à chaque guichet. On pense ainsi à ces dessins de Lucky Luke, où les croque-morts osseux en haut-de-forme et frac élimé, escortés de vautours, se frottaient les mains à l’annonce des duels.

Heureusement, nous ne sommes plus au Far West, et globalement, nos compatriotes sont plutôt satisfaits des professionnels des pompes funèbres. Sans doute parce que leurs échanges se déroulent dans des conditions bien particulières. Du côté des commerçants, tact et délicatesse sont de mise lorsqu’il s’agit de proposer tel ou tel service. Du côté des parents, on vit une sorte d’anesthésie qui relativise les questions financières : on ne veut pas y penser dans ces moments-là.

Toujours. Le prix de la mort augmente. Près de quatre fois le SMIC, en moyenne pour les funérailles. Mais beaucoup de nos concitoyens ignorent ces prix, car heureusement, nous ne mourons pas tous les jours. Ils n’ont donc pas non plus les moyens de comparer. Et de voir que les factures ont grimpé en flèche, et pas seulement pour les crémations, désolé pour cette facilité. Coût du bois du cercueil, de l’énergie, flambée des places dans le cimetière, nous dit-on.

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En fait, dans nos sociétés, la mort a eu tendance à se désincarner, voire à disparaître. On ne veille plus sur le défunt, qui ne meurt plus chez lui, mais à l’hôpital. On le retrouve dans une chambre funéraire impersonnelle et glaciale. Chaque mouvement du corps est dûment contrôlé, vérifié, régi par des lois précises et complexes. Que les adieux collectifs aient lieu à l’église ou au crématorium, ils sont de plus en plus précipités, comme un mauvais moment à passer au plus vite, coûte que coûte. De nos jours, la mort est inquiétante : on ne prend plus de selfies avec les cercueils.

Cette Toussaint est pour beaucoup, croyants ou non, une pause en souvenir de nos chers disparus : « Le véritable tombeau des morts, c’est le cœur des vivants », disait Cocteau.

 
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