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La Russie gagne du terrain et mine le moral des Ukrainiens

Régularité

Les chiffres de l’ISW ne suggèrent aucun effondrement militaire de l’Ukraine. Mais « ce qui est plus inquiétant, c’est qu’il s’agit d’une tendance », estime l’ancien colonel français Michel Goya, historien de la guerre.

“On assiste à une accélération de cette progression, avec le sentiment qu’on ne peut pas l’arrêter”, ajoute-t-il, décrivant une “stratégie russe de pression partout, tout le temps, en attendant qu’elle craque, s’effrite ou s’effondre”.

Moscou revendique une victoire presque chaque jour. “Aucune localité à elle seule n’a une importance extraordinaire, mais dans l’ensemble, elle représente un succès significatif pour l’armée russe”, assure Alexandre Khramtchikhine, analyste militaire russe indépendant. “L’avancée russe, même pas très rapide, montre la détérioration croissante (de la situation) en Ukraine.”

Puissance de feu

Depuis 2022, Moscou maintient la supériorité de son artillerie. Soumis aux sanctions économiques occidentales, il a transformé son économie en machine de guerre avec le soutien d’alliés engagés, menés par l’Iran et la Corée du Nord.

« L’industrie de guerre russe produit plus d’armes que ce que l’Ukraine en reçoit », estime Alexandre Khramtchikhine, et « plus de munitions grâce à son industrie et à la Corée du Nord ».

Début 2024, le gel de l’aide américaine par le Congrès a considérablement ralenti les approvisionnements des Ukrainiens, « alors que dans le même temps 3 millions d’obus nord-coréens arrivaient dans les dépôts russes », rappelle Michel Goya.

Et Moscou a développé un système de guidage des bombes, qu’elle utilise “par milliers”, assure-t-il, faisant également référence aux quelque 1.600 missiles balistiques nord-coréens KN-02 tombés sur l’Ukraine.

Nouvelle approche tactique

Plutôt que de conquérir les villes quartier par quartier, l’armée russe joue désormais la carte de l’étouffement. “Le principe est de menacer d’encercler les poches qui sont contraintes de reculer”, explique Michel Goya.

“Nous avons refusé de prendre d’assaut les villes et les villages, où nous devions détruire chaque mètre carré de rue, chaque maison”, reconnaît Alexandre Kots, journaliste de guerre au Komsomolskaïa Pravda, un quotidien populaire en Russie.

En conséquence, « l’ennemi peut être contraint de retirer ses troupes et de le faire en traversant un long couloir ouvert au feu ».

La mobilisation ukrainienne fatiguée

Peu à peu, l’avancée russe ronge le moral des Ukrainiens. Kiev peine à recruter, d’autant que la désorganisation de son armée et la corruption facilitent les désertions et les refus d’enrôlement.

« Vaincre un ennemi, c’est tuer son espoir. Quand le sacrifice des morts ne vaut rien, cela n’a plus de sens de se battre », constate Michel Goya.

« Le gouvernement Zelensky, face à la lassitude de guerre des populations civiles, a du mal à se mobiliser », confirme un responsable militaire français sous couvert d’anonymat.

Kiev a annoncé mardi une nouvelle mobilisation de 160 000 hommes, face notamment aux craintes d’un déploiement de troupes nord-coréennes, pour reconstituer les rangs de l’armée à 85 %.

L’attentisme occidental

Les experts tempèrent la situation en soulignant les très lourdes pertes côté russe. Ivan Klyszcz, du Centre international de défense et de sécurité (ICDS) en Estonie, souligne qu’au rythme actuel, Moscou « finirait de prendre le reste du Donbass en quelques mois, à un coût extrêmement élevé, probablement insoutenable ».

Pendant ce temps, les Occidentaux tergiversent. Le « plan de victoire » de Volodymyr Zelensky, censé le mettre en position de force pour négocier, divise ses alliés. Et l’élection présidentielle américaine apporte son lot d’incertitudes.

“L’Ukraine se rendra vite compte qu’elle a besoin d’un changement de direction et que s’appuyer sur ses partenaires occidentaux deviendra une stratégie contre-productive dans un avenir proche”, assure Ivan Klyszcz.

 
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