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Une énergie renouvelable sans précédent émerge en

Cette station pilote de quelques centaines de mètres carrés, construite sur l’écluse de Barcarin dans le delta du Rhône, pourra à elle seule générer près de 4 térawattheures (TWh) par an. « De quoi fournir une électricité propre et permanente à près de 2 millions d’habitants, soit l’équivalent de la métropole de Marseille et ses environs», annonce Nicolas Heuzé, co-fondateur et directeur général de la start-up. A titre de comparaison, un réacteur d’un parc nucléaire français a produit entre 5 et 6 TWh en 2023. Avec près de 40 millions d’euros apportés au projet depuis 2017 pour l’ensemble des recherches et expérimentations, il s’agit d’un investissement sans précédent dans l’histoire industrielle de l’énergie osmotique.

Pour le PDG de Sweetch Energy, un nouvel horizon s’ouvre sur le marché des énergies renouvelables : « Si l’on investit dans les quelque 10 000 plus grands deltas de la planète, représentant un stockage annuel de 30 000 TWh, l’énergie osmotique peut fournir près de 15 % de l’électricité de la planète d’ici 2050 ! « Et de manière totalement décarbonée, sans transformer un carburant. L’énergie osmotique résulte du simple mélange d’eau douce et d’eau salée au cœur des deltas et des estuaires. Il est permanent et ne nécessite aucune forme de stockage.

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Six ans d’expérimentation

« L’osmose est une diffusion de molécules entre deux milieux de salinité différente, rappelle Lydéric Bocquet, physicien au CNRS et spécialiste de la mécanique des fluides. Cette rencontre peut se traduire par une grande Source d’énergie. Ici, il provient du mélange des ions (atomes à charge positive ou négative) du sel contenu dans l’eau de mer, du sodium (Na+) et du chlorure (Cl-) avec l’eau légèrement salée du fleuve qui se jette dans la mer. On parle de mélanger l’entropie. « Le procédé paraît si simple qu’on se demande pourquoi il ne s’est pas imposé depuis son développement dans les années 1950.

« Il y a deux raisons à cela, explique Lydéric Bocquet. Le premier est la concurrence avec le gaz, le charbon, le pétrole, etc. il n’y avait pas encore d’urgence écologique ; De notre côté, en , nous avions tout misé sur le nucléaire. Le deuxième est le coût. « En fait, le premier modèle de centrale osmotique construite en 2009 par le norvégien Statkraft avait un coût de production par mégawattheure d’environ 1 000 euros – contre environ 60 à 70 euros pour l’énergie nucléaire. Elle a fermé ses portes après seulement quatre ans. Pour réduire la facture, il a fallu repenser la technologie.

C’est dans les laboratoires Sweetch Energy de Rennes, qui font également office de microusine, qu’a été imaginée une méthode permettant de générer de l’électricité directement à partir des interactions entre les molécules de sel et d’eau, sans passer par une turbine comme dans la solution norvégienne. Le point de départ était un article de Lydéric Bocquet publié dans le magazine Nature en 2013 : “Nous avons injecté de l’eau plus ou moins salée dans les nanotubes de nitrure de bore, souviens-toi. Nous avons constaté que, en fonction de la composition chimique du nanotube, le mélange d’eau et de sel produisait un « courant ionique » notable. L’intensité de ce courant résulte des interactions entre les ions du mélange d’eau salée et le nitrure de bore.

Ces découvertes ont permis d’envisager de nouvelles façons d’extraire l’énergie osmotique au sein des deltas, où les flux de cations (ions sodium chargés positivement Na+) et d’anions (ions chlorure chargés négativement Cl-) provenant du sel marin rencontrent des molécules d’eau douce. Un tout nouvel univers électrique qu’il fallait comprendre, explique Bruno Mottet, co-fondateur et directeur scientifique de Sweetch Energy : « Tout le défi était de savoir comment libérer suffisamment de charges positives d’un côté et de charges négatives de l’autre pour obtenir une différence de potentiel, comme pour une simple batterie. Et donc pouvoir produire de l’électricité.

Six années d’expérimentation ont été nécessaires pour produire un prototype capable de produire de l’électricité. Quant au module en cours d’industrialisation, il ne sera achevé qu’en 2023. Bruno Mottet explique pourquoi le défi était difficile à relever : « Pour avoir deux pôles de charge différents et régénérer la batterie, il fallait trouver un matériau qui laisserait d’abord passer les ions positifs d’un côté tout en bloquant les négatifs, puis il serait traversé par un fort courant d’ions positifs pour se transformer facilement. dans un autre qui, cette fois, laisserait passer les ions négatifs tout en bloquant les ions positifs. Ceci serait donc envisageable grâce à un fort courant d’ions négatifs, sachant que ces deux types d’ions n’ont pas la même taille.

Comment fonctionne un système osmotique ?

L’énergie osmotique résulte du mélange d’eau douce et d’eau salée au cœur des deltas et des estuaires. Dans l’usine industrielle du Rhône, chaque module est divisé en compartiments séparés par des membranes et remplis tour à tour d’eau douce et d’eau de mer. Avec cette disposition alternée, un courant ionique positif et un courant ionique négatif sont obtenus d’une membrane à l’autre. En fixant des électrodes aux extrémités de chaque module, les membranes se chargent d’électrons générés par les interactions électrochimiques dans tout le module. Le courant ionique devient un courant électrique. On obtient ainsi un gigantesque dispositif à batterie en série.

Crédit : Bruno Borghèse

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Un biopolymère utilisé dans l’industrie textile

Les ingénieurs ont ensuite revisité l’idée d’une fine membrane semi-perméable laissant passer certains ions, développée pour les premières usines de dessalement dans les années 1970. Il bloque les molécules de sel mais laisse passer les molécules d’eau. « Nous nous sommes donc inspirés de l’industrie agroalimentaire où l’on utilise des membranes avec des pores de différentes tailles pour laisser passer ou non certaines bactéries et protéines. », poursuit Bruno Mottet.

Fabriquées à partir d’un biopolymère d’origine végétale (à gauche), les membranes semi-perméables (au centre) ont nécessité pas moins de 7 000 expériences pour être développées dans les laboratoires Sweetch Energy de Rennes. Différents niveaux de salinité de l’eau sont testés pour déterminer celui optimal pour la production d’électricité (à droite). PHOTO : THIERRY PASQUET / SIGNATURES POUR SCIENCES ET AVENIR

Après 7000 expériences et après avoir testé six matériaux différents, dont de l’oxyde de titane et plusieurs oxydes métalliques, la solution a finalement été trouvée : un biopolymère issu de parois végétales. « L’idée nous est venue en étudiant son utilisation dans le traitement des eaux usées de l’industrie textile. Il absorbe sélectivement certains colorants et d’autres non. En plus d’avoir toutes les qualités requises, il était largement diffusé dans la nature, recyclable et très économique !

Plusieurs centaines de modules osmotiques seront installés dans la centrale du Delta du Rhône. À l’intérieur de chacun, des centaines de membranes empilées, soit des milliers de mètres carrés de membranes Inod (Ionic nano osmotic diffusion) brevetées. « Grâce au développement rapide de notre technologie et aux effets d’échelle, nous visons un coût de production par mégawattheure compris entre 50 et 100 euros pour une électricité propre et disponible en continu. », précise Nicolas Heuzé. De quoi concurrencer sérieusement le nucléaire ou l’éolien (autour de 70 euros/MWh). Avec quels impacts sur la nature ?

“Nous ne modifions pas la composition chimique du delta, Assicure Bruno Mottet. L’eau est entièrement restituée au milieu naturel. Le seul changement serait une baisse de la température de quelques dizaines de degrés grâce à la récupération de l’énergie osmotique. Avec le réchauffement climatique, c’est peut-être un avantage supplémentaire ? « Il n’existe actuellement pas d’autres projets de ce type dans le monde, hormis de futures collaborations avec la start-up française en Asie et en Amérique du Nord. « Nous sommes évidemment très attentifs à la Chine, mais elle n’en est qu’à la phase de recherche universitaire, nous avons plusieurs années d’avance. » “, stima Nicolas Heuzé.

L’énergie osmotique, une histoire déjà longue

C’est en 1954 que paraît le premier article scientifique sur l’énergie osmotique, rédigé par le Britannique Richard Pattle. Le phénomène d’osmose, par lequel les molécules d’eau sont attirées vers les molécules de sel de l’eau de mer, est décrit comme un potentiel capable de générer de l’électricité. Au même titre que le débit d’une rivière ou d’une cascade transformé en énergie hydraulique. En 1958, les chimistes américains Sydney Loeb et Srinivasa Sourirajan créèrent la première membrane semi-perméable à l’Université de Californie. Un système de séparation qui, dans le cadre d’un phénomène osmotique, se révèle très efficace dans la déminéralisation de l’eau de mer. En 1975, Sydney Loeb propose un premier modèle de « Centrale osmotique » dans un article très détaillé. Il met cependant en garde sur les coûts d’un tel système. Ce n’est qu’en 2009 que la première centrale électrique à turbine osmotique a été construite en Norvège, confirmant ainsi les prédictions de Loeb.

À propos de Kirill Nikitine

 
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