Pourquoi réaliser ce projet d’élevage à Foulayronnes ?
Qu’est-ce que la genèse ? Nous confectionnons des plats cuisinés avec une étiquette. Quand on fait du parmentier, c’est avec du bœuf d’Aubrac ; les lasagnes ne sont pas faites à partir de cheval (sourire) mais de race limousine, etc. On s’est rendu compte que ces filières étaient extrêmement importantes, mais qu’elles étaient en danger.
La France importe 50 % de ses poulets. Il faut garder cela à l’esprit : il y a des centaines de milliers de tonnes de poulets qui viennent de l’étranger. Nous sommes également en déficit en viande bovine et nous sommes à peine équilibrés en viande porcine. Mais la production porcine est en déclin continu depuis des années. Enfin, nous avons un déficit important en poisson. Cependant, nous en transformons beaucoup (1). Nous produisions donc notre propre poisson. C’est pourquoi nous avons investi dans des fermes piscicoles en Espagne, notamment en Galice, pour élever nos truites. Avec un objectif : produire du poisson durable. Proposer une alimentation saine, sans antioxydants de synthèse, sans colorants de synthèse, ni farine issue de l’industrie de la pêche. Le poisson est né dans les Pyrénées et est abattu dans les Pyrénées. Nous avons créé un label 100% Pyrénées.
Est-ce le modèle que vous souhaitez créer dans le Lot-et-Garonne ?
On note qu’en France, le porc rosé est élevé industriellement depuis une cinquantaine d’années. C’est un porc de qualité mais standard ; un animal qui est élevé en six mois et qui ne voit jamais le jour. Nous nous positionnons sur un projet autour du porc noir fermier, une filière haut de gamme.
Nous avons acheté cette ferme il y a un peu plus d’un an, au nord d’Agen. Notre idée initiale était de produire du porc rose traditionnel. Nous avons eu une première rencontre avec plusieurs élus, dont le maire de La Croix-Blanche. Nous avons immédiatement ressenti de l’animosité et de l’inquiétude car nous allions élever des porcs. Je ne pensais pas que c’était un gros mot…
Alors, vous avez décidé de revoir votre projet ?
Il faut savoir qu’à l’origine, nous souhaitions élever avec une densité de 25 animaux par hectare, quand la norme française est de 90. Face aux inquiétudes, nous nous sommes dit que nous allions revoir notre modèle pour un élevage encore plus vertueux, avec du porc noir gascon. . C’est le porc traditionnel que préparaient nos grands-parents. Dans le même temps, nous sommes passés de 25 porcs par hectare à 14,5. Nous ne pouvons pas acheter de porcs noirs sur le marché car c’est une filière émergente, et nous allons créer une petite pépinière de 200 m2 avec des truies. Pour ceux qui savent, on se rapproche des densités de pata negra en Andalousie. Enfin, nous élèverons des porcs fermiers à Foulayronnes, les abattrons à Villeneuve-sur-Lot et les transformerons à l’Agropole d’Agen.
Nous faisons ce dont tout le monde rêve : des animaux de qualité élevés en liberté dans le respect de la nature et de l’homme, et en filière courte. On pensait que tout le monde allait applaudir. J’ai le sentiment d’être confronté à l’obscurantisme, car nous n’avons pas été écoutés.
Vous dénoncez un mauvais procès ?
Pour vous donner une idée : avant la première réunion municipale de La Croix-Blanche, j’ai été convoqué par la gendarmerie. Raison : j’allais élever industriellement des porcs ! Heureux d’entendre ça! Ce n’est ni industriel ni intensif. Peut-être que nous n’étions pas bons en communication, mais le projet n’était pas prêt. Sauf que la rumeur nous a rattrapés.
Aujourd’hui, nous sommes confrontés aux fantasmes les plus fous… On nous a dit : « Vous allez installer un digesteur de méthane. » J’ai vendu mon entreprise [Fonroche Biogaz, NDLR] chez Total il y a deux ans. Même si je le voulais, je ne le pourrais pas, en vertu de la clause de non-concurrence que j’ai signée. Et c’est techniquement impossible car lorsqu’on fait de l’élevage en liberté, le cochon fait ses besoins dehors. La nature fait que vous ne les voyez jamais et que vous ne pouvez donc pas les collecter. Avec 1 kilo de crottes par porc et par jour, cela fait 14 kilos répartis sur un hectare… On ne parle de rien, là. On imagine une mare de boue avec la pollution du lac et du cours d’eau. Mais on apporte moins de nitrate qu’un champ de blé ! Il n’y a pas de boue liquide qui dégage l’odeur redoutée.
Autre croyance : les gens imaginent des semi-remorques. Nous allons lâcher 8 à 10 porcs par semaine, que nous amènerons avec un pick-up et une remorque…
Enfin, il n’y aura pas non plus de panneaux photovoltaïques car, là aussi, je suis tenu par une clause de non-concurrence (2).
Comprenez-vous les inquiétudes des riverains ?
Oui et non. Personne ne veut être à côté d’une zone industrielle ou d’une autoroute. Mais un projet comme celui-là, qui est exemplaire… Les gens des campagnes se plaignent-ils d’avoir un champ avec des vaches ? C’est la même chose ici. Imaginez que le maire de La Croix-Blanche me dise même que ça ne pouvait pas être rentable avec si peu d’animaux ! Il n’y croit pas ! Alors visiblement, on cache quelque chose…
Je veux vous rappeler une chose : cela fait trente-cinq ans que je suis à Agen, que je travaille main dans la main avec les élus locaux, que j’ai créé plus de 2 000 emplois. Je suis dans le long terme et durable. Je n’arrive pas ici en sous-marin… J’ai proposé à deux reprises aux élus qu’on les emmène visiter un élevage équivalent pour leur montrer qu’il n’y a pas de nuisance. J’ai été refusé. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation d’escalade. Nous avons atteint un niveau d’agressivité incompréhensible. Si nous ne nous reproduisons pas là-bas, où le ferons-nous ? Nous sommes ici à la campagne, pas en ville !
J’ai dit aux élus : « Vous vous plaignez que les enfants mangent du poulet polonais à la cantine. Mais c’est à cause de vous, parce que vous vous opposez à tout ! Parce que vous n’avez pas le courage de rappeler à vos concitoyens ce que c’est que de vivre à la campagne. C’est normal de voir des vaches et des cochons dans un champ et d’entendre le coq chanter ! » Je pense que les gens ne réalisent plus ce que signifie nourrir la population…
(1) Gozoki regroupe entre autres les marques Maison Briau et Maison Tinot, spécialisées dans les plats à base de poisson.
(2) Yann Maus a fondé Fonroche solaire en 2011 avant de la revendre. Aujourd’hui, c’est Reden Solar. Yann Maus reste président de Fonroche Éclairage, leader mondial de l’éclairage solaire.
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