(Paris) Traqué par satellite, le plus grand iceberg du monde – long de 80 kilomètres – dérive actuellement de l’Antarctique vers une île isolée où il pourrait, dans le pire des cas, s’échouer et bloquer les manchots et les otaries qui s’y reproduisent.
Publié à 13h03
Mis à jour à 15h25
Nick Perry
Agence -
Cet immense plateau de glace – 30 fois plus grand que Paris – qui s’éloigne depuis des années de l’Antarctique, se dirige désormais vers l’île britannique de Géorgie du Sud, site important pour la reproduction de la faune sauvage.
L’iceberg, contrairement aux icebergs géants précédents, ne semble pas se briser en morceaux plus petits lorsqu’il dérive, a déclaré vendredi à l’AFP Andrew Meijers, océanographe au British Antarctic Survey.
Selon l’expert, il est difficile de prédire avec précision sa trajectoire, mais les courants dominants suggèrent que ce colosse atteindra le bord du plateau continental autour de la Géorgie du Sud d’ici deux à quatre semaines.
Ce qui pourrait arriver ensuite reste flou.
L’iceberg pourrait éviter le plateau continental et être emporté dans les eaux profondes de l’Atlantique Sud, au-delà de la Géorgie du Sud, un territoire britannique d’outre-mer situé à environ 1.400 km à l’est des îles Falkland.
Mais il pourrait aussi heurter le fond incliné, rester coincé pendant des mois, voire se briser en plusieurs morceaux et créer des obstacles pour les lions de mer et les manchots.
“Ce serait assez dramatique, mais pas sans précédent”, estime l’expert. “Des icebergs se sont échoués ici dans le passé, provoquant une mortalité importante parmi les poussins de manchots et les jeunes otaries.”
Mais pour un expert chilien interrogé par l’AFP, Raul Cordero de l’université de Santiago, “les chances de collision ne sont pas très élevées”, de l’ordre de “moins de 50%”, l’île ayant tendance à dévier l’eau et les courants océaniques. ce qui, à son tour, pourrait faire dévier l’iceberg.
Des « morceaux » pourraient peut-être toucher l’île « mais l’iceberg dans son ensemble, ce serait étonnant », juge ce membre du programme de recherche chilien sur l’Antarctique.
Pas d’inquiétude même de la part de Soledad Tiranti, glaciologue spécialisée dans la sécurité nautique, actuellement à bord du brise-glace argentin ARA Almirante Irízar, en pleine campagne estivale antarctique.
“Ce sont des blocs de glace très profonds et généralement avant de s’approcher d’une île ou d’un continent, ils s’échouent du simple fait que près de l’île il y a moins de profondeur”, explique le glaciologue argentin à l’AFP.
« Immense falaise blanche »
S’étendant sur environ 3 500 kilomètres carrés, l’iceberg appelé A23a est le plus ancien du monde. Il s’est détaché de la banquise de l’Antarctique en 1986.
-Il est ensuite resté coincé au fond de la mer pendant plus de 30 ans avant de se libérer en 2020, entamant sa lente dérive vers le nord. Il est resté plusieurs mois en 2024 au même endroit, en rotation sur lui-même.
Andrew Meijers, qui a observé A23a de près fin 2023, le décrit comme « une immense falaise blanche, de 40 à 50 mètres de haut, s’étendant à perte de vue ».
“C’est comme un gigantesque mur blanc qui nous rappelle”Game of Thrones“, j’ai l’impression que c’est sans fin”, a-t-il ajouté.
Ce gigantesque bloc d’eau douce est entraîné par le courant océanique le plus puissant au monde, le courant circumpolaire antarctique, à une vitesse de 20 centimètres par seconde, selon le British Antarctic Survey.
L’iceberg suit « plus ou moins une ligne droite » vers la Géorgie du Sud, explique Andrew Meijers.
Un obstacle pour les animaux
La crainte du chercheur est liée au fait que durant l’été austral, le long des côtes sud de la Géorgie du Sud, des manchots et des otaries partent en expédition dans les eaux froides pour rapporter suffisamment de nourriture pour leurs petits.
“Si l’iceberg reste coincé là”, explique Andrew Meijers, “les animaux pourraient être obligés de le contourner. Cela les amènerait à dépenser beaucoup plus d’énergie, ce qui signifie moins de ressources pour les jeunes et donc une augmentation de la mortalité. »
D’autant que les otaries et les manchots de l’île connaissent déjà une « mauvaise saison » à cause de la grippe aviaire.
Lorsque l’A23a finira par fondre, cela pourrait générer des icebergs plus petits, mais toujours dangereux pour les pêcheurs.
Cependant, cela apportera également des nutriments à l’eau, favorisant ainsi le phytoplancton, une source de nourriture essentielle pour les baleines et autres espèces marines.
Bien que la formation des icebergs soit un phénomène naturel, Andrew Meijers estime que leur disparition accélérée en Antarctique est probablement due au changement climatique d’origine humaine.