Les Moldaves pris au piège dans la bataille du gaz russe

Les Moldaves pris au piège dans la bataille du gaz russe
Les Moldaves pris au piège dans la bataille du gaz russe

En Moldavie, les livraisons de gaz russe ont été interrompues le 1er janvier.

Depuis la fin des livraisons de gaz russe en Moldavie, Valera Alexandru Sava ne chauffe que le rez-de-chaussée de sa maison et il n’est pas rare qu’il garde son chapeau et son manteau à l’intérieur. Comme d’autres habitants, il ne veut pas d’une énergie européenne plus chère et ne peut qu’attendre que Moscou rouvre le robinet. Son village de Cocieri est sous le contrôle des autorités moldaves tout en étant enclavé en Transnistrie, territoire séparatiste où les troupes russes sont toujours stationnées plus de trois décennies après la chute de l’URSS.

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Si le reste de la Moldavie s’est affranchi du gaz russe depuis le début du conflit en Ukraine voisine, de ce côté du Dniestr nous continuons à nous approvisionner par le géant Gazprom. Du moins jusqu’à ce que le groupe arrête ses livraisons début janvier au nom d’un litige financier. La présidente pro-européenne Maia Sandu dénonce de son côté une nouvelle manœuvre visant à déstabiliser Moscou avant les élections législatives prévues à l’automne.

Depuis, l’ancien combattant de soixante ans a sorti le vieux poêle et l’allume avant que sa femme ne rentre du travail à la crèche locale. “Heureusement, il nous reste encore du bois”, dit-il à l’AFP, alors qu’environ 900 foyers n’en ont plus assez pour alimenter leurs appareils électroménagers.

L’héritage de l’ère soviétique

Comme Cocieri, une dizaine de communes moldaves sont directement reliées aux réseaux transnistriens et souffrent également de coupures de chauffage. Alors que cette république autoproclamée, qui tremble, a demandé lundi à la Moldavie de lui vendre du gaz, Valera Alexandru Sava craint une explosion des factures. Et brandit pour preuve ceux payés par sa fille, vivant dans la capitale Chisinau et recevant du gaz non russe : pour un petit appartement, elle paie sept fois plus que lui.

Pour Oleg Serebrian, vice-Premier ministre chargé de la réintégration de la Transnistrie, il est « regrettable » que ces anciens schémas de distribution énergétique hérités de l’ère soviétique perdurent encore. Le gouvernement s’est engagé à relier tous les villages concernés aux infrastructures moldaves, mais la tâche n’est pas simple. «C’est un investissement énorme. Techniquement, c’est un peu compliqué et coûteux», explique Ivan Mitcul, secrétaire de la mairie de Cocieri, en faisant référence à un pipeline qui traverserait le Dniestr.

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“La situation est critique, nous ne pouvons plus mener une vie normale”, s’inquiète-t-il.

Sur l’autre rive du Dniestr, la ville de Copanca vit de longues heures dans le noir en raison du manque d’électricité produite par la centrale thermique au gaz située en Transnistrie. Mais lorsque les tractopelles sont arrivées pour commencer les travaux de connexion avec le reste de la Moldavie, la population a protesté. “Nous ne voulons pas de votre aide!” » ont crié des dizaines d’habitants. À la mi-janvier, ils avaient réservé un accueil peu cordial à Maia Sandu, qui était en visite sur place. « Laissez-nous tranquilles », ont-ils crié, affirmant qu’ils refusaient des prix « européens » plus élevés.

« Une influence extérieure »

Confrontée à l’interruption des livraisons de gaz, Chisinau s’est tournée vers la Roumanie voisine qui lui fournit désormais de l’électricité, entraînant un quasi doublement du prix pour les ménages. Le ministre Serebrian pointe « l’influence extérieure », les manifestations « orchestrées pour semer la confusion, le chaos, nuire une fois de plus à l’image du gouvernement moldave ». Et au-delà, déstabiliser le contexte régional avant d’éventuelles « discussions sur la paix en Ukraine ». Des allégations rejetées par Moscou, offensée par les « attaques de propagande » à son encontre.

“Les deux camps sont coupables, aucun ne veut s’incliner”, réagit Sergiu Sava, 55 ans, agent de sécurité dans une banque de Cocieri.

« Mieux vaut être sans gaz ni électricité que d’être en guerre. Nous y arriverons », ajoute-t-il sur un ton philosophique.

En attendant, il faudra être patient. A Varnita, les passants se déplacent lampes de poche à la main et de nombreux magasins sont plongés dans le noir. Valentina Gora, 65 ans, vend des œufs et du pain aux clients à la lumière de son téléphone. « On a l’impression d’être à l’âge de pierre. Oui, nous voulons rejoindre l’Europe mais pas dans ces conditions », soupire-t-elle, lassée de voir son pays constamment tiraillé entre l’Occident et la Russie. « Peu m’importe de savoir quel camp résoudra la crise, mais nous devons trouver une solution », dit-elle.

 
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