Melania Trump regarde son mari, le président élu des États-Unis Donald Trump, prendre la parole lors d’un dîner aux chandelles au National Building Museum à Washington, DC, le 19 janvier 2025, un jour avant sa cérémonie d’investiture. (Photo de Jim WATSON / AFP)
Avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis, que peut-on attendre de l’évolution du billet vert ? Selon Jean-Paul Pollin, l’attractivité actuelle de la monnaie américaine pourrait être limitée dans le temps.
Depuis fin septembre 2024, la valeur du dollar a gagné 9% face à un panier de devises (l’indice DXY composé par la Fed). Il a également augmenté respectivement de 8 et 9% face à l’euro et à la livre sterling. Une telle évolution n’est pas exceptionnelle, mais de nombreux analystes estiment qu’elle pourrait se poursuivre dans les mois à venir et que cela pourrait avoir de nombreuses conséquences. Pour juger de ce point de vue, il faut d’abord identifier les facteurs à l’origine du rebond observé, avant de s’interroger sur leur devenir à court/moyen terme.
La monnaie d’un « nouvel âge d’or » ?
Evidemment, le rebond du dollar ces derniers mois reflète les prévisions, puis le résultat de l’élection présidentielle. Le marché a montré sa confiance dans le programme du candidat élu. Plus précisément, il s’est déclaré favorable à la protection de certains secteurs sensibles en taxant les importations (notamment en provenance de Chine) ; pour la consolidation des monopoles dans d’autres secteurs stratégiques ; pour la limitation des réglementations environnementales ou prudentielles dans d’autres encore… Tout cela a été interprété comme un ensemble de dispositions capables de renforcer l’économie américaine, réduisant ses dettes et ses déficits extérieurs, consolidant ainsi la position dominante de sa monnaie.
A cela s’ajoute le fait que les taux d’intérêt américains sont nettement supérieurs à ceux des autres pays avancés, à l’exception notable du Royaume-Uni : les taux à dix ans sont plus de 100 pb supérieurs à ceux des pays européens. Cela s’explique par le fait que l’inflation, alimentée par une économie robuste et des tensions sur les marchés du travail, n’est pas encore revenue vers l’objectif de la Fed : les dernières statistiques sur une inflation sous-jacente inférieure à la normale la situent à 3,2%. À court terme, cette situation améliore l’attractivité du dollar.
-Au-delà des promesses
Mais il n’est pas sûr que la foi dans ce scénario fantasmé soit très durable. Divers observateurs ont déjà avancé que la forte augmentation des taxes sur les importations aurait inévitablement un impact inflationniste, même si elle était compensée par une réduction des impôts sur les entreprises, la manière dont elle serait financée reste floue. Le retrait des travailleurs immigrés devrait avoir un effet similaire. Ainsi, s’il est vrai que la hausse des prix a joué un rôle majeur dans la défaite des démocrates, la victoire des républicains risque d’être source de grande déception. C’est peut-être pour cela que de récentes déclarations, émanant de l’équipe prête à prendre le pouvoir, ont suggéré que l’augmentation des taxes à l’importation se ferait progressivement, donc dans un premier temps loin des taux stratosphériques. qui ont été annoncés précédemment.
Dans ces conditions la Fed devrait maintenir ou durcir sa politique restrictive, affectant négativement les investissements et particulièrement dans l’immobilier qui peine à se remettre d’années de crise avec des taux hypothécaires toujours en hausse (autour de 7% pour les obligations à taux fixe à 30 ans). ). Le futur secrétaire d’Etat au Trésor vient de dissiper les craintes qui auraient pu être de remettre en cause l’indépendance de la banque centrale pour l’obliger à assouplir sa politique. Mais sa compatibilité avec d’autres aspects de la nouvelle politique économique reste discutable.
Enfin et surtout, la réalisation du protectionnisme trumpiste devrait avoir un effet négatif important sur l’économie de nombreux pays : la Chine mais aussi les « alliés » européens. Cela viendra en raison de la restructuration du commerce mondial et de ses règles, mais aussi parce que pour les pays importateurs de matières premières (énergie notamment), une hausse continue du dollar aurait un effet inflationniste et dépressif, dans la mesure où les prix de ces biens sont libellés dans cette monnaie. Il est bien clair que pour Donald Trump il s’agit d’un phénomène qui ne rentre pas dans ses préoccupations. Mais cela pourrait peut-être conduire les pays concernés à mettre de côté leurs dissensions et leur inaction pour répondre aux « singularités » de la nouvelle politique américaine. Cela changerait beaucoup de choses, notamment la trajectoire future du dollar, aujourd’hui très difficile à prévoir.