Même si ce n’est pas un grand jour, eux, depuis le terrain, ont l’impression que c’est faisable. Alors que vous, à l’extérieur, étudiez depuis longtemps l’adversaire, vous savez que, potentiellement, il peut vous donner un 3-1 ou un 4-1, que ça peut bien se passer.
Sur le terrain, ils ont le sentiment d’être tout près de revenir au score. Et pire encore, qu’ils puissent gagner le match alors que vous êtes un peu dans le sens inverse. C’est pour ça que je parle de force collective, c’est qu’ils n’ont pas les mêmes sentiments que vous sur le banc.
Dans ce genre de match à enjeu, quand on est mené 2-0, il n’y a pas beaucoup de groupes qui se relèvent. Ce qui était beau, c’est que ça venait d’eux. Steve fait un discours pour se motiver quand il marque 2-1 puis, à la mi-temps, je crois que c’est Brendan (Chardonnet) qui parle pour remettre une couche après le coach. Dans le dernier quart d’heure, c’est Kenny (Lala) qui ramène tout le monde. Toi, à côté, regarde, tu te dis : « C’est bon, on a gagné. Tout ce qu’on a pu envoyer comme messages dans le passé, aujourd’hui, ils se l’approprient et ce sont eux qui le transmettent. »
Ce n’est pas l’histoire d’un seul élément mais de tout un groupe, de tout un club, de toute une région.
À quoi pensez-vous au coup de sifflet final ?
À l’époque, il y a tellement d’euphorie qu’on ne se rend pas immédiatement compte qu’on est européen. Après, j’ai tout de suite pensé à Jean-François Quéré (co-fondateur du Stade Brestois). Pour moi, il représente toute l’histoire du club. Quand vous arrivez au club, ce sont ces gens-là qui vous font prendre conscience que le passé ici est lourd, il est riche.
Quand on est qualifié, on voit dans son regard qu’il y a beaucoup de fierté. Vous êtes si heureux de faire plaisir à ces gens. Avant même les supporters, c’était celui dont j’étais le plus fier de me qualifier en Coupe d’Europe.
-A ce moment-là, avez-vous réalisé plus que jamais la puissance de ce groupe ?
Oui, leur force mentale et leur force collective. Grâce aux résultats, à cause de ce qu’ils avaient vécu, ils n’avaient pas peur. Et je pense même que s’ils en avaient pris un troisième, ils n’auraient pas changé d’attitude. Ils auraient gardé à l’esprit que c’était faisable et ils l’auraient fait. Beaucoup d’équipes auraient dit à 2-2 : « C’est bon, on reste en place, on ne bouge plus. » Mais non, à 2-2, ils ont encore l’ambition d’y aller, de « tuer le jeu » et d’être européens ce soir-là. Quand tu vois Kenny pousser Lilian à foncer sur la dernière action, tu te dis : « Ah ouais, c’est fort. » Mais tu es tellement fier de ce qu’ils dégagent, à côté…
Le Roazhon Park restera le stade où vous avez gagné l’Europe…
Exactement. Vu tous les mauvais moments qu’on a vécu là-bas, du moins moi personnellement… A l’époque de la M’Vila, tu y allais, tu prenais une fessée (rires). Le fait qu’il soit ancré comme stade de la Coupe d’Europe, en interne, je suis content.
Est-ce le plus grand moment de votre carrière ?
Oui, de loin. Le retour, en 2010, a été encore très fort émotionnellement. Mais ici, ce qui est beau, c’est que ce n’est pas l’histoire d’un seul élément mais de tout un groupe, de tout un club, de toute une région. Quand on sort pour s’échauffer, le stand des visiteurs est déjà plein à craquer. C’est plein de signaux comme ça qui rendent l’histoire vraiment belle. Encore une fois, émotionnellement, vous êtes là-haut…
Est-il encore plus fort qu’à Toulouse, lorsque le club a validé sa place en Ligue des Champions ?
Peut-être que je ne devrais pas le dire, mais à Toulouse, je sentais qu’il y aurait un bon résultat parce que pour moi, on avait déjà gagné. Nous étions déjà en Coupe d’Europe, et la Ligue des Champions était la cerise sur le gâteau. Personnellement, j’aurais été content d’une Coupe d’Europe.
Nous sommes le Stade Brestois, il faut replacer cela dans son contexte. Il y a des clubs qui y sont préparés, pour qui c’est une formalité. Nous, à aucun moment de la saison, dans votre passé, ne vous êtes-vous dit que le Stade Brestois serait européen. Après, quand la fin du match est sifflée à Lille, j’avoue ça, wow !