« Personne ne peut arrêter un incendie avec des vents de 160 km/h »

UNau moins 27 personnes sont mortes dans les flammes qui ont ravagé les quartiers d’Altadena et de Pacific Palisades, à l’ouest et au nord de la mégapole de Los Angeles, aux Etats-Unis. Les différents incendies californiens, déclenchés le 7 janvier, ont détruit 16 000 hectares (160 kilomètres carrés). Une superficie quasiment équivalente à l’incendie de Landiras (2 400 hectares) en 2022. Cet été-là, 29 000 hectares de forêt brûlaient dans le Sud Gironde, dans le bassin d’Arcachon et dans le Médoc. Le chef des pompiers de Gironde, Marc Vermeulen, compare ces deux catastrophes climatiques.

Le contrôleur général Marc Vermeulen commande le service départemental d’incendie et de secours de la Gironde. Il est à la tête de 5 800 pompiers.

Archives Stéphane Lartigue / SO

« Lorsqu’il y a plusieurs incendies, le potentiel de lutte est divisé »

Suivez-vous de près les opérations à Los Angeles ?

Oui, comme tous les mégaincendies de ces dernières années (Canada, Brésil, Portugal…). Même à distance, il y a des leçons à tirer. Nos pompiers californiens luttent farouchement contre les flammes. Ils sont confrontés à une situation extrême. Cela n’est pas sans rappeler ce que nous avons vécu il y a deux ans en Gironde.

Le périmètre des incendies en Californie est quasiment identique à ceux de la Gironde. Y a-t-il d’autres similitudes ?

Le cocktail est le même : sécheresse croissante les mois précédents, températures élevées, humidité exceptionnellement basse, ressources en eau limitées dans le sol, masse énorme de combustible disponible avec une végétation dense. L’autre point commun est la simultanéité des incendies. Lorsqu’il y a plusieurs incendies, le potentiel de combat est divisé. C’est ce qui s’est passé en juillet 2022 avec les incendies de La Teste et de Landiras. En Californie, les pompiers ont dû gérer 153 incendies ces deux dernières semaines. Nous avons traité 614 incendies il y a deux ans et demi. Dernier point commun : le comportement de ces incendies extraordinaires qui se propagent à une vitesse exceptionnelle. Les incendies convectifs génèrent leur propre vent et mettent en échec les moyens de combat traditionnels.

« En Californie, les pompiers ont dû gérer 153 incendies ces deux dernières semaines. En Gironde, nous avons traité 614 foyers d’incendie il y a deux ans et demi »

Y a-t-il de grandes différences ?

Les chiffres ne sont pas les mêmes. Il n’y a pas eu de victimes en Gironde, il y a eu au moins 27 morts en Californie. 12 000 bâtiments ont été détruits en dix jours à Los Angeles. Notre bilan était de 17 logements. 180 000 personnes y ont été évacuées, soit quatre fois plus que nous à l’époque.

Un largage d’eau en hélicoptère sur le quartier de Pacific Palisades le 7 janvier.

DAVID SWANSON / AFP

A Landiras, lors du mégaincendie de 2022, un avion de type Dasl a largué un retardateur.

Archives Laurent Theillet/SO

Les facteurs aggravants sont-ils les mêmes ?

Il faisait beaucoup plus chaud à la maison. Mais ils doivent composer avec des vents de plus de 100 km/h. Personne ne peut arrêter un incendie avec des rafales de 160 km/h. Ce vent génère des oscillations et propage le front de flamme de manière anarchique. Le feu de forêt se transforme en incendie de quartier. Les matériaux de construction, à base de bois et de plastique, sont des facteurs aggravants. En 2022 en Gironde, nous sommes intervenus dans des forêts exploitées relativement bien entretenues. Ce n’est pas le cas en Californie. Là, on a l’impression que la forêt est à l’intérieur de la ville.

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Les pompiers français sont-ils plus compétents ?

Il faut rester humble. Nous avons eu des conditions différentes, sans les rafales. Nous n’étions pas dans des zones ultra-urbanisées comme aux États-Unis. Leur végétation est très propice aux balançoires. Des vents violents transportent les braises sur les bâtiments. Les règles administratives sont différentes en Californie, les obligations de clearing ne sont pas les mêmes.

Marc Vermeulen et Sébastien Lecornu, ministre des Armées, en déplacement à Guillos, près de Landiras, en août 2022.

Marc Vermeulen et Sébastien Lecornu, ministre des Armées, en déplacement à Guillos, près de Landiras, en août 2022.

Archives Claude Petit / SO

En 2022, les forestiers landais critiquent la stratégie des pompiers. Ils préconisaient de se concentrer davantage sur la forêt et moins sur la défense des habitations. Avec le recul, êtes-vous convaincu d’avoir utilisé la bonne méthode ?

La communication de l’époque a eu un effet amplificateur sur la protection des vies humaines et des biens. On a moins parlé des actions menées en forêt, notamment sur le traitement rapide des départs de feu, dont certains étaient criminels. Nous avons tout fait pour éviter un nouveau chantier majeur. Il est faux de dire que nous avons abandonné la forêt au profit des maisons. La défense des maisons divisait nos forces mais c’était la seule chose à faire. Le feu était si puissant que nous n’avons pas pu l’arrêter. Nous ne le laissons jamais brûler complètement. Nous avons utilisé des tirs et des coupures tactiques (1). Nous avons concentré nos efforts là où nous pouvions être efficaces.

Le 11 janvier, un hélicoptère transportant de l'eau a attaqué l'incendie de Palisades à Mandeville Canyon, un quartier de Los Angeles.

Le 11 janvier, un hélicoptère transportant de l’eau a attaqué l’incendie de Palisades à Mandeville Canyon, un quartier de Los Angeles.

PATRICK T. FALLON / AFP

Avez-vous la même boîte à outils que les pompiers californiens ?

Ils possèdent des compétences très développées en matière de tirs tactiques. Mais il existe peu d’opportunités pour mettre en œuvre cette technique sur ces mégafeux. Nous avons été confrontés au même problème en 2022 certaines nuits car l’humidité était trop faible et les températures trop élevées. Les Californiens ont des hélicoptères, des avions. Mais pas de moyens aériens amphibies capables de renflouer comme les Canadairs. Heureusement, des avions canadiens sont venus en renfort. En , il existe une unité de commandement, elle est plus hétérogène aux États-Unis.

Les Américains ont reçu l’aide des Mexicains et des Canadiens, tout comme vous avez reçu l’aide de nos voisins européens en 2022. A-t-on demandé aux Français de prêter main-forte aux Californiens ?

Nous sommes allés au Canada en 2023, puis en Bolivie. Mais les États-Unis n’ont pas envoyé de demande officielle. Nous n’hésitons pas à détacher des forces lorsque cela est nécessaire. Plusieurs pompiers girondins sont actuellement à Mayotte.

Le risque a-t-il disparu dans le massif des Landes ?

Ces incendies à Los Angeles ont éclaté après une période très calme. Les conséquences du réchauffement climatique sont là. Ce n’est pas parce que nous avons été épargnés depuis un ou deux ans que le risque n’existe plus. Les précipitations des derniers mois ont favorisé le développement d’une végétation basse dans nos forêts. En cas de sécheresse, nous pourrions retrouver les mêmes conditions qu’en 2022. La météo des prochains mois décidera du niveau de risque.

(1) Feu tactique ou contre-feu : brûler volontairement des zones avant l’arrivée du feu pour qu’il n’ait plus rien à consumer et éventuellement provoquer un phénomène d’asphyxie à l’arrivée du mur de flammes.

 
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