Depuis des mois, l’État d’Israël aurait dû accorder la priorité absolue à la libération du plus grand nombre d’otages détenus par le Hamas et ses associés dans la bande de Gaza. Il était jusqu’à présent inscrit dans l’ADN et les valeurs de l’État d’Israël de tout faire pour libérer les citoyens israéliens détenus par ses ennemis.
Depuis quinze mois, le gouvernement Netanyahu s’est donné comme priorité non pas de venger le crime contre l’humanité du 7 octobre mais de détruire le pouvoir du Hamas, organisation théocratique et terroriste qui sévit en Palestine depuis maintenant près de vingt ans. Sur ce point, Israël a marqué des points, tout comme le Hezbollah au Sud-Liban. Mais il faut reconnaître que la sale bête est loin d’être détruite.
La signature d’un accord aussi fragile qu’ambitieux pour une trêve puis une tentative de sortie de crise entre le Hamas et Israël pourrait être considérée comme un aveu de faiblesse de la part de ceux qui veulent en finir une fois pour toutes avec le Hamas. Il est en effet probable que le timing étonnant de cet accord de cessez-le-feu, notamment dans ses phases 2 et 3, relancera le Hamas sur la scène palestinienne et internationale.
De même, le chantage sur les noms et les délais de libération des 33 premiers otages est aussi, à certains égards, une victoire tragique et sanglante pour le Hamas. Libérer les femmes et les enfants au coup par coup, créer une séquence de libérations au jour le jour pendant 42 jours interminables, avec son lot de souffrances et de larmes qui se succèdent presque quotidiennement, c’est en quelque sorte céder à la cruauté de la politique telle que l’entendent les partenaires du Hamas. Les termes de cet accord créent un ascenseur émotionnel qui affaiblira la société israélienne.
Mais malgré ces inquiétudes, force est de constater que si les 96 otages israéliens ne sont pas libérés maintenant ou dans les jours et semaines à venir, il est à craindre qu’ils ne le soient jamais.
La libération des otages et une urgence humanitaire et civilisationnelle.
Combien d’entre eux sont déjà morts ? Personne ne le sait ! Même le ministre français des Affaires étrangères (et même si la France s’est largement ralliée aux partisans d’une approche strictement humanitaire d’un conflit pourtant profondément politique) ne sait pas si les deux otages franco-israéliens, Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi, sont toujours en vie.
Avec cet accord, on pense au syndrome de Gilad Shalit : ce soldat franco-israélien a été libéré en 2011, après 5 longues années de détention, contre 1027 prisonniers palestiniens. Parmi eux, Yahya Sinwar a pu reprendre son combat politique au point d’être l’instigateur de la journée sordide du 7 octobre 2023 et de prendre la tête du Hamas, avant d’être éliminé par Israël. Mais le soldat Gilad Shalit est bel et bien vivant et c’est une fierté pour Israël d’avoir sauvé l’un des siens.
L’attitude de Donald Trump en signant cet accord donne aussi le ton : si le prochain président des États-Unis n’était que la caricature qu’il fait de lui-même, il n’aurait jamais accepté qu’un tel accord soit signé sous l’administration Biden et offre à cette dernière une telle victoire diplomatique.
En participant main dans la main aux négociations de ces dernières semaines, Donald Trump s’est révélé bien plus nuancé que ce qu’espéraient ses alliés naturels les plus radicaux : il y a fort à parier qu’avec Trump, Benjamin Netanyahu aura du fil à retordre.
Parce que le 47ème Le président des États-Unis, comme il l’avait déjà prouvé lors de son premier mandat de président de la République américaine, n’aime pas la guerre, n’aime pas les conflits armés et sera prêt à toute pression sur ses alliés naturels comme Israël pour pouvoir obtenir une paix armée, quitte à contraindre chacun à des concessions douloureuses.
Mais en attendant ces péripéties politiques, espérons enfin la libération prochaine du plus grand nombre d’otages possible.
Michel Taube