Meurtre d’un ancien député cambodgien à Bangkok : le suspect thaïlandais avoue. Les mobiles restent encore flous dans cet assassinat qui choque l’opposition en exil. Le pouvoir de Hun Sen a été souligné. L’enquête continue de faire la lumière sur ce crime…
Le meurtre brutal d’un ancien député de l’opposition cambodgienne au cœur de Bangkok a suscité l’enthousiasme et ravivé les tensions politiques entre la Thaïlande et le Cambodge. Lim Kimya, qui avait trouvé refuge en Thaïlande après la dissolution de son parti au Cambodge, a été abattu de sang-froid mardi dernier alors qu’il arrivait dans la capitale thaïlandaise avec son épouse française.
Le suspect, un ancien militaire, avoue
Drame dramatique samedi lorsque le principal suspect, un ressortissant thaïlandais, a reconnu son crime devant les enquêteurs et la presse. Ekkalak Paenoi, un ancien militaire selon des sources policières cambodgiennes, a déclaré sans détour : «J’avoue que j’ai mal agi. Si j’ai osé le faire, j’ose l’admettre”.
Arrêté mercredi au Cambodge, il a été rapidement extradé vers la Thaïlande pour y être entendu. Les autorités thaïlandaises cherchent désormais à faire la lumière sur les mobiles de cet assassinat. « Nous ne pouvons pas encore déterminer les motivations, merci de nous laisser du temps »a déclaré un haut responsable de la police de Bangkok.
L’opposition cambodgienne accuse l’ancien Premier ministre Hun Sen
Du côté de l’opposition cambodgienne en exil, le choc et la colère dominent. Le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), dissous en 2017, a fermement condamné cette décision. « acte brutal qui menace gravement la liberté politique ». Plusieurs de ses membres n’ont pas hésité à pointer du doigt Hun Sen, l’homme fort qui a dirigé le Cambodge d’une main de fer pendant près de 40 ans avant de transmettre le pouvoir à son fils en 2023.
C’est un assassinat politique. Lim Kimya était mon collègue, il a été tué par les sbires de Hun Sen.
Sam Rainsy, opposant cambodgien exilé en France
Le gouvernement cambodgien a fermement rejeté ces accusations, niant toute implication dans ce crime. Mais le timing est un défi : quelques jours avant le meurtre, Hun Sen avait réclamé une législation plus sévère contre ceux qui tenteraient de renverser le nouveau gouvernement dirigé par son fils Hun Manet.. Rhétorique jugée menaçante par les opposants.
La Thaïlande, terre d’exil de plus en plus risquée pour les opposants cambodgiens
Ce n’est pas la première fois que la Thaïlande, l’un des principaux pays d’accueil des exilés politiques cambodgiens, est le théâtre de tels actes. Plusieurs militants ont déjà été arrêtés sur son sol avant d’être expulsés vers le Cambodge ces dernières années. La France, dont la victime était également un ressortissant, a fermement condamné cet assassinat.
Face aux menaces croissantes, de plus en plus d’opposants envisagent désormais de quitter la Thaïlande pour trouver refuge ailleurs. Mais dans un contexte régional tendu, entre rivalités géopolitiques et renforcement de la sécurité, leurs options sont de plus en plus limitées. L’heure est à la vigilance pour tous ceux qui ont fui la répression du régime de Phnom Penh.
Une enquête sous haute surveillance
Si les aveux du tireur présumé constituent une avancée importante, de nombreuses zones d’ombre demeurent. Au-delà de l’auteur, c’est le ou les instigateurs de ce meurtre qui restent à identifier. Les enquêteurs s’intéressent particulièrement à un complice cambodgien qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt.
Dans un contexte aussi sensible, l’enquête s’annonce complexe et sous haute surveillance. La Thaïlande, partenaire économique clé du Cambodge, marche sur des œufs. Tout en coopérant avec Phnom Penh, Bangkok souhaite éviter une nouvelle crise diplomatique. Et le spectre d’une implication, même indirecte, de hauts responsables cambodgiens risque de compliquer encore davantage la tâche des détectives thaïlandais.
Plus qu’un simple fait divers, l’assassinat de Lim Kimya est le symptôme d’une profonde crise politique au Cambodge, dont les répercussions s’exportent bien au-delà des frontières. Elle illustre aussi la précarité croissante des opposants en exil dans une Asie du Sud-Est en proie aux tensions. Un dossier brûlant à suivre de très près dans les semaines à venir.
