ce que cache l’offensive ukrainienne en Russie

Ce week-end, l’intensité des combats dans la région russe de Koursk s’est accentuée, avec une nette avancée ukrainienne. Comment interpréter cette avancée surprenante ?

Simon Cleven / t-en ligne

L’armée ukrainienne aurait de nouveau réussi à devancer les troupes ennemies à Koursk. Ce week-end, elle a lancé une offensive dans cette région de l’ouest de la Russie. De violents combats auraient eu lieu jusque tard dans la soirée de dimanche. Dans son rapport du soir, l’état-major de Kiev a fait état d’un total de 42 affrontements armés.

Mais l’armée russe tente aussi probablement d’avancer dans la région. C’est du moins ce qu’a annoncé sur la plateforme X un soldat ukrainien qui serait stationné à Koursk. Sous le pseudonyme d’« expert en guerre », il évoque la « plus grande offensive russe » depuis l’invasion ukrainienne de la région début août. Une quarantaine de véhicules blindés seraient impliqués. Toutefois, cette information reste impossible à vérifier de manière indépendante.

Une confrontation se prépare clairement ces jours-ci à Koursk. Parce que la temporalité de ces avancées réciproques ne doit rien au hasard: dans deux semaines, le 20 janvier, le prochain président américain, Donald Trump, prêtera serment. À des milliers de kilomètres de Washington, la Russie mais aussi l’Ukraine tentent apparemment de préparer cette passation du pouvoir. Les deux belligérants veulent des résultats tangibles sur le champ de bataille.

???? Suivez la guerre contre l’Ukraine en direct ????

“Les Russes de la région de Koursk sont très inquiets”

Dans l’opinion publique, le mot « paix » circule lorsqu’on évoque le conflit qui fait rage depuis près de trois ans. Ceci est surtout lié à l’incroyable promesse du futur leader des Etats-Unis de vouloir régler la situation dans les 24 heures suivant sa prise de fonction. Même si aucun plan détaillé n’a encore été présenté, Moscou et Kiev cherchent néanmoins à renforcer leurs positions respectives en vue d’éventuelles négociations.

Fort de ces récents succès, l’état-major ukrainien triomphait déjà en silence : « Les Russes de la région de Koursk sont très inquiets, car ils ont été attaqués de plusieurs directions et pris par surprise », indique un point de situation. Les médias russes se sont toutefois contentés de faire état d’attaques de drones repoussées près de Koursk dans la soirée. Les deux camps n’ont donné aucune information sur les pertes, les succès ou les changements de position sur le front.

Selon des blogueurs militaires russes, les unités ukrainiennes ont cependant avancé à l’est et au nord-est de la ville de Sudja, sur une route principale menant à la capitale régionale, Koursk. Les Ukrainiens avaient déjà capturé Soudja lors de l’offensive d’août. Pourtant, les coulisses de cette nouvelle offensive ukrainienne font débat au sein de la communauté des observateurs : certains soupçonnent une manœuvre de diversion pour préparer des avancées peut-être décisives. Depuis plusieurs jours, des rumeurs d’offensive ukrainienne circulent parmi les journalistes militaires russes.

Probablement déjà 34 000 morts

Il reste cependant possible que les Ukrainiens aient simplement voulu devancer leurs adversaires. On entend régulièrement dire que Vladimir Poutine a donné l’ordre de reconquérir Koursk avant le 20 janvier. Mais jusqu’à présent, les efforts russes pour y parvenir ont été lents, malgré le soutien de la Corée du Nord. Selon Volodymyr Zelensky, un bataillon de Nord-Coréens, soit environ 500 soldats, est déjà tombé. Le chef de l’armée ukrainienne, Olexander Syrsky, parle d’environ 34 000 Russes morts à Koursk depuis août.

Selon le groupe de réflexion américain Institute for the Study of War (ISW), l’offensive russe pour reconquérir la zone s’est poursuivie ce week-end. Les unités auraient progressé notamment vers le sud-est de Soudja. Mais dans son dernier rapport, l’ISW indique que des drones ukrainiens continuent de frapper des formations mécanisées de l’armée russe.

La guerre électronique que mène actuellement Kiev, combinée aux opérations terrestres en cours, pose des problèmes considérables aux Russes à Koursk. Les Ukrainiens brouillent les signaux des drones ennemis pour les empêcher d’attaquer leurs propres unités qui avancent. Selon des blogueurs militaires russes, seuls les drones russes équipés de câbles à fibres optiques pouvaient voler dans la zone.

« Un compromis pourrait coûter des terres ukrainiennes »

L’analyste Emil Kastehelmi reste sceptique quant aux progrès ukrainiens. “Il est peu probable que ces mesures conduisent à des résultats significatifs”, écrit le Finlandais sur X.

Selon lui, les Ukrainiens luttent contre quelque chose de plus fort qu’eux. Les succès tactiques ou la conquête de certains villages restent certes possibles grâce à un effet de surprise, “Mais dans l’ensemble, il est peu probable que la situation générale change.”

Même si les Ukrainiens avançaient de dix kilomètres, écrit Kastehelmi, les combats resteraient à peu près au même endroit où ils se déroulent depuis des mois déjà.

Le spécialiste voit à la fois des avantages et des inconvénients dans la stratégie ukrainienne à Koursk.

La situation près de Pokrovsk, à Donetsk, est particulièrement périlleuse. Selon les informations du ministère russe de la Défense, les soldats du Kremlin ont conquis Kourakhove lundi. Information démentie par Kyiv. Les combats autour de cette ville ont duré environ deux mois. L’armée ukrainienne a ainsi tenu la ville plus longtemps que ne le pensaient les experts.

Selon Kastehelmi, ils ont cependant réussi à s’implanter à Koursk ces dernières semaines. La poursuite des combats sur le territoire russe deviendrait ainsi de plus en plus problématique pour la politique de Poutine. La Russie aurait également déployé des troupes bien entraînées et bien équipées dans la région, mais elle n’aurait pas obtenu grand-chose lors de la reconquête.

“Votre position à Koursk est importante”

Le secrétaire d’État américain sortant Antony Blinken voit également la dimension politique de l’offensive de Koursk – sans doute encore dans la perspective de l’arrivée de Trump à la Maison Blanche. Il considère la situation des forces armées ukrainiennes dans la région comme étant d’une importance cruciale pour les négociations à venir.

L’administration encore dirigée pendant quelques semaines par Joe Biden veut s’assurer que Kiev aura « les meilleures cartes possibles » en cas de pourparlersa ajouté le haut responsable.

Il a souligné que, quoi qu’il en soit, l’Ukraine a besoin de « garanties de sécurité adéquates » contre le président russe Vladimir Poutine. Les « ambitions impériales » de ces derniers demeureront, a assuré le secrétaire d’État. Poutine tentera inévitablement de « se reposer, de se réarmer et éventuellement d’attaquer à nouveau ». Il faut donc « une dissuasion adéquate pour qu’il ne le fasse pas », a exigé Anthony Blinken.

Zelensky est d’accord : Trump doit convaincre Poutine de conclure un cessez-le-feu, a déclaré le président ukrainien dans un podcast animé par l’Américain Lex Fridman. Mais – encore une fois – non sans de solides garanties de sécurité.

(Adaptation française : Valentine Zenker)