Un acteur qui a agressé sexuellement deux femmes dans leur sommeil a déballé lundi un dernier « cadeau de Noël » : une peine « extrêmement clémente » pour avoir agressé sexuellement deux femmes dans leur sommeil. Insatisfait, le juge a failli rejeter cette suggestion commune.
« [Émile Beaudry] est un être très dangereux. Il est égoïste, cruel et brutal. […] Il a utilisé la violence sexuelle pour se venger de ses partenaires intimes dans le but de les déshumaniser et de les mépriser», a déclaré lundi le juge Manlio Del Negro dans une salle comble du palais de justice de Montréal.
Émile Beaudry, acteur et programmeur informatique de 43 ans, s’est fait connaître sur le petit écran dans des petits rôles le temps de quelques épisodes de séries. Arrondissement 31 et RAM. Il a également joué dans quelques courts métrages. Il a été reconnu coupable l’été dernier de quatre chefs d’accusation d’agression sexuelle à la suite de son procès.
Lundi, le procureur de la Couronne Me Mathieu Castonguay et l’avocat de la défense Me Anne-Geneviève Robert a présenté une suggestion commune de trois ans et demi de détention.
En théorie, c’est le juge qui a le dernier mot pour prononcer la peine. En pratique, depuis l’arrêt Cook de la Cour suprême en 2016, le juge n’a quasiment plus de marge pour rejeter une recommandation commune. Elle doit déconsidérer l’administration de la justice ou être contraire à l’intérêt public.
Au cours des dernières années, le juge Del Negro est l’un des rares juges au Québec à avoir rejeté une proposition commune de détermination de la peine. Mais lundi, c’est avec « beaucoup de réticence » qu’il a entériné cette phrase « extrêmement clémente ». S’il avait eu plus de liberté, il aurait imposé une peine « beaucoup plus sévère », a-t-il insisté.
En quatre décennies de carrière de juriste, le juge Del Negro affirme avoir rarement vu une affaire aussi « répréhensible » que celle-ci. À ses yeux, Émile Beaudry violait ces femmes non pas parce qu’il voulait avoir une relation sexuelle, mais simplement pour les « déshumaniser », comme le font les soldats pour « nuire à leurs ennemis ».
La défense a soutenu qu’Émile Beaudry a suivi une centaine de séances de thérapie et présente un faible risque de récidive. Des arguments balayés par le juge Del Negro.
«Vous ne m’avez pas trompé, monsieur Beaudry», dit le juge en regardant le délinquant. Le juge l’a alors qualifié d’homme « cruel » et « manipulateur ». « Vous vous croyez plus fine et plus belle que les autres », a poursuivi le magistrat.
«Je tiens à présenter mes excuses aux deux victimes et à leurs proches pour leurs souffrances», a déclaré pitoyablement Émile Beaudry.
« Il ne faut pas avoir honte »
Les deux victimes, dont l’identité est protégée, ont déclaré à la Cour qu’elles subissent encore de graves conséquences des agressions sexuelles perpétrées par Émile Beaudry.
« J’ai littéralement perdu le contrôle de ma vie », a illustré la première victime. Choc post-traumatique, alcoolisme, isolement : elle a été marquée par ces agressions.
Au début de leur fréquentation, Émile Beaudry l’a agressée sexuellement pendant qu’elle dormait. Pourtant, elle venait de refuser un rapport sexuel. “Rendors-toi, tu es si belle, ça ne prendra pas longtemps”, lui dit-il quand elle se réveilla effrayée. À la deuxième occasion, Beaudry l’a attaquée avec « colère et violence ».
Quelques années plus tard, Beaudry récidive avec une autre femme. Elle s’est réveillée un soir alors que l’agresseur la pénétrait et lui saisissait la gorge. La deuxième attaque a été particulièrement brutale. “Il utilisait les parties intimes de sa compagne comme s’il se trouvait dans un buffet”, a résumé le juge.
La deuxième victime regrette d’avoir fait confiance « aveuglément » à Émile Beaudry. Depuis, elle vit dans la honte. En larmes, elle a confié que le jugement rendu par le juge l’été dernier était pourtant un « baume » dans sa vie et lui a redonné confiance dans le système judiciaire.
« Vous ne devriez pas avoir honte. Ce n’est pas ta faute. Vous êtes une victime», a insisté le juge Del Negro, avec empathie.