Les bouleversements géopolitiques épargnent rarement les mers. Mais aujourd’hui, l’insécurité maritime des navires marchands s’étend bien au-delà de celle provoquée par les pirates dans le golfe de Guinée. Drones, missiles de croisière et missiles balistiques traversent les eaux internationales, sur les routes les plus fréquentées. La mer Rouge et la mer Noire sont ainsi des passages vitaux pour le pétrole, le charbon et les céréales… et des goulots d’étranglement menacés.
Les « nœuds » du trafic maritime menacés
Les Houthis du Yémen, parfois aidés par Moscou, encerclent la mer Rouge, embouchure du (très) fréquenté canal de Suez, qui voit normalement transiter par ses eaux bleues plus de 10 % du commerce maritime mondial. L’implication des rebelles dans la guerre entre Israël et le Hamas et leurs attaques contre des navires israéliens ou alliés de Tel-Aviv dans la mer Rouge et l’océan Indien ont provoqué une baisse du trafic commercial international dans cette zone.
La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) estimait en janvier 2024 que le volume des échanges commerciaux transitant par le canal de Suez avait diminué de 42 % depuis le mois de novembre précédent. Elle devrait enregistrer une croissance modeste de 2 % en 2024. Il y a eu plus de 100 incidents depuis le début des attaques des rebelles houthis en mer Rouge en 2023, rappelle Bloomberg. Au moins quatre membres d’équipage ont été tués et des navires ont été perforés et incendiés par des missiles. Et ce, sans compter les risques qui pèsent sur les câbles sous-marins de l’Internet mondial.
En mer Noire, terrain hostile à la guerre menée par la Russie en Ukraine, les dangers sont légions. Missiles, drones marins… sans oublier les mines flottantes, qui dérivent parfois jusqu’à l’embouchure du détroit du Bosphore, en Turquie. L’Ukraine accuse la Russie de cibler délibérément le transport maritime en mer Noire et les infrastructures permettant les exportations. Le 11 septembre, le vraquier Aya, transportant des céréales à destination de l’Égypte, a été touché par des missiles alors qu’il quittait le port de Chornomorsk. Au total, plus d’une vingtaine de navires marchands ont été endommagés, selon Mer et Marine.
Assureurs extrêmes
Face à cette menace croissante qui pèse sur le commerce maritime international, les armateurs ont deux choix : allonger la route pour éviter de dangereux « goulots d’étranglement », selon l’ONU, « Le réacheminement des marchandises autour du Cap de Bonne-Espérance a explosé, pour maintenir le flux de marchandises, augmentant « considérablement » les coûts, les retards et les émissions de carbone.» —, ou se préparer à affronter les risques… Mais pas sans garantie.
Dans un article récent, Bloomberg a examiné le « boom » en temps de guerre du marché de niche de l’assurance, vital pour permettre aux transporteurs de pétrole, de charbon et de céréales de naviguer dans les eaux dangereuses de la mer Rouge et de l’Ukraine. En conséquence, les protections d’assurance standard sont suspendues dans les zones de guerre, obligeant les armateurs à souscrire une police d’assurance risque distincte. Celle-ci est généralement en vigueur pendant sept jours, mais peut aussi durer un an, explique le média américain.
Un secteur en plein essor
Cette couverture a permis de maintenir le flux de ce que la société d’analyse Kpler a estimé à environ 150 milliards de dollars de marchandises transitant par les mers Rouge et Noire au cours du premier semestre de l’année dernière. Cela équivaut à plus de 830 millions de dollars par jour.
Le secteur est en plein essor : « Le nombre de nouveaux prestataires d’assurance maritime a connu une croissance significative ces dernières années. » Louise Nevill, PDG britannique des activités maritimes, cargo et logistique chez Marsh & McLennan Co., le plus grand courtier d’assurance au monde, a déclaré à Bloomberg.
La croissance de ce marché ne concerne pas seulement les nouveaux acteurs : NorthStandard Ltd. – le deuxième fournisseur mondial d’assurance contre les calamités telles que les marées noires – prévoit d’étendre plusieurs secteurs d’activité, notamment la couverture de guerre. Un secteur lucratif : à Londres, le commerce des couvertures en temps de guerre atteint de nouveaux sommets.
Marsh & McLennan estime que les primes de risque de guerre à Londres totalisent environ 500 millions de livres sterling (621 millions de dollars). Le total mondial pourrait être plus proche d’un milliard de dollars (805 millions de livres sterling), selon des sources anonymes.