Normes communes, transbordement de conteneurs, dédouanement des marchandises… Sept pays traversés par ces lignes se sont également mis d’accord pour augmenter la vitesse et la fréquence des convois. Moins cher que l’avion et plus rapide que le bateau, la liaison ferroviaire Chine-Europe a vu son trafic résister à la pandémie de Covid. Malgré le confinement, il a bénéficié de l’explosion des prix du transport maritime et de la demande de produits fabriqués en Chine, comme les masques. Mais depuis le début de la guerre en Ukraine, cette croissance sans fin est remise en question.
Effondrement du trafic entre 2021 et 2023
“Un certain nombre d’entreprises et d’expéditeurs ont décidé de cesser leurs activités en Russie ou à travers la Russie”. explique Julien Thorez, géographe chargé de recherche au CNRS, auteur d’une étude sur le sujet. Dans le même temps, le transport maritime est redevenu plus compétitif. Des entreprises comme BMW ou Decathlon, qui faisaient livrer des vêtements depuis Wuhan jusqu’au terminal de Dourges (Pas-de-Calais) par train, ont jeté l’éponge. « Au 31 décembre 2023, 89,3 % de nos volumes de produits finis transportés empruntaient la voie maritime » confirme le groupe français. Conséquence directe, le trafic ferroviaire entre la Chine et l’Europe via le Kazakhstan s’est effondré de 70 % entre 2021 et 2023, avec seulement 211 000 EVP transportés l’année dernière.
Si des restrictions de circulation existent sur des produits pouvant avoir un usage militaire, des trains continuent de transiter par la Russie pour livrer l’Europe, comme le confirme DB Cargo. L’opérateur ferroviaire allemand a ainsi transporté 35 000 conteneurs sur les corridors eurasiens en 2023. Face à l’effondrement du trafic, la Chine a revu sa stratégie logistique en Europe et privilégie les destinations les plus rentables.
Filiale du groupe SNCF, Forwardis ne peut plus compter sur des liaisons directes depuis les hubs multimodaux de Valenton (Val-de-Marne) ou de Dourges jusqu’à la frontière chinoise. « Face aux incertitudes du marché, les entreprises chinoises limitent leurs risques de ravitaillement et organisent souvent des trains vers la Pologne. Ensuite, un opérateur en Europe se charge de livrer les différents pôles. explique Philippe Golder, directeur général de Forwardis.
Un trajet plus court, mais plus cher
Malgré son passage par la Russie, ce serait une erreur de tracer trop rapidement une ligne sous la liaison ferroviaire Chine-Europe. « Il ne faut pas oublier l’immensité du territoire chinois : pour un certain nombre de villes éloignées des côtes, la voie terrestre reste avantageuse. Et les marchandises doivent être livrées rapidement, souligne Sébastien Colin, géographe à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).
Ainsi, depuis le début de l’année, les volumes transportés ont recommencé à augmenter, avec une hausse de 154 % du trafic entre la Chine et la Pologne, selon l’Alliance ferroviaire eurasienne. Les tensions en mer Rouge ne sont pas étrangères. « Nous avons eu beaucoup de demandes pour organiser des trains, confirme Philippe Golder. Il a fallu être vigilant, car le rail ne peut pas tout absorber. Le danger était que les délais de transit augmentent et nous fassent perdre des clients fidèles.
Une route alternative depuis le Kazakhstan, traversant la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan, la Géorgie puis la Turquie, cherche également à émerger en contournant la Russie. Cependant, le trafic sur ce « corridor du milieu » reste encore modeste, avec 33 600 EVP en 2022, faute d’infrastructures adéquates. « Le trajet est plus court de 3 000 kilomètres » indique une compagnie européenne qui était tenue d’emprunter cette route, « mais il existe différents modes de transport et très peu de coordination. Sans parler du coût, qui est bien plus élevé.
A l’inverse, de nouvelles connexions entre la Chine et la Russie, via le Kazakhstan, ont vu le jour depuis 2022. Elles pourraient contribuer à compenser une partie des volumes perdus au profit de l’Occident. #
Vous lisez un article de L’Usine Nouvelle 3737 – décembre 2024
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