Les grandes priorités d’un gouvernement Poilievre

(Ottawa) Quelles seraient les principales priorités d’un futur gouvernement conservateur dirigé par Pierre Poilievre ? Quels programmes mis en œuvre par le gouvernement Trudeau risquent d’être mis à l’épreuve ? L’examen des déclarations du chef conservateur donne un aperçu de ses ambitions si son parti forme le prochain gouvernement.

Éliminer le déficit

Le rétablissement de l’équilibre budgétaire est l’un des principaux engagements de Pierre Poilievre. Il veut faire adopter une loi qui obligerait le cabinet à trouver un dollar d’économies pour chaque dollar de nouvelles dépenses. Depuis leur arrivée au pouvoir, les libéraux de Justin Trudeau n’ont jamais présenté de budget équilibré. Outre l’abolition du financement de -, l’élimination des contrats accordés aux consultants et l’abolition de la Banque de l’infrastructure du Canada, le chef conservateur n’a pas précisé quelle voie il allait emprunter pour rétablir l’équilibre. budgétaire.

Il dit vouloir connaître l’état des finances publiques avant de donner plus de détails. Parallèlement, Pierre Poilievre souhaite réduire le fardeau fiscal des contribuables et entend mettre sur pied un groupe de travail sur la réforme fiscale. Pour stimuler la construction résidentielle, il promet d’éliminer la TPS sur les nouvelles résidences coûtant moins d’un million de dollars.

Il est hors de question d’assister au Forum économique mondial de Davos ou d’y envoyer un ministre s’il prend le pouvoir. De plus, il a promis de limoger le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, au motif qu’il avait mal géré la crise inflationniste.

PHOTO ETHAN CAIRNS, ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem

Justice pénale

« Arrêtez la criminalité ». C’est l’une des quatre priorités que Pierre Poilievre énonce systématiquement en préambule de ses conférences de presse. Comment ? En faisant ce qu’aucun gouvernement à Ottawa n’avait osé faire jusqu’à présent : en utilisant la clause dérogatoire pour resserrer le système de libération conditionnelle, rétablir les peines minimales obligatoires et les peines d’emprisonnement successives. Stephen Harper a échoué sur ces questions.

Le chef a ouvert son jeu devant l’Association canadienne des policiers le printemps dernier. Le tollé libéral a immédiatement suivi : qu’adviendra-t-il du droit à l’avortement ? Le gouvernement conservateur «n’utilisera jamais cet article de la Constitution en lien avec cette question», a assuré un porte-parole de Pierre Poilievre.

Programmes sociaux et de santé

Depuis 2015, le gouvernement Trudeau a augmenté les investissements pour élargir le filet de sécurité sociale au pays. Citons à titre d’exemple le Programme national de garde d’enfants et le Programme national de soins dentaires. Ces programmes sont populaires auprès des Canadiens. Pierre Poilievre a indiqué qu’il entendait maintenir le programme national de garderies. Mais il entretient l’incertitude quant à l’avenir du programme national de soins dentaires et du programme d’assurance médicaments, soutenant que ces deux mesures n’existent que sur papier.

Il écarte par ailleurs l’idée d’élargir l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de démence, comme le souhaite le gouvernement du Québec. En ce qui concerne la crise des opioïdes et d’autres drogues, un gouvernement conservateur se concentrerait sur le traitement des personnes aux prises avec une dépendance et supprimerait les sites de consommation supervisée – la solution proposée par Ottawa pour prévenir les surdoses accidentelles et réduire la propagation de maladies infectieuses telles que le VIH/sida. .

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE ARCHIVES

Pierre Poilievre a indiqué qu’il entendait maintenir le programme national de garderies.

Environnement

Pierre Poilievre en a fait un slogan qui a séduit ses troupes : Supprimer la taxe. La tarification paralysante du carbone sera sans aucun doute l’une des premières mesures mises en œuvre par un gouvernement conservateur. Pierre Poilievre souhaite également que la prochaine campagne électorale soit un référendum sur cette « taxe », instaurée par le gouvernement Trudeau dans le cadre d’un plan national de lutte aux changements climatiques. Ce faisant, cela mettra également fin à la remise canadienne sur le carbone pour les particuliers.

Pour l’instant, le plan conservateur pour lutter contre les changements climatiques se concentre essentiellement sur le développement et l’adoption de nouvelles technologies permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. On ne sait pas si Pierre Poilievre endosserait l’objectif fixé par le gouvernement Trudeau, soit une réduction des émissions de GES de 40 à 45 % d’ici 2030, par rapport au niveau de 2005. Un gouvernement conservateur promet également une étude environnementale unique pour tout projet de développement des ressources naturelles dans une province et fera tout son possible pour faciliter la construction de nouveaux pipelines.

PHOTO NATHAN DENETTE, ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE

Le chef conservateur Pierre Poilievre lors d’une conférence de presse à Mississauga, en Ontario, en décembre, affichant le slogan « Axer la taxe » sur son pupitre.

Relations Québec-Ottawa

Pour l’instant, le Parti conservateur n’a pas présenté de programme spécifique pour le Québec, comme l’avait fait l’ancienne chef conservatrice Erin O’Toole lors de la dernière campagne électorale. Mais Pierre Poilievre a affirmé qu’un gouvernement conservateur interviendrait dans le dossier Loi sur la laïcité de l’État (« Projet de loi 21 »), auquel il s’oppose au Québec si l’affaire aboutit devant la Cour suprême du Canada — ce qui sera certainement le cas un jour. Fidèle à ses principes, un gouvernement conservateur n’interviendrait pas dans les domaines de compétence provinciale.

Affaires étrangères et défense nationale

On peut s’attendre au retour d’un parti pris immuable en faveur de l’État juif sous la direction de Pierre Poilievre : suppression de l’aide financière à l’agence onusienne pour les Palestiniens (UNRWA) et soutien inconditionnel à Israël au sein des instances onusiennes. Le chef de l’opposition est même allé jusqu’à demander à Israël d’offrir un « cadeau à l’humanité » en bombardant les sites nucléaires iraniens.

Sur la question des relations canado-américaines, Pierre Poilievre promet d’être ferme en cas d’imposition de tarifs douaniers de 25 %, affirmant notamment qu’il entend « combattre le feu par le feu », sans donner plus de détails.

Le Parti conservateur a des ponts à reconstruire avec l’Ukraine après avoir voté contre l’accord de libre-échange Canada-Ukraine, ce qui a suscité l’ire de la diaspora ukrainienne dans le pays.

Face à la Chine, la ligne dure est au menu. « Il est devenu évident qu’il faut s’opposer au gouvernement communiste de Pékin », déclarait Pierre Poilievre en juin 2023, à 34 ans.e anniversaire du massacre de la place Tiananmen.

Le chef conservateur se garde bien de s’engager formellement à atteindre l’objectif de l’OTAN de 2 % du PIB consacré à la défense. «Je fais des promesses que je peux tenir, et en ce moment, notre pays est fauché», plaidait le dirigeant en juillet dernier.

PHOTO RAMADAN ABED, ARCHIVES REUTERS

Pierre Poilievre abolirait l’aide financière à l’agence des Nations Unies pour les Palestiniens (UNRWA). Sur la photo : un Palestinien porte une boîte d’aide distribuée par l’UNRWA.

Immigration

La position conservatrice sur l’immigration est restée floue longtemps après l’arrivée de Pierre Poilievre. Mais depuis l’automne, il a ajouté le système d’immigration à la liste des choses « cassées » par Justin Trudeau. Les objectifs conservateurs n’ont pas été définis, mais le 24 octobre, lorsque le gouvernement a annoncé une réduction des objectifs d’immigration permanente, il a déclaré ceci lors d’un point de presse à Toronto : « Nous aurons une formule mathématique qui permettra de garantir que la croissance démographique ne dépasse jamais la disponibilité d’emplois, de logements et de soins de santé. »

Le chef, qui souhaite reconquérir les communautés urbaines comptant une forte proportion de nouveaux arrivants perdues aux mains des libéraux ces dernières années, a également laissé entendre en août dernier lors d’une entrevue à - qu’il réduirait « massivement » le nombre d’immigrants temporaires, dont l’afflux est, selon lui, « hors de contrôle ».

Culture et société

Dans les rassemblements conservateurs, c’est LA promesse qui déclenche toujours un tonnerre d’applaudissements : couper le financement du réseau CBC. Bien qu’il ait affirmé que - serait épargnée, Pierre Poilievre n’a pas expliqué comment il s’y prendrait : les services anglais et français partagent plusieurs ressources matérielles, humaines et financières.

Les projets de loi adoptés sous les libéraux seraient laissés de côté. C’est ce sort qui attend C-11, la loi sur la diffusion en ligne qui accorde trop de pouvoir à un CRTC « réveillé », dit Pierre Poilievre. Le projet de loi C-63 sur la haine en ligne, s’il est adopté, serait également abrogé.

Exit, aussi, les programmes d’aide aux médias écrits sous forme de crédits d’impôt. « Les conservateurs ne croient pas que l’argent des contribuables canadiens devrait aller aux médias », a déclaré le chef conservateur en février dernier.

En matière de droits des travailleurs, un gouvernement Poilievre maintiendrait la loi anti-briseurs de grève, avait-on indiqué lors de l’adoption du projet de loi en juin dernier.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE ARCHIVES

Pierre Poilievre s’engage à abolir le financement de -, mais épargnerait -.

Deux experts s’expriment

Lori Turnbull, professeure au département de gestion de l’Université Dalhousie, Nouvelle-Écosse

On pourrait résumer cela en deux mots : renversement et changement de marque.

Inversement, car il est plus facile et plus rapide d’abroger des programmes que d’en établir de nouveaux. On peut s’attendre à ce que l’annulation de la taxe sur le carbone soit l’une des premières actions d’un gouvernement Poilievre.

Il licenciera probablement aussi, comme il l’a promis, des hauts fonctionnaires : le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, et le consul général du Canada à New York, l’ancien journaliste Tom Clark.

Quant au changement de marquecela passera notamment par la formation d’un cabinet, qui constituera l’une de ses premières missions. Nous aurons une bonne indication des priorités de son gouvernement. Nous verrons entre autres si le cabinet sera égal – ce dont je doute.

Je pense qu’il voudra paraître très productif au cours des 100 premiers jours afin qu’une fois qu’il aura atteint ce jalon, il puisse dire : « Voici ce que nous avons fait pour inverser l’approche de Trudeau, les choses qui n’ont pas fonctionné, et redonner au Canada son grandeur. »

Daniel Béland, professeur titulaire de sciences politiques à l’Université McGill

C’est sûr qu’il y aura des actions sur la taxe carbone, ils vont présenter un projet de loi très, très vite. Si aucun projet de loi n’est déposé dans les 100 premiers jours, de nombreux conservateurs seront mécontents.

Il n’aura en effet pas le choix d’agir pour faire avancer chacune des quatre priorités dont il parle depuis des mois – abolir l’impôt, construire des logements, équilibrer le budget, mettre fin à la criminalité – s’il ne veut pas s’aliéner son base.

Je pense aussi qu’il y aurait des mesures assez rapidement sur la question des armes à feu, et peut-être une ouverture pour discuter de la question des seuils d’immigration fédéraux avec le gouvernement du Québec et d’autres provinces.

Mais tout cela est conditionné à la formation d’un gouvernement majoritaire. Les 100 premiers jours d’un gouvernement minoritaire de Poilievre seraient une situation très différente.

Pour des raisons de clarté et de concision, les commentaires des intervenants ont été légèrement modifiés.

 
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