Condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour viol et avoir violé son épouse Gisèle pendant 10 ans, Dominique Pelicot n’en a pas fini avec la justice.
Mis en examen par la cellule « cold cases » de Nanterre, il pourrait être jugé dans d’autres affaires datant des années 1990, dont une pour meurtre.
Le magazine « Sept à Huit » a enquêté sur le passé trouble du septuagénaire et ses possibles échecs judiciaires.
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Le procès extraordinaire des viols de Mazan
Dominique Pelicot serait-il aussi un meurtrier ? L’affaire de viol de Mazan, pour laquelle il a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle, a permis, en effet, de relier le septuagénaire à deux autres affaires dans lesquelles il est mis en examen depuis le 14 octobre 2022 par le pôle « cold cases » de Nanterre : une tentative de viol en 1999 en Seine-et-Marne, qu’il reconnaît, ayant été confondu par son ADN, mais surtout un viol suivi d’un meurtre en 1991 à Paris, celle de Sophie Narme, une jeune agent immobilier de 23 ans.
L’affaire Sophie Narme en 1991
Hélène Blondel était l’amie de Sophie Narme, elle pense tout le temps à elle. « C’est juste terrifiant de mourir à cet âge (…). Pour Sophie, pour les autres victimes, c’est terrible (…) Peut-être qu’on saura enfin»» dit-elle dans le reportage « Sept à Huit » que l’on retrouve en tête de cet article. Après un an aux États-Unis comme fille au pair, Sophie Narme revient en France et est embauchée en octobre 1991 dans une agence immobilière du 16e arrondissement de Paris. Un mois après avoir commencé son travail, elle a été violée puis tuée alors qu’elle faisait visiter un appartement à Paris. C’est le directeur de l’agence, inquiet de ne pas avoir de nouvelles d’elle, qui découvre son corps à moitié nu. « Cela semble tellement impossible que je ne réagis pas. Nous sommes vraiment abasourdis. On nous raconte qu’elle a fait visiter un appartement et que la personne qui l’a visité l’a violée, étranglée, poignardée et qu’elle s’est énormément débattue, qu’elle s’est battue jusqu’au bout. C’est ce qu’on nous dit.remembers Hélène.
De son côté, Florence Rault, l’avocate de la famille de Sophie Narme, décrit la scène et un détail l’intrigue : « Il y a un désordre indescriptible dans la pièce, mais pour autant, et c’est étrange, le sac à main de Sophie qui a été vidé par terre et qui a probablement été fouillé, est rangé correctement le long du mur. On retrouvera aussi sa paire d’escarpins qui lui ont été enlevés et qui se retrouvent, là aussi, de manière très étrange, je dirais presque maniaque, placées près du corps, de manière perpendiculaire. Un peu comme si l’agresseur l’avait pris. il est temps de les positionner de manière un peu fétichiste (…) C’est aussi à partir de ce détail que je me suis dit : « Ce n’est pas la première tentative de l’attaquant. C’est quelqu’un qui a déjà commis des actes de cette nature et qui est probablement un criminel en série.
Quant au patron de Sophie, il raconte avoir été affecté par une forte odeur d’éther dans l’appartement. Ce produit a été retrouvé dans les poumons de Sophie. L’assassin voulait probablement l’endormir pour la contrôler. Il explique également que le rendez-vous a été pris la veille par un homme qui au téléphone a beaucoup insisté pour visiter l’appartement. Il a donné un nom et un numéro qui se sont révélés faux.
L’affaire « Marion » en 1999
Depuis près de 10 ans, Dominique Pelicot n’était pas inquiétée dans l’enquête sur le meurtre de Sophie Narme, lorsqu’une autre affaire survenait, concernant toujours une employée d’agence immobilière. Le 11 mai 1999, la police est appelée suite à une tentative de viol survenue à Villeparisis, en Seine-et-Marne. La victime, 19 ans, que l’on appellera « Marion », est agressée par un homme à qui elle vient de faire visiter un appartement. « La jeune fille est prosternée avec des bleus au visage, des traces de violences. Elle est en culotte avec juste son t-shirt. Elle est pieds nus. » décrit Michel Bueno, le policier chargé de l’enquête, aujourd’hui à la retraite. Comme dans le cas de Sophie Narme, l’agresseur s’est présenté à l’agence en disant qu’il souhaitait acheter un bien rapidement. Là aussi, il donne un faux nom et une fausse adresse. Après un bref coup d’œil autour de l’appartement, il se serait jeté sur elle. Voici ce qu’elle a dit à l’enquêteur : “Il l’attrape en lui passant le bras autour du cou et surtout lui met un cutter autour du cou. Il la fait s’allonger sur le ventre, lui attache les mains derrière le dos, ce qui a pour effet de « l’immobiliser et là, il lui place un mouchoir dans la bouche ».
» Et ça sent une odeur très forte qui a la particularité de l’endormir. Elle dit : «Je me suis senti partir». A ce moment-là, elle a le réflexe d’arrêter de respirer. Elle se dit qu’il ne faut pas qu’elle respire ce produit sinon elle est ruinée (…) Elle décrit très bien le sentiment qu’elle a de cet homme qui semble maniaque, qui est très méticuleux. specifies Florence Rault. Michel Bueno continues: “elle parvient à se libérer d’un lien et une bagarre s’ensuit (…) A force de se débattre, elle parvient à s’enfermer dans une pièce et y reste quatre heures sans savoir si l’individu est toujours là ou pas ?”. C’est son employeur inquiet qui va la secourir. La police relèvera des traces de sang dont l’analyse révélera un ADN masculin inconnu. Cinq ans plus tard, un service de police judiciaire fait un lien entre l’affaire Marion en 1999 et l’assassinat de Sophie Narme en 1991, constatant des similitudes dans les modes opératoires.
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Malgré cela, l’enquête s’enlise et Dominique Pelicot ne s’inquiète pas. Jusqu’en 2010, soit 10 ans avant l’affaire du viol de Mazan. Il est surpris par un animateur alors qu’il filme sous des jupes de femmes, dans un Carrefour de Seine-et-Marne. Il a utilisé une caméra cachée dans un enclos que la police a saisie. Il a alors plaidé coupable et payé une amende simple de 100 euros. Son ADN est prélevé, mais aucun lien n’est fait avec les deux affaires. Dix ans plus tard, le 12 septembre 2020, Dominique Pelicot est prise en flagrant délit pour la deuxième fois par un agent de sécurité d’un supermarché. Il est là encore en train de filmer sous les jupes des clients. La scène se déroule à Carpentras, où lui et son épouse Gisèle sont retraités.
C’est cette affaire qui déclenchera celle de Mazan. Après son arrestation, la police a fouillé son domicile et a découvert des dizaines de vidéos dans lesquelles lui et des inconnus violaient sa femme, droguée et inconsciente. L’ADN de Dominique Pelicot est repris et cette fois le lien est fait avec la tentative de viol de Marion. Entendu dans cette affaire en 2022, Pélicot a fini par avouer avoir agressé l’agent immobilier en 1999. Il a affirmé avoir “une impulsion” voir la jeune femme dans son agence. En revanche, Dominique Pelicot nie catégoriquement le meurtre de Sophie Narme, mais l’avocat des proches de la jeune femme est convaincu de sa culpabilité.