Howard Buten, le clown Buffo, est mort

Howard Buten, le clown Buffo, est mort
Howard Buten, le clown Buffo, est mort

LLes clowns meurent aussi ! Buffo, personnage burlesque créé par Howard Buten, est décédé, en compagnie de son auteur, le 3 janvier 2025. Résumer en quelques lignes la vie de cet acteur, également romancier et psychologue clinicien spécialisé dans l’autisme, n’est pas une chose facile, parce que le personnage aimait s’entourer de mystère. Né le 28 juillet 1950 à Détroit aux Etats-Unis, sa carrière reste semée de zones d’ombre…

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Fils aîné d’un avocat, Ben Butensky (qui avait raccourci son prénom par souci de simplicité, mais aussi pour se distinguer de son frère, membre d’un gang de criminels), élevé par une danseuse de claquettes, Dorothy Fleisher, il disait avoir très tôt, j’ai voulu travailler dans un cirque. Mais pas forcément en clown… « J’ai toujours détesté les « Augustes » », explique-t-il. C’est probablement la faute de Ricky. clown clochard [un clown clochard, NDLR] vu à la télévision durant son enfance. « Ce vagabond aux lèvres blanches, au visage maquillé et aux vêtements en lambeaux m’a plus fait peur qu’il n’a ri », confiait Howard Buten.

Inspiration

Doué pour le chant et doté d’un petit talent de ventriloque, le jeune Howard s’inscrit à des cours de chinois à l’Université du Michigan en 1968 avec l’intention de voyager à travers l’Asie. Pour voyager, il ne voit que deux moyens de transport possibles. Soit le cargo, soit le cirque. A vingt ans, après deux années d’études lentes du mandarin, il tente de s’engager dans la marine marchande. En vain.

A défaut de devenir marin, il sera donc artiste de cirque. Au début des années 1970, il s’inscrit à la prestigieuse école de cirque Barnum & Bailey en Floride. Une institution prestigieuse fondée par les Ringling Brothers et qui a inspiré Cecil B. De Mille pour réaliser son long métrage Sous le plus grand chapiteau du monde (Le plus grand spectacle sur Terre) en 1952, avec Charlton Heston et James Stewart.

Howard s’est formé à la pantomime et au jonglage avec Lou Jacobs (1903-1992). C’est cet artiste qui lui fait prendre conscience de la richesse de l’art clownesque. « Lou m’a tout appris : l’histoire de ce genre né en Italie au XVIIIee siècle avec le comédien italo-britannique Joey Grimaldi. Mais aussi le rôle thérapeutique fondamental du rire », a mentionné Howard Buten.

Premiers pas

A travers la magie du masque grotesque du clown, de ses grimaces et de ses chutes, le jeune homme se rend compte qu’il lui est possible de raconter des histoires capables de toucher un public international, sans avoir à apprendre une langue étrangère. Doté d’une grande faculté d’improvisation et d’un don certain pour la musique (il joue du violon), le jeune apprenti clown est bientôt recruté par le cirque Clyde Beatty Cole Brothers et part en tournée.

A LIRE AUSSI Musée des Forains : les coulisses d’un monde magiqueSa première esquisse fut cependant un échec lamentable. « Le clown que je jouais (et qui n’avait pas encore de nom) est entré sur le ring avec un panier contenant trois œufs surdimensionnés. J’ai commencé à jongler avec ça. En vain, évidemment. J’ai terminé mon tour en faisant sortir un poulet de mon baluchon et en le lançant en l’air. Mais personne n’a ri », se souvient-il, avec cet air affligé inimitable.

Modèle

Le même nombre lui avait fait échouer l’examen de sortie de l’école, alors dirigée par Irving Feld. Cet échec va lui provoquer son premier épisode dépressif. Il y en aura bien d’autres. Une rencontre va néanmoins le sortir de l’ornière. En 1970, il rencontre le clown Otto Griebling en Californie. C’est lui qui l’aidera à trouver son style. Rendu muet par un cancer du larynx, Otto a en effet développé des numéros sans paroles et sans artifices, dont la comédie réside dans l’extraordinaire économie de moyens qu’il utilise devant un public par ailleurs abasourdi par les prouesses des acrobates, contorsionnistes et d’autres dompteurs du reste de la troupe.

A LIRE AUSSI Quand le rire devient un médicament« Le truc d’Otto était de rester immobile de longues minutes au bord des tribunes, de chercher un spectateur, de le fixer longuement jusqu’à ce qu’un malaise s’installe, puis de paraître chercher son nom dans une liste et de vérifier il; avant de passer au suivant », a déclaré Howard Buten. C’est sur son modèle qu’il a créé le personnage de Rumples (mot que l’on pourrait traduire par « froissé »). Et c’est avec ce clown qu’il rejoint le cirque Bartok en 1972, où il partage la caravane d’un ancien champion olympique polonais de gymnastique devenu alcoolique.

Révélation

Howard Buten passera deux saisons dans ce cirque. Là, chaque soir, il accomplit un acte périlleux avec un dresseur d’ours puis élabore une série de sketchs de groupe. Les clowns américains se produisent dans des groupes où les Européens sont plus adeptes des duos, généralement composés d’un Auguste et d’un Pierrot – un clown et un clown triste. Mais les explosions de pétards, de tartes à la crème et autres plats de spaghettis qu’ils se jettent à la figure finissent par le lasser.

En 1973, il découvre le personnage de Grock, inventé par le Suisse Adrien Wettach : un personnage comique qui ne répond pas à un clown blanc, mais à un musicien. C’est une révélation. Quelques mois plus tard, Buffo est né. Le nom, tiré du dictionnaire italien, fait référence au « bouffon » médiéval, mais aussi à l’opéra bouffe…

Naissance de Buffo

Buffon ? C’est un faible, incapable de prononcer autre chose qu’un long « hein ? » traînant (qui le fait passer pour un connard) ; un homme-enfant incapable d’exprimer ses sentiments (ce qui le rend irascible) ; un individu perpétuellement émerveillé par ce qu’il voit du monde (et dont l’apparente inadéquation à son environnement crée, in fine, une poésie inépuisable). En fait, le seul moyen de communication de Buffo est la musique.

Avec ce personnage, Howard Buten peut enfin exprimer ce qui lui tient à cœur : raconter, de manière énigmatique, l’histoire de son grand-père paternel, Joseph Butensky, né vers 1880 dans un shtetl en Lituanie et débarqué sur Ellis Island sans dire un mot. d’anglais, à la veille de la Première Guerre mondiale. Cet ancêtre devenu chiffonnier occupe une place centrale dans la vie et l’imaginaire d’Howard, qui quitte la troupe du Super Circus Bartok pour rejoindre celle d’un music-hall de Mount Clemens, dans la banlieue de Détroit, avec ce personnage de Buffo. .

La voix de la musique

Howard Buten se produira d’abord avec la chanteuse Milly Whiteside, puis avec un pianiste, avant de poursuivre l’aventure en solo, utilisant désormais tantôt une trompette, tantôt un violon (en réalité plusieurs, de tailles différentes). « J’imaginais le personnage comme une sorte de Dopey, le nain de Blanche-Neige, fasciné par ce qu’il voyait dans la pièce. Un truc que j’ai emprunté à Liza Minelli qui, lorsqu’elle chantait, regardait un point au loin, au-delà du public. Si vous apparaissez sur scène et que vous semblez figé par une apparition lointaine, le public vous prête soudain une attention particulière », résume-t-il.

Après avoir transporté son personnage de clubs de comédie de Californie à celles de New York et fait plusieurs tournées mondiales (Buffo est très populaire au Japon), Howard Buten va retourner à l’université pour suivre un cursus de psychologie. “C’est ma rencontre avec un enfant autiste, Adam Shelton, qui m’a poussé à le faire, m’incitant à chercher des moyens de comprendre les esprits humains qui ne fonctionnent pas comme les autres”, explique le clown, qui créera, en 1996, un centre d’accueil pour les enfants touchés par ce syndrome.

Des vies parallèles


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Devenu psychologue clinicien, Howard Buten se tourne parallèlement vers l’écriture. En 1981, il publie Quand j’avais 5 ans, je me suis suicidé. L’ouvrage, passé inaperçu aux États-Unis, a été traduit en français par Jean-Pierre Carasso. Le succès fut tel que l’acteur s’installa à Paris. Quatre autres livres suivirent, dont Le Coeur sous un rouleau compresseur, Monsieur Papillon et Quand est-ce qu’on arrive ? Des histoires où le rire côtoie la peur. Comme dans Histoire de Rofo le clown : une histoire où un clown de cirque tue son meilleur ami avant de sombrer dans une profonde dépression.

Malgré ces succès éditoriaux, Howard Buten n’a jamais tourné le dos au personnage de Buffo, dont il endosse régulièrement le costume. Notamment dans un spectacle avec la violoncelliste et musicothérapeute Claire Oppert, qui tourne pendant plusieurs années et est récompensé en 1998 par un Molière du meilleur one-man show. Au début des années 2000, « l’acrobate » – comme il aimait se définir – se retire progressivement de la scène. Vivant loin de Paris, dans une maison isolée en Bretagne, en compagnie de la veuve de Jean-Pierre Carasso, Howard Buten a fini par ressembler au clown Buffo : silencieux, contemplant le monde d’un air effrayé depuis son fauteuil, comme coupé du monde. du monde…

 
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