quand David Lodge s’intéressait à HG Wells

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L’écrivain britannique David Lodge, en 2011. SHUTTERSTOCK/SIPA

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Le grand écrivain britannique David Lodge est décédé à l’âge de 89 ans. Au début des années 2010, il consacrait un roman à HG Wells, père de la science-fiction et insatiable Don Juan. Nous republions l’entretien réalisé à l’occasion.

[De nos archives, 5 janvier 2012] « Je n’ai jamais pu refuser les avances d’une femme – ce n’est tout simplement pas dans ma nature. » Qui aurait dit que l’anglais Jules Verne qui, dans ses romans de science-fiction, décrivait les guerres d’aujourd’hui un demi-siècle à l’avance, des combats de chars aux attaques aériennes, et qui annonçait les méfaits de la bombe atomique, parlerait aujourd’hui moins de lui comme druide de la modernité scientifique plutôt que pionnier de la libération sexuelle ? Après sa biographie romancée de l’Américain Henry James, David Lodge s’attaque à un monstre sacré de la littérature anglaise, aussi intimidant que surprenant, dans un roman passionnant qui raconte la vie de cet écrivain coquet, graphomane et attachant.

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Ce qui est frappant, à la lecture de votre biographie romancée de HG Wells, c’est qu’il a été extraordinairement prolifique.

David Lodge Il ne se relisait pas assez. Il a écrit des centaines de livres ! Il est à tous points de vue l’antithèse d’Henry James. Wells n’a jamais été un perfectionniste mais il avait une éloquence naturelle et une facilité pour la description, plus que pour peindre des états introspectifs. Ses premiers écrits, principalement ses livres de science-fiction, sont très poétiques. Il avait une imagination particulièrement fertile lorsqu’il voulait raconter l’histoire d’un désastre. C’est ce qui le rend évidemment très pertinent, surtout aujourd’hui. Nous vivons plus que jamais dans la peur d’une catastrophe majeure, qu’elle soit écologique, épidémiologique ou autre. À deux reprises, il a imaginé un cataclysme suite à la collision d’un astéroïde avec la Terre. Il en savait beaucoup sur la fin du monde.

Comment aurait-il pu exceller dans la littérature de science-fiction ainsi que dans le journalisme littéraire ?

C’est la question que je me pose. Il était en Russie dans les années 1920. Il se trouve aux États-Unis en 1905. De chacun de ces voyages, il rapporte des histoires très vivantes et inspirées. Il a osé critiquer l’Union soviétique à la fin des années 1930, ce qui l’a coupé de la gauche, qui continuait à considérer Staline comme un homme bon. La vérité est qu’il a gagné beaucoup d’argent grâce au journalisme.

Il est difficile d’imaginer la popularité de Wells à l’époque. Pensez-vous qu’il existe un équivalent aujourd’hui ?

Non, il n’y a pas d’équivalent. Il faut dire que les écrivains étaient alors les rois de la culture. Il n’y avait pas de cinéma, seulement le théâtre qui pouvait quelque peu rivaliser. Et des journaux, des magazines. Cependant, le public est de plus en plus cultivé et possède un immense appétit pour l’écrit. Wells en a bien sûr profité. Il comprit qu’on pouvait bien gagner sa vie en écrivant aussi bien des choses légères et extrêmement populaires que des textes parfaitement sérieux. C’est vrai qu’on ne compte pas plus d’une demi-douzaine de grands livres transmis à la postérité, mais quelle énergie !

Et ce n’est pas tout. On découvre aussi, en lisant votre livre, qu’il était obsédé sexuellement.

Le paradoxe est qu’il n’a jamais très bien décrit le sexe. Il avait des besoins très importants. Il ne s’est pas arrêté. Il ne lui était pas difficile de trouver des femmes consentantes : Wells était très populaire, ce qui ajoutait à son attrait. Il était moderne dans le sens où il considérait le sexe comme une affaire exclusivement récréative. Même s’il pourrait se révéler ensuite très possessif et jaloux, voire romantique. Ce qui m’étonne, c’est comment il a pu écrire autant de livres tout en faisant l’amour si souvent. Il avait des maîtresses partout, ce qui nécessitait un investissement considérable en temps et en argent.

À sa mort, Wells était-il aussi aimé du public ?

Non. Dans l’histoire de la littérature, c’est même l’une des chutes les plus spectaculaires. Sa nécrologie, dans le « Times », occupe une demi-colonne ! Il n’intéressait plus personne ou, plus précisément, il n’était plus à la mode. Son nom ne parlait plus qu’aux gens ordinaires. TS Eliot, qui était un écrivain très élitiste, anglican au dernier degré, a écrit un article sur Wells dans les années 1940 que Wells n’aimait pas parce qu’il pensait qu’Eliot le méprisait. Eliot disait qu’il n’y avait à l’époque que deux écrivains capables de s’adresser à l’ensemble de la nation britannique, du moins alphabétisé au plus instruit : l’un était JB Priestley, un écrivain complètement oublié aujourd’hui. aujourd’hui, et HG Wells. Mais il est vrai qu’il n’a jamais été moderniste, comme Woolf ou Joyce. La postérité lui tourna donc le dos.

Les nazis envisageaient-ils de l’éliminer s’ils parvenaient à envahir la Grande-Bretagne ?

Oui. Rebecca West aussi. Il y avait deux mille personnes sur la liste…

Quand avez-vous lu Wells pour la première fois ?

Quand j’avais 14 ans, mon père m’a offert un livre de Wells pour Noël. Je ne savais pas qui était Wells, mais mes parents savaient que je commençais à m’intéresser à la littérature. Mon père a quitté l’école à 15 ans. Pourtant, il était loin d’être stupide, même s’il n’était pas un intellectuel. Cela veut donc dire que, pour mes parents, à leur niveau social, la littérature, c’était Wells.

Était-ce un choc ?

La partie science-fiction l’était. Mais le livre était si long, avec des caractères si petits. Une lecture plutôt intimidante, en effet ! J’ai dû lire certains passages, probablement pas la totalité. L’histoire d’une comète frappant la Terre m’a certainement marqué. Je crois qu’il a emprunté l’idée à Camille Flammarion. Plagier son voisin ne lui a jamais posé beaucoup de problèmes, d’autant plus qu’il trouvait toujours le moyen de rendre les idées de son collègue plus attractives.

Un homme de tempérament, de David Lodge, traduit par Martine Aubert, Rivages, 712 pages, 24 euros.

◗ Cet article est issu du numéro 2461 du Nouvel Observateur, publié le 5 janvier 2012.

 
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