Prenons le métier de producteur : une personne au service d’un artiste, qui veille à ce que ses idées se concrétisent et soient produites, en recherchant des financements et en l’entourant d’une équipe artistique et technique. Considérons maintenant la réalité virtuelle (VR), une simulation numérique d’un environnement avec lequel il est possible d’interagir. En combinant les deux, vous obtenez Antoine Cayrol, producteur de films VR, où le spectateur est au centre de l’histoire et peut interagir avec son environnement (activité qu’il exerce à travers trois sociétés : le studio Atlas V, spécialisé dans le développement, la production et la diffusion d’œuvres en réalité virtuelle, augmentée et mixte ; Astrea, société de distribution d’expériences en réalité virtuelle et Abylon, société de production spécialisée dans les expériences immersives et interactives. Son postulat : la réalité virtuelle, qu’il appelle volontiers ; divertissement spatial (terme qui fait référence aux expériences immersives) permet de propulser le cinéma hors du cadre. Parmi ces plus grands projets figurent Yeux sombres avec Colin Farrell (primé à South by Southwest en 2019), Sphères avec Jessica Chastain ou Vestige.
La réalité virtuelle, une suite logique des pratiques de divertissement vers toujours plus d’immersion
Les casques de réalité virtuelle prennent leur place sur le marché. Meta Quest 3, HTC Vive Cosmos Elite, Sony PlayStation VR2, Pico 4 VR, Apple Vision Pro… Une multitude de modèles disponibles, dont la plupart sont sur le marché français. Antoine Cayrol expérimentait déjà la réalité virtuelle en 2012, alors qu’il n’existait que des prototypes. Il voit pourtant les possibilités offertes par ce type de dispositif et décide de fonder Atlas V en 2017, motivé par un marché qui se construit pas à pas et ce qu’il perçoit comme une évolution logique des pratiques, légitimée par un phénomène de rapprochement des écrans plus rapprochés. Il retrace ainsi un siècle d’audiovisuel avec le cinéma, la télévision, les ordinateurs, les smartphones et les tablettes, et souligne que chaque innovation a contribué à réduire un peu plus la distance qui sépare le spectateur (ou l’utilisateur) de l’écran. ” Il ne restait plus qu’un pas à faire pour abolir le cadre et entrer « dans » l’écran.», justifie l’entrepreneur en réalité virtuelle, qui croit en la volonté du public de s’immerger toujours plus dans l’image, de faire partie intégrante de l’histoire et en son désir d’immersion.
VR, des formats narratifs différents de toute autre forme de narration
Quel est l’impact des nouvelles technologies sur la façon dont nous racontons des histoires ? Pour le fondateur d’Atlas V, il existe un lien entre les innovations techniques dans le secteur audiovisuel, et l’émergence de nouvelles voix de la création artistique dans ce domaine. “ Effets spéciaux (VFX) par exemple , a permis de s’adapter Guerres des étoiles et faire des films de manière originale. D’autres inventions ont ouvert de nouvelles voies narratives, comme la steadycam (ou steadicam, système de stabilisation de caméra portable permettant des prises de vue fluides et stables, même en mouvement, ndlr), utilisé dans Marathon Man (1976) pour suivre Dustin Hoffman d’une manière jamais vue auparavant. La 3D aussi, avec Pixar, a ouvert de nouvelles possibilités pour réaliser des films… « . Une multitude d’outils pour raconter des histoires autrement, dans lesquels la réalité virtuelle s’inscrit comme une nouvelle corde à l’arc des producteurs et artistes qui voudraient en profiter.
Quelles possibilités la réalité virtuelle offre-t-elle dans le secteur audiovisuel en termes de narration, que d’autres technologies ou d’autres formes d’art ne permettent pas ? Selon l’intéressé, la valeur ajoutée de ce médium réside dans le fait de recréer des sensations physiques impossibles ou quasi impossibles à ressentir autrement, qui peuvent aller d’une sensation de vertige à des papillons dans le ventre avant une rencontre. . un potentiel qu’Antoine Cayrol met à disposition des cinéastes dans la réalisation de projets adaptés, pour faire vivre des histoires au-delà du simple récit. C’est ainsi que Sphères : Chant de l’espace-temps(2018), série de films en réalité virtuelle qui explore des concepts cosmiques tels que les trous noirs ou la formation des planètes (réalisée par Eliza McNitt, produite par Darren Aronofsky et Atlas V, et récompensée par le Grand Prix du Festival du Film de Venise 2018 de la meilleure œuvre immersive en la section Venice VR) est née, ou le film en réalité virtuelle Évolution(2022), coproduit par Terrence Malick, qui met le spectateur à la place d’une molécule pour explorer le corps humain de l’intérieur, et présenté lors de la première Compétition Immersive du Festival de Cannes en 2024. Certains réalisateurs utilisent la VR parce que le cinéma ne leur permettrait pas de transmettre ce qu’ils veulent raconter », relate l’entrepreneur.
Le marché de la VR attend un nouveau standard
Malgré des contenus VR aussi divers qu’il existe des supports pour le faire fonctionner et des technologies qui évoluent très vite (par exemple le passage decapture de mouvementcapture de mouvement,volumétrique capturerl’enregistrement d’un espace tridimensionnel comme lieu, objet ou performance pour pouvoir le visualiser sous différents angles), Antoine Cayrol semble convaincu : la prochaine étape pour les professionnels de la VR sera de faire émerger le type de contenu propre à la réalité virtuelle , le format standard de cette forme narrative encore récente sur le marché audiovisuel. Selon lui, de la même manière que le cinéma a « créé » ou en tout cas favorisé le film, et la télévision les séries, il sera préférable que les acteurs du marché de la VR soient associés à un type de format facilement identifiable, tout en continuant de collaborer avec des talents variés issus d’univers larges, aussi bien du cinéma pour la narration, du jeu vidéo pour le design (game designers, emotion designers…) ou encore du live pour l’utilisation de l’espace et du mouvement.
Tout un savoir-faire, toute une dynamique pour continuer à développer ce marché en complément de ce qui existe déjà dans le domaine de l’audiovisuel. “La réalité virtuelle ne va pas faire disparaître d’autres formes de création, bien au contraire. C’est un média fabuleux, et une possibilité de plus pour raconter des histoires», conclut le producteur.