Que voir au cinéma
L’ÉVÉNEMENT
UN OURS DANS LE JURA ★★★☆☆
De Franck Dubosc
Les incontournables
Le cinéaste Franck Dubosc change de genre et crée une comédie noire très glaciale. Touchant et parfaitement joué.
Après ses deux Films de réalisateur, Tout le monde debout et La vie de la rumbaFranck Dubosc a visiblement décidé de changer de genre et de s’inscrire. Au début deUn ours dans le Jura on suit, au milieu des montagnes françaises, des migrants chargés du transport de drogue pour un mafieux. Un empalement, un carambolage et quelques coups de feu plus tard, un pauvre type du coin se retrouve avec une somme d’argent trop grosse pour lui. C’est le début des ennuis où la déco n’est plus qu’un prétexte. En donnant un nouveau cadre à son cinéma, Dubosc lui donne aussi un nouveau cœur. Son regard calme, attentif au réel, crée un soulagement là où il n’y en a pas chez ce gendarme bon enfant et émouvant (Poelvoorde, plein de tendresse), cette femme qui s’ennuie mais qui va peu à peu se prendre au jeu (Calamy, vitesse et fantaisiste) ou ce flic plus intelligent que prévu. Car si la comédie noire sur fond immaculé est bien ficelée, c’est en marge de l’intrigue que ce La nôtre retrouve sa vraie carburation. Dans l’intimité engourdie des indigènes. Dans leurs dialogues au ralenti et leur souci du détail qui deviennent amusants sans prévenir.
Gaël Golhen
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LA PREMIÈRE A BEAUCOUP AIMÉ
EEPHUS – LE DERNIER TOUR ★★★★☆
De Carson Lund
Ce premier long métrage de Carson Lund (directeur de la photographie et star du collectif indépendant Omnes Films) raconte le match entre deux équipes de baseball amateurs, qui se rencontrent pour la toute dernière fois, le terrain de leur petite ville de Nouvelle-Angleterre devant bientôt être remplacé. par une école. Ces Américains moyens, pas plus amis que ça, mais indéfectiblement liés par l’habitude de jouer ensemble depuis des années, arpentent leur stade aux couleurs d’automne, boivent des bières, cohabitent ensemble, et leur journée est faite de longues périodes d’attente et de brusques accélérations. finissent par dessiner une épopée virile et alanguie, un peu à la manière d’un Howard Hawks lo-fi et minimaliste. Sous son air de ne pas y toucher et son humour pince-sans-rire, Eéphus raconte avec brio comment certains pans de l’histoire collective disparaissent, sans tambour ni trompette.
Frédéric Foubert
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PEPE ★★★★☆
Par Nelson Carlo de los Santos Arias
Le marketing prétend qu’il s’agit de « l’épopée fantastique » de Pepe, l’hippopotame de Pablo Escobar. C’est à la fois exact et complètement faux. À des milliers de kilomètres d’un putain de narcofilm Netflix, Pépé est un voyage vertigineux tournant autour de son sujet – raconté par la voix aux multiples accents du fantôme de l’animal – sans vraiment le montrer, traitant le pauvre et monstrueux Pepe, trimballé d’Afrique en Colombie comme le monstre du Loch Ness désorienté dans la jungle deApocalypse maintenant. Juste ça ? Oui, mais attention : Pépé ce n’est pas pour rien qu’il a remporté l’Ours d’argent à Berlin. L’expérience cinématographique, qui interroge le mythe en filmant constamment à ses côtés, est radicale (le débat sur le faux et le vrai se déroule autour d’une dispute conjugale entre un vieux pêcheur et sa femme, les plans séquences sont interrompus par des écrans noirs ou blancs… ) mais pas loin d’être inoubliable.
Sylvestre Picard
TOTTO-CHAN, LA PETITE FILLE À LA FENÊTRE ★★★★☆
De Shinnosuke Yakuwa
La scolarité mouvementée d’une petite fille pas comme les autres, de 1940 à 1945, alors que le Japon s’enfonce dans la guerre. Adaptation d’une autobiographie à succès d’un vétéran de l’animation « pour enfants » japonaise (il a signé des tonnes de Doraémon), Totto-chan est défini, un peu comme le Blitz par Steve McQueen, tel un héritier animé de Espoir et gloire et Empire du Soleil. Totto bouleverse les traditions bien rangées du Japon, entre militarisme débridé et obéissance bornée, et trouve refuge dans une école spéciale aux côtés des exclus du système. Doté d’une superbe animation (les expressions du visage de Totto, constamment en mouvement, sont irrésistibles), le film profite de ses envolées les plus lyriques pour vous confronter, comme son héroïne, à l’expérience du deuil avec une franchise désarmante.
Sylvestre Picard
PREMIER À AIMER
OISEAU ★★★☆☆
Par Andrea Arnold
Bailey a 12 ans et vit dans un squat avec son frère et son père. Bailey pourrait être la petite sœur de l’héroïne de Aquariumle film qui a révélé Andrea Arnold il y a 15 ans. Car comme les grands cinéastes, elle ne fait au fond que creuser un sillon, ce cinéma social où elle excelle par sa capacité à diriger de jeunes talents (la flamboyante Nykia Adams), à ne faire qu’un avec ses héroïnes mais aussi par sa manière de ne jamais confiner son histoire. au sordide. Une fois la situation établie, le cinéaste montre cet enfant qui, à l’approche de la puberté, cherche à échapper aux déterminismes sociaux et familiaux. D’abord seule puis accompagnée d’un personnage énigmatique qui déboule dans sa vie. L’Oiseau du titre, semblable à un ange tombé du ciel ou à un super-héros qui a perdu ses super pouvoirs. Et c’est justement grâce à lui… qu’Andrea Arnold sort de sa zone de confort pour s’aventurer pour la première fois, non sans maîtrise, dans le royaume du fantastique. Et ce voyage intrigant n’aurait pas été le même sans l’interprète de Bird, Franz Rogowski, sa liberté de jeu, la poésie qui entoure chacun de ses gestes ou de ses regards.
Thierry Chèze
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LA SOURCE ★★★☆☆
De Marie Jober
Dans un village isolé de Tunisie, un couple a vu leurs deux fils Mehdi et Amine les abandonner ainsi que leur plus jeune frère pour rejoindre l’Etat islamique. Un départ soudain qui les a dévastés. Jusqu’au jour où Mehdi revient accompagné de sa fiancée voilée et leur annonce la mort d’Amine. Que faire dans une telle situation ? Prise dans un dilemme moral, sa mère décide de cacher le couple – et de garder leur présence secrète au policier, qui est un ami de la famille – pour éviter que son fils ne lui soit à nouveau enlevé. Un geste qui ne sera évidemment pas sans conséquences. Pour son premier long métrage qui dialogue avec le récent RabiaMeryam Joobeur aborde ce sujet complexe en créant un contraste entre l’ultra-réalisme de la situation et le traitement onirique assumé de sa représentation en images, traduisant ainsi le désordre de cette mère en perte progressive de ses repères. Et la maîtrise avec laquelle elle le fait force l’admiration
Thierry Chèze
TOUT IRA BIEN ★★★☆☆
De Ray Yeung
Avec un titre pareil on se doute que tout va mal se passer. Et pourtant, il ne ment pas entièrement. Car la douceur qui rythme ce récit dramatique diffuse la sensation d’un possible apaisement. Aujourd’hui à Hong Kong, Angie et Pat, la soixantaine, vivent en couple. La mort subite de l’une d’elles va créer des tensions au sein de la famille du défunt, soucieuse de récupérer l’appartement où vivaient amoureusement les deux femmes. Ce drame de chambre se déroule lentement comme un film d’Ozu. Le décor devient peu à peu une prison où se coagule le poids des traditions et des conventions dont la force finit par écraser les êtres. Ray Yeung (Le printemps à Hong Kong) enlève les gros souliers que suggère une telle histoire, optant pour la subtilité des sentiments, même s’ils sont cruels et injustes. Dans une société hongkongaise peu favorable aux personnes LGBT+, un tel film, par son universalité même, est un bon moyen de faire bouger les lignes.
Thomas Baurez
REINE ★★★☆☆
Par Agniia Galdanova
Gena Marvin est une artiste queer qui se produit dans des performances impressionnantes où elle prend l’apparence de créatures mutantes, araignées et quasi-extraterrestres. Cela ne se passe pas dans un spectacle de dragsters mais dans les rues de la Russie de Poutine. La documentariste Agniia Galdanova l’a suivie de 2019 à 2023, alors que la Russie envahissait l’Ukraine et que ses créations devenaient de plus en plus politiques et courageuses. Reine est le portrait puissant d’une artiste qui met sa vie en jeu et transforme cette vie en œuvre d’art à chaque instant.
Frédéric Foubert
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PREMIER À MODÉRÉMENT AIMÉ
L’AMOUR AU PRÉSENT ★★☆☆☆
John Crowley
Florence Pugh et Andrew Garfield dans un mélodrame de John Crowley (Garçon A déjà avec Garfield, Brooklyn). Quatre excellentes raisons d’éveiller une véritable curiosité autour de cette histoire de coup de foudre né… d’un accident et de la passion amoureuse qui en découle, frappée par la maladie. Florence Pugh est à la hauteur de toutes les attentes, impressionnante de puissance et de délicatesse tout au long des montagnes russes émotionnelles que traverse son personnage de cheffe. Certaines scènes (dont un accouchement) marquent les esprits. Et pourtant, on ne s’abandonne jamais complètement à ce qui se joue à l’écran. La faute à ce choix d’histoire en flashbacks et flashforwards qui crée des ventres mous à répétition mais donne surtout la sensation d’un artifice visant à protéger à tout prix le récit d’un déferlement d’émotions qui pourrait rimer avec sentimentalité. Ce mélodrame avec ces acteurs et ce réalisateur aurait mérité quelque chose de plus frontal.
Thierry Chèze
VIE CALME ★★☆☆☆
De Alexandros Avranas
Lorsqu’une famille russe se voit refuser l’asile en Suède, leur quotidien déjà austère se détériore lorsque le plus jeune tombe dans un coma inexpliqué. Si la mise en scène minimaliste et rigide confère au film une atmosphère surréaliste, rien ici n’est de la science-fiction : l’histoire évoque le véritable syndrome de résignation qui touche les enfants réfugiés. Mais en voulant friser la dystopie tout en mettant en lumière un fait bien réel, Vie tranquille se confond et perd de vue ce qu’il aspire à dénoncer.
Lucie Chiquer
MAJA, UNE ÉPOPÉE FINLANDAISE ★★☆☆☆
Par Tina Lymy
Comment était le monde avant le capitalisme ? Sans doute celui dans lequel évolue Maja, petite tête blonde et personnage principal de cette « épopée » tout droit sortie de La Petite Maison dans la prairie – version finlandaise. Contrainte d’épouser un pêcheur, la petite fille embrasse pendant près de trois heures son destin de femme du XIXe siècle. Une existence rythmée par la maternité, le travail et la guerre, que suit le film… sans jamais avoir proposé un véritable point de vue fort sur ce qu’il montre.
Emma Poésy
LE PREMIER N’A PAS AIMÉ
SIX JOURS ★☆☆☆☆
Par Juan Carlos Médina
Six jours. Le temps qu’il reste à un inspecteur pour retrouver l’auteur d’un enlèvement d’enfant qui a tourné au drame avant que l’affaire ne soit classée. La promesse donc, a priori, d’un film sous tension, dopé par la culpabilité de ce flic pour avoir laissé s’échapper le meurtrier et la pression exercée par la mère du garçon décédé. Une promesse malheureusement non tenue en raison d’un scénario aux rebondissements mal construits, d’une bande-son épuisante et d’une mise en scène trop rarement inspirée. Juan Carlos Medina n’a toujours pas confirmé les promesses de son premier long métrage, Insensible.
Thierry Chèze
MIKA EX MACHINE ★☆☆☆☆
By Déborah Saïag and Mika Tard
Mika Tard (devant et derrière la caméra) retrouve chaque jour sa moto recouverte d’objets divers, jusqu’à ce qu’un cadenas caché dans sa chaîne manque de l’envoyer au second plan. Une enquête commence alors pour retrouver le responsable, avec l’aide de son groupe d’amis queer et féministes, construisant des hypothèses les plus folles aux plus angoissantes. Un petit jeu dont on se sent malheureusement vite exclu, car on se montre incapable de transcender la situation pour raconter, comme de manière ambitieuse, quelque chose des relations humaines dans notre société.
Thierry Chèze
Et aussi
la pyramide, par Damien Fauré
Schirkoa, la ville des fables, par Ishan Schukla
Les couvertures
Les Enchaînés, de Alfred Hitchcock
Rébecca, de Alfred Hitchcock