Ce désastre avait affecté l’entreprise de Teisserenc et bouleversé l’équilibre économique de la ville.
Alors que l’année 2024 touche à sa fin, il est encore temps de commémorer un événement dramatique qui a fortement marqué l’histoire de Lodève. Il s’agit d’une ancienne entreprise emblématique de la ville, la société Teisserenc. Comme beaucoup d’autres enseignes aux alentours, elle s’est spécialisée dans le textile, secteur industriel incontournable du Lodévois. Tout au long du XIXème siècle, Teisserenc avait développé son activité, notamment en construisant une grande usine en 1840, sur la rive droite de la Lergue, à côté du pont du même nom et de l’avenue Montalangue.
Maisons détruites
Mais dans la nuit du 29 au 30 avril 1899, les Lodévois sont soudainement réveillés de leur sommeil : un incendie ravage les locaux de Teisserenc ! La presse régionale a largement relayé le drame en relatant les événements, comme dans La foudre vous êtes le 1er mai 1899 : « C’est vers minuit que l’alarme a été donnée et immédiatement les secours ont été organisés. […] Mais face à l’intensité de ce vaste incendie, nous avons vite reconnu l’impossibilité de sauver l’atelier. Tous les efforts ont été concentrés sur la préservation des nombreuses maisons voisines.
Au fur et à mesure que la nuit avance, la situation empire, comme le décrit en détail le journaliste : « Vers 3h30 du matin, l’immense mur de l’usine longeant le boulevard de la gare s’effondre en partie et écrase les trois ou quatre maisons voisines formant l’angle de la rue des Côtes. Un cri terrible s’est élevé dans la foule, chacun se demandant s’il y avait des victimes sous les décombres.
Des centaines de salariés au chômage
Ce n’est qu’au petit matin que l’incendie a été maîtrisé par les secours, aidés par l’apparition bienvenue de la pluie. Si tout le monde se réjouit de n’avoir aucune victime humaine, le bilan matériel est très lourd : l’usine de Teisserenc est réduite en cendres, tout comme plusieurs maisons voisines. Ceux-ci ne sont pas couverts par une assurance, et une souscription publique est immédiatement lancée. L’autre inquiétude concerne les centaines de salariés de l’entreprise : à l’heure où l’assurance chômage est quasi inexistante, c’est tout l’équilibre économique d’une ville qui menace d’être impacté.
Face à l’inquiétude, le leader Paul Teiressenc publie quelques jours plus tard une lettre dans la presse : « Je cesserais d’être digne de la sympathie de mes concitoyens si j’abandonnais l’œuvre commencée en 1641 par Jacques Teiressenc. Ce ne sera pas le cas et je vous déclare que rien ne sera négligé pour abréger un chômage douloureux, que la triste situation industrielle de notre chère ville le rend encore plus douloureux.» La lettre a été lue sous les acclamations lors d’une grande réunion publique organisée pour faire face à la situation.
La ville entière mobilisée pour venir en aide aux sinistrés
Un comité de secours est formé, à la tête duquel se trouvent toutes les autorités civiles ou morales de la ville ; le sous-préfet, le maire, le colonel commandant le 142e régiment d’infanterie et même l’archiprêtre de Saint-Fulcran ! Finalement, l’entreprise Teisserenc parvient à surmonter le désastre, en construisant de nouvelles usines et en continuant à contribuer à la prospérité de Lodève, jusqu’à la fermeture définitive de ses portes dans les années 1960. Pour perpétuer le souvenir de cette aventure industrielle, la famille Teisserenc a également décidé en 2018 de confier l’ensemble de sa documentation aux archives départementales de l’Hérault, afin de permettre aux chercheurs de retracer l’histoire économique du Lodévois.