C’est comme si le ciel lui tombait à nouveau sur la tête. Après un premier coup dur mardi dernier, lorsque son chariot à crochet de grand-voile a décidé de céder, l’empêchant de rattraper l’avant qui devait l’emmener au Cap Horn, et lui permettre de rattraper le groupe de tête, les ennuis continuent pour Clarisse. Crémer. Elle avait pourtant réussi le tour de force de réussir à faire le deuil de cette occasion manquée, avec de la musique, des biscuits préférés et la méthode Coué, en se répétant « On est heureux ! » encore et encore, même s’il est « difficile de voir les autres partir du front ». Heureuse d’être encore en course et prête à célébrer les fêtes, elle s’est livrée ce lundi à une séance d’essayage de couvre-chefs de Noël, à l’autre bout du monde, au passage de l’archipel des Antipodes. S’avouant “un peu déphasé”, coincé dans une crête, entouré d’une grisaille éternelle et ballotté dans une mer toujours très forte, le skipper s’est même amusé de ce décalage, assurant que “le ridicule ne tue pas”. et restait « le moindre de (ses) soucis », occupée alors qu’elle luttait contre le froid et se préparait à affronter les violentes dépressions qui avaient prévu de jalonner sa route vers le continent sud-américain.
Jeudi bleu et blues de Noël
Avec son « moral à zéro côté météo », Clarisse Crémer pensait que la chance allait enfin tourner le mardi 24 décembre, tel un cadeau de Noël en avance, lorsqu’elle parviendrait à réparer définitivement son système d’attache de grand-voile… et à retravailler le vent lui permettant d’effectuer un vol direct. cap vers l’Est : « On repart, on roule à 23 nœuds de vitesse ! » De quoi recharger les batteries, et le moral, avant d’être « renversée » par une violente dépression, qu’elle avait bien anticipée et a su négocier. Mais c’était sans compter une fuite d’eau au niveau du col de cygne, zone de jonction entre le câblage du mât et l’intérieur du cockpit, qui a inondé ses deux ordinateurs de bord… « Comme c’est toujours le cas avec la loi de Murphy, je J’ai sorti mes deux PC, explique-t-elle. Parce qu’au départ de la course j’ai eu des problèmes de PC, je les ai fait installer les uns sur les autres, prêts à être échangés. Et comme une cloche, je n’ai pas ré-stocké le PC de rechange plus tard, afin qu’il soit prêt à être utilisé si le PC principal faisait à nouveau des problèmes. Je n’avais pas pensé à la fuite d’eau là-bas, je l’avoue. Du coup, les deux ont pris l’eau et je n’ai plus d’ordinateur de bord. Ni logiciel de navigation. »
Pas de cadeaux au Point Némo
Alors que les conditions météo se renforcent et qu’elle navigue dans un vent très instable, entre 25 et 35 nœuds, qui devrait encore se renforcer entre 30 et 40, Clarisse navigue « sur iPad », tel un plaisancier, en utilisant logiciel beaucoup moins complet que son logiciel habituel, Adrena. « J’ai un peu l’impression de naviguer à l’aveugle, je ne me repère pas et je dois faire attention à respecter les zones interdites et redoubler de vigilance par rapport aux prévisions météo. Je vais m’y habituer, je trouverai des subterfuges s’il le faut, mais ce qui est dur c’est que c’est un vrai plaisir pour moi de faire mes routages, et je me retrouve à 20% de ma réflexion météorologique habituelle. » Incapable de procéder à des analyses détaillées et de réfléchir à la meilleure stratégie à adopter, obligée pour l’instant d’aller là où son application sommaire le lui dira, l’aspect performance n’est pas le seul qui intéresse Clarisse. La sécurité est en effet au cœur de ses préoccupations, alors que la tempête nous guette et que des réparations seront à l’ordre du jour dans les prochaines heures.
« Quiz du jour : quelle activité rêveriez-vous de faire sur un IMOCA, à Point Nemo, au milieu des mers du Sud, avec 30/35 nœuds de vent et 5 à 6 mètres de houle ? » Malgré tout, « Clacla » est ironique, décidément doté d’un humour à toute épreuve. « J’ai choisi l’électronique ! C’est tout à fait approprié ! » Car l’espoir demeure pour la skipper et son équipe de « ressusciter » l’un de ses deux ordinateurs, en combinant différents éléments et processeurs, pour un PC « deux en un ». « J’essaie de sécher celle qui a pris le plus d’eau mais qui n’était pas allumée à ce moment-là et qui a donc une petite chance d’être encore en vie, espère-t-elle. Je l’ai démonté et mis au chaud dans un sac avec la sortie d’air du moteur. La très belle facture n’est normalement pas ma tasse de thé, mais alors, sur un bateau comme ça… c’est plutôt cool ! »
Quand Benji remplace Sammy
Petite consolation dans toutes ses aventures ? Bénéficiant de la compagnie de Benjamin Dutreux, revenu dans son tableau arrière, au moment de se séparer de sa compagne Samantha Davies qui a opté pour une route vers le Nord afin d’éviter le pire de la tempête : « Je suis contente d’avoir quelqu’un à proximité. J’avais l’impression qu’il y avait aussi beaucoup de vagues du Nord, peut-être un peu moins de vent, mais beaucoup de vagues aussi. De toute façon, je n’ai plus les outils pour choisir le meilleur itinéraire, c’est typiquement le genre de décision que je n’arrive plus à prendre. » La perspective de passer le Cap Horn pour la nouvelle année, juste après avoir fêté ses 35 ans, pourrait-elle panser les blessures, dans des conditions plus gérables, de jour et à vue pour couronner le tout ? Une récompense à la hauteur des efforts fournis, que l’on souhaite au marin bien mérité !