OCTOBRE
LA SUBSTANCE de Coralie Fargeat
Il s’agit du le film le plus controversé de l’année. Dès la première projection à Cannes (où il a remporté le prix du meilleur scénario), les avantages et les inconvénients étaient évidents. L’histoire de la diva qui annonce «quitter» le programme de fitness qu’elle dirige et qui adhère à un protocole expérimental qui promet de la rendre plus belle et plus parfaite a suscité des discussions. La surabondance de citations cinéphiles ainsi que le traverser les éclaboussures et l’horreur (notamment sur le corps féminin) ont fait débat. Est-ce une véritable accusation contre les prétentions chauvines ou le réalisateur finit-il par y adhérer en appliquant une loupe sur les imperfections ? Il y a aussi ceux qui lisent tout comme une parodie d’une société fondamentalement misogyne. Lorsqu’un film suscite autant de discussions, il a déjà acquis un mérite important.
PARTHÉNOPE de Paolo Sorrentino
Sorrentino revient pour exprimer son sentiment ambivalent pour Naples. Cette fois, c’est à travers un personnage féminin qui, comme la ville, se perd et se retrouve, ne cessant d’attirer les personnalités les plus diverses. La citation de Céline « Comme la vie est énorme, on se perd partout » nous guide tout au long de la vision vers un amour souligné par la chanson de Paoli et Vanoni « Che cosa c’è ». Parthénope évolue entre des éléments contradictoires mais reste toujours un élément d’attrait pour un réalisateur qui se découvre un peu moins baroque et un peu plus enclin à l’observation du un féminin éternel et multiforme par lequel il est fasciné et que Celeste Dalla Porta parvient à le porter à l’écran avec une adhérence extraordinaire.
L’HISTOIRE DE SOULEYMANE de Boris Lojkine
Ce n’est pas le premier film sur les cavaliers, mais c’est celui qui a le plus profondément capturé l’expérience de ceux qui se retrouvent en attente de régularisation de leur présence dans un pays européen. Lojkine a emmené son protagoniste en voyage À propos de Sangaré (lauréat du prix EFA du meilleur acteur), au loin et toujours vite, les rues d’un Paris vu comme un étranger sinon un ennemi. La caméra le suit comme si nous étions dans un film de Dardenne puis s’arrête lorsqu’il arrive à l’interview tant attendue. Là, dans cette longue séquence, émergent le besoin de sécurité et le sentiment d’être à la merci du jugement d’autrui qui cherche une vérité qui doit correspondre à des critères déjà établis. Si la comparaison n’était pas trop risquée, on penserait à la scène d’Antoine Doinel devant le psychologue. Les quatre cents coups de François Truffaut. Même s’il utilise un langage cinématographique différent, le sentiment est le même. sentiment de participation envers une humanité souffrante.
NOVEMBRE
JUROR NUMÉRO 2 de Clint Eastwood
Le vieux Clint frappe encore avec un film qui dépasse le genre judiciaire pour aborder un dilemme moral qui est d’ailleurs celui des États-Unis aujourd’hui. Où est la frontière entre mensonge et vérité ? Justin Kemp qui se retrouve à juger quelqu’un qui est soupçonné d’un crime dont il est, quoique involontairement, coupable, dans quelle mesure doit-il prendre en compte ce qu’imposerait une conduite morale digne de ce nom ? Quelle est la valeur de « votre particulier » ? Tout cela dans un contexte où ce qui apparaît le plus à la lumière se révèle moins vu. Clint a le cinéma dans le sang tout comme le besoin de faire un film qui devienne immédiatement un classique indépendant coule dans ses veines même lorsqu’il fait référence à un autre classique comme La parole aux jurés changeant cependant de signe. Celui qui tente ici d’éviter la condamnation de l’accusé n’est pas mû par un principe éthique mais par un tourment intérieur et très personnel. Dans un film avec une fin dont on se souviendra.
DÉCEMBRE
LES OPPORTUNITÉS DE L’AMOUR de Stéphane Brizé
On risquait le classement Cassé en tant que réalisateur engagé dans la dynamique du travail grâce aux films qui se sont succédé ces dernières années (La loi du marché, En guerre, Un autre monde mais avec la parenthèse de Une vie) et nous surprend au contraire avec un film dans lequel lui, acteur en crise, rencontre tout à fait par hasard la femme avec laquelle il avait eu une relation dans le passé. Conçu à l’époque où sévissait le Covid, il est un film sur la précaritésitué dans une ville balnéaire en période hors saison. Alors qu’ils finissent par être hors saison, Mathieu et Alice, dans un film aux tons de comédie raffinée et à ceux dans lesquels se dessine peu à peu la perte de ce qu’on a été et de ce qu’on est devenu. Avec la possibilité de renouer avec la compréhension s’il n’y avait pas comme obstacle le détachement et de nombreuses années de distance.